25:19 Isaac, fils d’Abraham… Abraham était le père d’Isaac. Pour le Midrach, cette apparente tautologie signifie qu’Isaac était fier d’être le fils d’Abraham et que, réciproquement, Abraham était fier d’être le père d’Isaac.1 On peut certes se louer de ce que nos ancêtres ont accompli, mais ce n’est pas suffisant : nous devons nous conduire d’une façon qui permettra à nos ancêtres d’être également fiers de nous.2

Isaac, fils d’Abraham… Abraham était le père d’Isaac. La seconde mention du nom d’Abraham apparaît immédiatement après la première, tandis que la seconde mention du nom d’Isaac apparaît après plusieurs mots qui suivent la première mention. Il y a ici une leçon importante qui porte à la fois sur la façon d’éduquer les jeunes et sur celle dont nous devons gérer nos relations. Comme nous l’avons vu, Abraham caractérisait la bonté, tandis qu’Isaac incarnait la sévérité. C’est la raison pour laquelle le nom d’Isaac n’apparaît jamais deux fois de suite dans toute la Torah. En revanche, les noms d’Abraham (qui caractérise la bonté) et de Jacob (qui caractérise l’harmonie) apparaissent, eux, deux fois de suite.3 De façon analogue, le Nom de Dieu qui connote Sa sévérité (Elokim) n’apparaît jamais deux fois de suite dans toute la Torah, alors que c’est le cas des Noms qui connotent Sa bonté (Havayah4 et Kel5 ).6 Malgré la nécessité de devoir parfois recourir à des mesures disciplinaires, nous ne devons jamais agir deux fois de suite dans ce sens ; il doit toujours y avoir un intervalle de bienveillance entre deux attitudes de sévérité.7

25:21 Isaac implora l’Éternel. Rébecca atteignit la maturité physique pour concevoir à l’âge de treize ans, mais elle demeura néanmoins stérile. Isaac et Rébecca attendirent et prièrent pour avoir des enfants pendant dix ans, comme l’avaient fait les parents d’Isaac, Abraham et Sarah,8 après quoi ceux-ci réalisèrent qu’il fallait prendre d’autres mesures. Mais à la différence de son père, Isaac ne voulut pas procréer à travers la servante de son épouse. Abraham lui avait conféré le statut d’animal consacré (par un sacrifice),9 d’où Isaac comprit que, du fait de la sainteté dont il était empreint, il ne pouvait se souiller, fût-ce d’une façon aussi subtile que celle d’enfanter.10 C’est pourquoi Isaac et Rébecca décidèrent plutôt d’intensifier la ferveur et la fréquence de leurs prières. Elle devint enceinte de jumeaux ; le premier qui fut conçu se développa plus profondément dans son ventre que le second, lequel se forma de façon à sortir le premier.11

25:22 Les enfants luttaient au sein d’elle. Lorsqu’elle passait devant l’académie de Chem et Ever, Jacob tentait de sortir de son ventre ; lorsqu’elle passait devant un temple d’idolâtrie, c’était Ésaü qui tentait de faire de même. La lutte qui les opposait avait également pour enjeu de déterminer qui des deux hériterait des bénédictions du monde matériel et qui obtiendrait celles du Monde futur.

Luttaient au sein d’elle. La mission dont Dieu avait investi Ésaü était de montrer qu’une personne possédant une puissante propension à faire le mal est capable de surmonter la tentation en demeurant vertueuse. Dieu créa Ésaü intentionnellement avec un penchant inné pour l’idolâtrie afin qu’il le vainque. Et de fait, avant d’atteindre treize ans,12 la propension à la perversité présente en lui ne le conduisit pas à l’égarement : il canalisait sa rouerie innée de façon à tromper son inclination au mal en mettant à contribution les aspects matériels et charnels de la vie pour des actes sanctificateurs. Ce fut seulement lorsqu’il atteignit l’âge de treize ans qu’il rejeta les idéaux de son père et de son grand-père. L’existence à laquelle Ésaü était destiné – et qui fut bien la sienne jusqu’à cet âge – constitue un exemple de la façon dont nous devons gérer nos aspirations matérielles, le défi à affronter dans un domaine situé en dehors du cocon protecteur de la prière et de l’étude de la Torah. Notre tâche ne consiste pas uniquement à nous identifier à Jacob, mais également à Ésaü, et faire ainsi de l’univers profane une demeure pour Dieu. Néanmoins, nous devons commencer par nous investir dans l’étude de la Torah et l’accomplissement des commandements de Dieu afin de nous doter de la force nécessaire pour nous atteler à l’œuvre de transformation.13

