Le plaisir est-il une valeur juive?
Chers amis,
La lecture de la Torah de cette semaine nous plonge dans le mystère des vœux du nazir. Dans la prophétie d’Amos (2,11), D.ieu exalte le nazir et le compare à un prophète. Pourtant, la Torah requiert du nazir d’apporter un sacrifice expiatoire pour le « péché » commis en s’ajoutant des interdits à ceux que la Torah lui a déjà imposés.
De fait, le judaïsme valorise la sanctification de notre existence quotidienne plus que l’ascétisme. Maïmonide nous enseigne que chaque aspect de notre vie doit être orienté vers la connaissance de D.ieu, y compris nos moments de détente. Le but de la création est d’utiliser chaque élément de l’existence au service de D.ieu.
Le nazir, en se privant de vin – symbole de joie et de détente – adopte une approche différente : il reconnaît son incapacité à sanctifier ce plaisir. Cependant, en reconnaissant ses lacunes, il fait le premier pas vers leur maîtrise. Maïmonide nous dit que le fait de s’engager par un vœu peut aider une personne à maîtriser ses désirs. Ainsi, le nazir est loué pour sa quête de maîtrise de soi et de discipline intérieure.
Cependant, lorsque le nazir s’abstient parce qu’il pense que D.ieu préfère l’abstinence et le détachement du monde, nos Sages considèrent que sa conduite est analogue à un « péché ». Pourquoi ? Parce que le judaïsme met l’accent sur la sanctification de l’ici et maintenant, et non sur l’ascétisme.
La résolution ultime de ce conflit intérieur sera atteinte à l’époque de Machia’h. À ce moment, le monde n’aura plus besoin de freins, car l’occupation de toute l’humanité sera uniquement de connaître D.ieu. Dans cet environnement de Divinité révélée, l’homme ne sera pas motivé par des désirs égoïstes. Il appréciera tout le bien que le monde a à offrir comme une expression de la bonté de D.ieu, et utilisera cette abondance pour servir D.ieu et permettre au monde de bénéficier d’une révélation encore plus intense et plus profonde.
La leçon pour nous aujourd’hui est que si la démarche du nazir est parfois nécessaire (lorsque certaines tentations constituent pour une personne un réel danger, la solution est de s’abstenir totalement), de manière générale, nous devons nous efforcer d’intégrer chaque dimension de notre existence, y compris le plaisir, dans notre relation avec D.ieu. De la sorte, nous acquérons sur nous-mêmes et sur l’existence une perspective sainte et élevée, et celle-ci nous place à un endroit duquel nous pouvons même être délivrés de nos tentations les plus difficiles.
En étant les artisans de notre propre rédemption personnelle, nous accélérons l’avènement de la rédemption universelle.
Chabbat Chalom !
Emmanuel Mergui,
au nom de l’équipe éditoriale de Chabad.org