« Pourquoi mes enfants détruisent-ils tout ? »

OK, je l’avoue : j’ai poussé ce cri exaspéré au moins une ou deux fois. Peut-être même une fois par semaine, en fait.

Comme lorsque ma petite de deux ans a jeté tous ses jouets dans les toilettes et a tiré la chasse. (Les voisins n’étaient pas très heureux.)

Ou lorsque mon geek de dix ans a trouvé le mot de passe de mon ordinateur portable et a effacé tout mon disque dur.

Ou toutes les fois où ils ont vidé mes tiroirs, mon réfrigérateur, mes placards, mes étagères, et créé de merveilleuses pagailles.

Pourquoi mes enfants détruisent-ils tout ?

Est-il nécessaire de continuer ?

Mais au milieu du chaos et de l’exaspération, il y a une petite phrase à laquelle je me cramponne et qui m’aide à garder ma santé mentale.

« Du pain selon les enfants. »

Dans la lecture de la Torah de cette semaine, Vayigach, nous lisons que Joseph a généreusement soutenu ses frères et leurs familles pendant la famine, après qu’ils se furent installés en Égypte : « Joseph soutint son père, ses frères et toute sa famille [avec] du pain selon les enfants. »1

Rachi interprète les mots « du pain selon les enfants » comme signifiant que Joseph fournit assez pour répondre aux besoins de chaque membre de la famille.2

Le Midrash explique que Joseph fournit en fait plus que leurs besoins, parce que la nature des enfants est telle qu’« ils émiettent plus qu’ils ne mangent ».3

En d’autres termes, cela fait partie du package. Les enfants émiettent leur nourriture. Ils font des dégâts. Ils gâcheront la moitié de tout ce que vous leur donnerez. Ils farfouilleront dans vos affaires et les ruineront. Ce gaspillage doit être pris en compte dans le budget familial.

Joseph prodigua à ses frères et sœurs d’une manière si exemplaire que nous demandons à D.ieu Lui-même de prendre exemple : « Ô Berger d’Israël, écoute, Celui qui conduit Joseph comme un troupeau de brebis. »4 Sur ce verset, rachi commente : « Tout Israël est appelé par le nom de Joseph, parce qu’il les a nourris et soutenus en temps de famine. »

Le Midrash interprète le verset comme une demande à D.ieu de « nous conduire comme Joseph a conduit ses brebis » :

Joseph économisa pendant les années d’abondance pour les années de famine ; de même, sauve-nous de ce monde pour le monde à venir. Joseph prodigua à ses frères selon leurs actions, comme il est dit, « du pain selon les enfants » ; de même, prodigue-nous selon nos actions. Rabbi Mena’hem dit au nom de Rabbi Avin : « Les frères de Joseph lui firent du mal et il leur rendit du bien ; nous aussi avons fait du mal devant Toi, mais nous Te demandons de nous rendre du bien. »5

En nourrissant ses frères en Égypte, Joseph leur prodigua plus que leur survie pendant les années de famine. Il légua à ses frères et à tous leurs descendants la force d’être longanime, de rendre le bien pour le mal, de faire abstraction des défauts et de pardonner les erreurs.

Et tout comme Joseph traita ses frères, nous voulons que D.ieu nous traite.

Nous sommes les enfants de D.ieu et Il nous prodigue généreusement selon tous nos besoins matériels et spirituels. Mais nous sommes des enfants et ne savons pas apprécier la moitié de ce qui nous est donné. Nous dilapidons les dons de D.ieu. Nous faisons du gâchis. Même lorsque nous accomplissons des mitsvas, nous ne saisissons pas pleinement leur valeur. Nous les faisons alors que notre esprit est ailleurs ; nous les accomplissons avec des arrière-pensées. De la Torah que nous étudions, nous ne nous rappelons et n’intériorisons qu’une petite fraction.6 Pourtant, D.ieu nous prodigue gracieusement, encore et encore, « du pain selon les enfants ». Comme Joseph le fit pour ses frères.

Et de Joseph nous apprenons à tendre la main à ceux dont la compréhension des concepts spirituels est au niveau de celle d’un enfant. Nous leur prodiguons « du pain selon les enfants » ; nous déconstruisons les concepts encore et encore, jusqu’à ce qu’ils ne soient plus que de simples « miettes » de la pensée originale, jusqu’à ce qu’ils soient présentés dans un format et un style qu’ils peuvent apprécier et absorber.

Même lorsque nous accomplissons des mitsvas, nous ne saisissons pas pleinement leur valeur

Le Chabbat Parshat Vayigach en 1988, le Rabbi de Loubavitch lança une campagne à propos des livres juifs. Il encouragea les parents à acheter des sefarim (des livres sacrés) à leurs enfants, tels qu’un sidour, un ‘Houmach, un Téhilim et un Tanya. Les livres devaient être conservés dans la chambre de l’enfant, pour la transformer en temple miniature. Le Rabbi dit : « Les parents expliqueront certainement aux enfants qu’ils ne doivent pas avoir peur d’utiliser les sefarim fréquemment de crainte qu’ils ne s’abîment ou ne se déchirent, puisqu’ils leur promettent d’acheter de nouveaux livres, plus beaux encore que ceux-ci, lorsqu’ils seront usés. »7

Bien qu’il existe un grand nombre de lois juives sur la façon de traiter les livres sacrés avec respect, nous ne nous retenons pas de donner aux enfants leurs propres livres. Dans Son grand amour pour les enfants juifs, D.ieu considère leur jeu comme un signe d’amour et « fait abstraction » de toute profanation involontaire de Ses écrits sacrés.

D.ieu sait que notre désir essentiel est d’être proche de Lui et d’accomplir Sa volonté. Bien que, dans notre immaturité spirituelle, nos actions ne reflètent pas toujours cette volonté intérieure, nous demandons à D.ieu de « nous prodiguer selon nos actes » – de prendre en compte la véritable valeur spirituelle de nos mitsvas, même lorsque nos pensées et nos intentions sont loin d’être parfaites. Nous Lui demandons de faire abstraction de nos imperfections, de pardonner nos pagailles et de Se concentrer sur notre valeur intérieure, tout comme Joseph le fit pour ses frères.

(Basé sur un discours du Rabbi de Loubavitch, Likoutei Si’hot, vol 5, pp. 239-250.)