25:23 Lorsque l’un s’élèvera, l’autre déclinera. Nous possédons chacun un Jacob intérieur – notre âme divine avec ses aspirations vers le divin – et un Ésaü intérieur – notre âme humaine/vivifiante et ses tendances égocentriques. Lorsque notre âme divine s’affirme, elle affaiblit les pulsions matérialistes de l’âme vivifiante. L’âme divine prévaut sur l’âme vivifiante de la même façon que la lumière évince l’obscurité. La lumière n’a nul besoin d’agir pour disperser l’obscurité – l’obscurité cesse tout simplement d’exister en présence de la lumière. De façon analogue, dès lors que nous permettons à la sainteté et aux vertus de notre âme divine de rayonner en étudiant la Torah et en observant les commandements, les pulsions égocentriques de l’âme vivifiante se dissipent.14

25:27 Ésaü devint habile à piéger son père. La Torah fait état de ce mauvais trait de caractère du fils d’Isaac afin de nous inviter à demeurer vigilants devant les manigances de notre propre « Ésaü », notre mauvais penchant. Celui-ci ne nous suggère pas toujours ouvertement de défier la volonté de Dieu. Il peut parfois prétexter une très noble raison pour ne pas accomplir une bonne action spécifique. Et il peut lui arriver de justifier une faute en la revêtant d’une motivation apparemment vertueuse. Nous devons nous exercer à ne pas nous laisser abuser par ces subterfuges et à les reconnaître pour ce qu’ils sont : des entraves à l’accomplissement de notre mission divine.15

À étudier la Torah. Jacob fit plus que se consacrer à l’étude de la Torah ; il déploya encore de grands efforts pour faire en sorte que l’étude de la Torah puisse continuer de se développer et de s’épanouir. Plus tard dans sa vie, il fonda un centre d’étude de la Torah en Égypte avant même de s’y établir.16 En étudiant lui-même la Torah, comme en établissant des centres d’études pour ses enfants, il fit en sorte que tous ces enfants demeurent des Juifs fidèles. Tant que nous suivons la voix de Jacob – à la fois en consacrant régulièrement des moments à l’étude de la Torah et en faisant que nos enfants soient éduqués dans des établissements dont le principal objectif est l’étude de la Torah –, nous pouvons avoir la certitude que tous nos enfants demeureront des Juifs fidèles. En outre, nous aurons l’assurance de les voir réussir non seulement au plan spirituel, mais également au plan matériel.17

26:2 Ne descends pas en Égypte. Le véritable foyer du peuple juif est le Pays d’Israël du fait que Dieu a rendu ce pays plus propice qu’aucun autre à la conscience de Sa présence. Aussi, même si les circonstances de l’exil nous contraignent à vivre temporairement à l’extérieur de la Terre sainte, nous ne devons jamais oublier que les pays de la Diaspora ne sont pas notre véritable foyer.18

Isaac avait auparavant envisagé de descendre en Égypte. Ayant été éduqué par son père à croire en la providence divine, Isaac présuma que la famine avait pour but de le conduire à se rendre en dehors du Pays d’Israël afin d’y diffuser les enseignements de Dieu, tout comme son père l’avait fait.19 Cependant, Dieu dit à Isaac de ne pas quitter le pays, affirmant ce faisant que sa vocation à lui d’amener la conscience du divin dans le monde était différente de celle d’Abraham. Abraham avait enseigné en allant au-devant de ses semblables, en voyageant pour trouver son audience, et en adaptant son message aux aptitudes de ceux qui l’entendaient. Isaac était, au contraire, censé se consacrer à intensifier sa propre conscience du divin ainsi que celle de son entourage immédiat. La puissance, la clarté et la vigueur de ce travail intérieur conféraient à Isaac un charisme magnétique qui attirait le monde extérieur à lui et l’inspirait à vouloir s’identifier à lui.20

26:18 Que les Philistins avaient bouchés. Creuser des puits caractérise le fait de s’ennoblir au préalable afin de pouvoir intégrer la révélation du divin. Les Philistins parvinrent à boucher les puits d’Abraham parce que sa façon de diffuser la conscience du divin était antinomique avec celle que caractérise l’acte de creuser des puits. Il inspirait seulement ses contemporains, mais ne révélait pas leurs sources intérieures de bonté. À l’inverse, l’acte de creuser des puits illustrait parfaitement la façon dont Isaac procédait pour diffuser la conscience du divin : il faisait en sorte que les gens portent sur eux-mêmes un regard sincère, les forçant à affronter les blocages psychologiques qui les empêchaient de vivre une existence pénétrée du divin, et à ainsi découvrir leur bonté cachée. C’est pourquoi les Philistins ne purent pas obstruer ses puits.21

26:20 L’eau est à nous. « Creuser des puits » signifie rechercher le bien que les individus recèlent en eux afin de révéler la source de spiritualité et de sainteté enfouie sous leur apparence extérieure. Tout comme Isaac creusa des puits en dépit de l’opposition des Philistins, nous ne devons pas non plus abandonner l’espoir d’atteindre ceux qui sont hostiles à la sainteté. Même si nos premiers efforts se révèlent infructueux – ou pire, si notre démarche se retourne contre nous –, à l’image d’Isaac nous devons continuer à creuser jusqu’à ce que nous parvenions à révéler ces sources enfouies.22

26:22 Il lui donna le nom de Re’hovot [« grands espaces »]. Ces trois puits préfigurent les trois Temples que les descendants d’Isaac étaient appelés à construire. Les deux premiers puits d’Isaac, qui furent l’objet d’une querelle avec les Philistins, présageaient les premier et deuxième Temples, qui finiraient par être détruits. Le troisième puits, qui ne fit pas l’objet d’un contentieux, préfigure le troisième Temple, qui sera construit à l’ère messianique et ne sera jamais détruit.23 Cette métaphore est particulièrement appropriée du fait que les deux puits et les Temples qui leur correspondent étaient le produit des efforts humains et divins conjugués. Bien que l’eau jaillisse d’elle-même d’un puits ou d’une source, elle ne peut le faire que si la terre a été creusée afin de la révéler. De façon similaire, même si la Présence de Dieu repose sur le Temple, la chose ne se produit que lorsqu’un Temple a été construit pour l’accueillir. Pour susciter la Présence de Dieu, le Temple doit être édifié non seulement avec des éléments matériels, mais aussi par nos bonnes actions. Quelque imposant et resplendissant que soit l’édifice, si ceux qui le construisent ne sont pas méritants, la Présence de Dieu ne s’y manifestera pas.24

27:1 La fumée des offrandes d’encens des femmes idolâtres d’Ésaü. Bien que la fumée puisse effectivement altérer la vue d’une personne,25 la sorte de fumée issue des offrandes idolâtres des femmes d’Ésaü n’était pas de celles qui pouvaient rendre une personne aveugle, car ni Ésaü ni ses femmes n’étaient devenus aveugles alors qu’ils avaient un contact bien plus rapproché qu’Isaac en accomplissant leurs rites idolâtres. En fait, la cécité d’Isaac fut causée par son exposition à la fumée issue tout particulièrement du culte des idoles. Il était si pur que ses yeux ne pouvaient supporter une manifestation aussi ostentatoire de l’idolâtrie,26 et c’est pourquoi il devint aveugle.27

Sa vue avait été affaiblie. Plutôt que faire en sorte qu’Isaac devienne aveugle, Dieu aurait pu tout simplement lui montrer la perversion d’Ésaü et son indignité ; Dieu n’aurait ainsi rien divulgué de ce que le père ne soupçonnait pas déjà à propos de son fils. Après tout, Isaac savait déjà que les femmes d’Ésaü étaient idolâtres – bien qu’il trouvât à son fils l’excuse de ne pas avoir d’emprise sur elles – et qu’Ésaü n’avait pas l’habitude de faire mention de Dieu dans sa conversation.28 La réticence de Dieu à révéler à Isaac la perversité d’Ésaü nous enseigne une leçon importante : si Dieu choisit de rendre Isaac aveugle pour ne pas dire du mal du pervers Ésaü, nous devons quant à nous certainement prendre garde à ne pas dénigrer nos semblables, car le faire renforce leur mauvaise conduite et la rend d’autant plus difficile à corriger pour eux.29

Pour que je t’accorde la bénédiction de mon âme. Isaac désirait bénir Ésaü – et ainsi faire de lui son successeur – plutôt que Jacob, car il avait reconnu le potentiel d’Ésaü de devenir un vaillant défenseur de la cause de Dieu, dévoué à combattre le mal. Bien qu’Isaac avait vu Ésaü succomber aux tentations mêmes qu’il aurait dû réprimer, allant jusqu’à prendre fait et cause pour le mal, Isaac sentait que par sa seule bénédiction Ésaü rejoindrait la cause du bien et de la vertu. Doté de sa formidable force, de son intelligence aiguisée et de son habileté, il aurait été en mesure d’accomplir les desseins de Dieu sur terre bien plus efficacement que Jacob n’en était capable.30 Rébecca prit conscience de l’erreur d’Isaac. Il était vrai que Jacob ne personnifiait pas le guerrier astucieux et vigoureux qu’était Ésaü, mais la vive lucidité qu’il avait épanouie en se consacrant à l’étude de la Torah était parfaitement susceptible de lui procurer l’habileté nécessaire à combattre le mal lorsqu’il devrait l’affronter. À cela s’ajoutait le fait que le dévouement de Jacob à la Torah l’avait imprégné d’une bien plus puissante aspiration à faire du monde une demeure pour Dieu – ainsi que de la connaissance et des aptitudes nécessaires à le faire – que celles qu’Ésaü pourrait jamais posséder.31

27:13 Que ta malédiction soit sur moi, mon fils. Recevoir de sublimes bénédictions implique de se sacrifier. Lorsque Rébecca montra à Jacob qu’elle était disposée à sacrifier sa propre vie pour qu’il reçoive les bénédictions, il prit conscience de leur importance capitale, et dès lors il fut disposé à se ranger à son plan, même si cela signifiait risquer sa propre vie. Il s’en convainquit non parce qu’il pensa que c’était elle qui subirait les conséquences de son acte à lui, mais parce que l’abnégation dont Rébecca fit preuve lui enseigna l’importance critique de recevoir les bénédictions, et qu’il devait pour cela aller jusqu’à son propre sacrifice.32

27:16 Et elle revêtit ses bras des peaux des chevreaux. Isaac voulait faire d’Ésaü un repentant, car il savait que, comme les sages nous l’enseignent : « Les repentants peuvent atteindre des niveaux auxquels les justes parfaits n’ont pas accès. »33 L’expérience pratique du repentant avec le monde de l’interdit et les abysses dans lesquelles il pleut le plonger le conduisent à aspirer à la sainteté et au divin avec une soif que ne peut connaître quiconque n’a jamais connu cette déchéance. Bien qu’Ésaü ne fût pas digne de ces bénédictions,34 Isaac était fondé à considérer que c’est seulement par la relation à Dieu en tant que pénitents que nous pouvons pleinement épanouir ces bénédictions. En revêtant Jacob de vêtements le faisant passer pour Ésaü, Rébecca manifesta son adhésion à l’intuition d’Isaac.35

27:31 Que mon père se lève et mange du gibier de son fils. Le respect d’Ésaü pour son père était exemplaire. Il servait son père revêtu des vêtements particuliers qu’il avait pris à Nimrod, et qui lui étaient si chers qu’il ne les confiait qu’aux soins de Rébecca sa mère.36 Par la suite, lorsqu’il décida de tuer Jacob, il s’abstint de le faire – malgré son ardente colère – afin de ne pas causer de douleur à son père.37 Dès qu’il entendit que les femmes cananéennes déplaisaient à ses parents, il s’empressa d’épouser sa cousine. Et pourtant, la déférence d’Ésaü envers son père ne l’empêcha pas de s’adresser à lui de façon irrespectueuse, en disant : « Que mon père se lève. » En revanche, son frère Jacob dit courtoisement à Isaac : « Veuille te lever. »38 De façon analogue, Ésaü évoqua la mort de son père de façon grossière en disant : « Les jours de deuil de mon père approchent. »39 La conduite d’Ésaü nous enseigne l’importance non seulement de ce que nous faisons, mais de la façon dont nous le faisons. Par exemple, les propos que nous tenons ne doivent pas seulement être sensés et défaits de toute parole inconvenante (mensonges, commérages, etc.) ; ils doivent encore être raffinés et délicats, à l’image de ceux de Jacob.40

27:35 Ton frère est venu avec ruse. Ces bénédictions qu’Isaac donna à Jacob avaient trait à la prospérité matérielle. Le fait que Jacob les obtint à travers la ruse nous enseigne la façon dont nous devons aborder nos propres activités d’ordre matériel. En mangeant ou en conduisant nos affaires, par exemple, nous pouvons apparaître comme ne faisant que veiller à nos besoins physiques, à l’image d’un Ésaü matérialiste. Cependant, derrière cette apparence, nous devons en réalité penser comme Jacob : nos véritables aspirations doivent être d’ordre spirituel. Nous devons manger afin d’obtenir la force d’accomplir de bonnes actions, d’étudier la Torah et d’observer les commandements de Dieu. Nous devons gagner notre vie dans le but de posséder les moyens financiers nécessaires à accomplir tout cela, et ainsi de suite. Telle est la sorte de « duplicité » dont nous sommes censés faire usage dans nos interactions avec le monde matériel.41

28:9 En plus de ses autres femmes cananéennes. Le prénom de Ma’halath était Bassemath (à ne pas confondre avec l’épouse hittite d’Ésaü, Bassemath fille d’Eilone).42 Le nom de Ma’halath (« la pardonnée ») lui fut donné le jour de son mariage, car ce jour là elle se repentit de tous ses fautes passées, et le jour de leur mariage, Dieu pardonne toutes les fautes passées aux personnes qui se repentent sincèrement.43 Ainsi fut-elle une femme vertueuse, un fait qu’Ésaü voulut utiliser comme stratagème pour laisser croire à son père que lui aussi s’était repenti. Mais comme il ne s’était pas séparé de ses femmes cananéennes, il était clair que, tout comme ses premiers mariages avaient été des actes d’hypocrisie, ce mariage-là l’était également.44