Vous êtes mariée, ou profondément engagée envers une vision, un objectif, un rêve. Vous êtes dévouée à cet objectif parce que vous savez qu’il rendra le monde meilleur. Vous croyez qu’indépendamment de l’effort, cette vision rendra votre vie plus épanouissante, plus altruiste, plus noble.
Puis arrive la vie, avec ses hauts et ses bas, ses défis et ses obstacles.
À un certain point, vous découvrez que vous avez dévié de votre chemin, vous vous êtes écartée de vos valeurs. Cela aurait pu être le fait d’une inquiétude ou d’un ennui face à la monotonie des détails du quotidien. Ou peut-être était-ce un élan d’impulsivité, une rébellion contre les pièges que la vie vous a tendus.
Peut-être pourrait-on vous reprocher d’avoir perdu votre vision et renoncé à vos idéaux. Ou peut-être n’aurait-on jamais dû s’attendre à ce que vous vous éleviez davantage.
Quoi qu’il en soit, un matin, vous vous réveillez avec la réalisation que vous avez changé. Vous ne menez plus la vie que vous pensiez toujours mener. Vous vous êtes éloignée de votre vision morale. Vous avez trahi votre rêve.
Vous pouvez vous poser la question : Y a-t-il un chemin de retour ? Veux-je le prendre ? Le prix à payer est-il trop cher ? L’effort en vaut-il la peine ? Si je change de direction maintenant, quel sera le résultat final ? Vais-je vraiment réussir ?
La sagesse populaire, teintée de son cynisme désabusé, dit qu’il n’est pas possible de revenir en arrière. Continuez votre vie, laissez votre idéalisme enfantin derrière vous et faites face à la réalité de l’âge adulte. La vie n’est pas une sinécure. Le chemin du sacrifice n’est pas celui où vous trouverez l’épanouissement. Et de toute façon, une fois que vous avez déjà dévié du chemin, cela ne peut plus être la même chose. Il est tout simplement trop tard.
La sagesse de la Torah, bien sûr, affirme le contraire.
La ichah sotah est l’épouse « égarée » soupçonnée d’adultère.
Les moralistes voient dans l’histoire de la ichah sotah l’expression de la sainteté et de la sacralité du mariage dans le judaïsme.
D’autres voient dans la volonté de D.ieu d’effacer Son saint nom pour le bien de l’harmonie conjugale une indication de l’importance de la paix entre l’homme et la femme et au sein de l’humanité en général.
Les kabbalistes voient l’histoire comme une métaphore cosmique du « mariage » entre D.ieu et le peuple juif « égaré », qui est mis à l’épreuve et finalement innocenté par les « eaux amères » de l’exil.
Mais peut-être pouvons-nous aussi voir, dans l’histoire de la sotah, une leçon prometteuse pour chacun d’entre nous dans les pérégrinations personnelles de notre vie.
« Parle aux enfants d’Israël et dis-leur : Si la femme d’un homme dévie et lui est infidèle, et qu’un homme couche avec elle charnellement, mais que cela soit caché aux yeux de son mari, mais qu’elle ait été isolée [avec le supposé adultère] et qu’il n’y ait pas de témoin contre elle... » (Nombres 5,12-13)
La ichah sotah est qualifiée d’« épouse égarée » parce qu’elle a dévié de la voie morale prescrite, même si elle n’a pas été impliquée dans un adultère réel. Son mari l’a avertie en présence de témoins de ne pas s’isoler avec un homme suspecté d’être son amant. Elle a ignoré cet avertissement.
À ce stade, le mari ou la femme peut décider de mettre fin au mariage, sans aucune reconnaissance de culpabilité. Ni le mari ni la femme ne peuvent être forcés à passer l’épreuve des eaux amères. (Sotah 6a) De plus, l’épreuve des « eaux amères » ne fonctionnera pas si le mari a été lui-même infidèle ou a péché dans les lois de la pureté sexuelle à un moment quelconque. (Sotah 47b, Yevamot 58a)
Mais s’ils souhaitent poursuivre leur mariage, le mari soupçonneux amène sa femme au Temple, où le kohen dirige la cérémonie des eaux amères. Le mari apporte alors une offrande pour sa femme, montrant clairement qu’il souhaite continuer le mariage si sa femme est innocentée.
L’offrande consiste en de la farine d’orge grossière et non tamisée, la céréale la plus commune, sans l’huile ou l’encens qui accompagne les autres offrandes de céréales. L’enjeu, ici, est purement existentiel : il s’agit de savoir si le mariage continuera ou non. Une nourriture animale – l’orge – est apportée pour signifier la position morale discutable de la femme : même si sa culpabilité n’a pas atteint le point de l’adultère réel, elle s’est écartée du chemin et a suivi ses instincts animaliers.
Le kohen prendra de l’eau sacrée dans un vase d’argile ; et de la terre se trouvant au sol du Mishkane, le kohen prendra et mettra dans l’eau. Puis le kohen placera la femme debout devant l’Éternel, et il découvrira [les cheveux de] la tête de la femme...
Cette exposition de ses cheveux est contraire à la décence de l’épouse juive, tout comme la ichah sotah a transgressé les normes morales de la pudeur. De ce verset, on déduit (Ketoubot 72a) qu’il est inapproprié qu’une femme mariée soit vue publiquement avec les cheveux découverts.
Il donnera ensuite à la femme à boire les eaux amères qui portent la malédiction, et les eaux qui portent la malédiction entreront en elle pour devenir amères. (Nombres 5,17-18, 24)
Les passages de la Torah relatifs à cette circonstance étaient écrits sur un parchemin et dissous dans les « eaux de malédiction ». Le nom de D.ieu apparaissait dans ces passages, et dans le processus, il était effacé. Si la femme était coupable d’adultère réel, les eaux lui causaient une mort effroyable. L’homme avec qui la ichah sotah a commis l’adultère subissait la même mort au moment où elle buvait ces eaux. (Sotah 28a)
Si elle n’était pas révélée comme étant coupable, elle était alors bénie d’avoir des enfants, et son mariage allait s’épanouir avec une relation plus étroite et plus heureuse. Si elle avait été jusqu’à présent sans enfant, elle devenait féconde ; si ses grossesses étaient difficiles, elles seraient désormais faciles, et ainsi de suite. (Sotah 26a)
Dans la mesure où la ichah sotah s’était écartée du droit chemin – même si elle n’avait pas réellement commis d’adultère –, je me suis toujours demandée pourquoi elle était si abondamment bénie.
Mais peut-être est-ce là-même que réside la leçon pour chacun d’entre nous.
Car en vérité, la ichah sotah, comme chacun de nous luttant avec les vicissitudes de notre vie, n’a jamais vraiment complètement dévié. Nous sommes toujours « mariés » à nos idéaux et à notre vision, car ils font partie de notre âme. Nous avons simplement besoin d’être réunis avec notre moi intérieur véritable.
Comme la ichah sotah dans sa démarche de disculpation et de retour, cela nécessite des efforts. Cela demande de la force de caractère. Peut-être de l’humiliation ou du sacrifice. Mais si notre résolution est ferme, si nous persévérons dans ce que nous savons être vrai et juste, nous finirons par réussir.
D.ieu se tient à nos côtés. Une fois que nous avons démontré notre engagement, Il nous défendra, permettant même que Son propre nom et Son honneur soient « effacés » tout en nous aidant dans notre quête.
De plus, non seulement nous réussirons à réaligner notre vie à ce qu’elle était à l’origine, mais notre engagement et les fruits de celui-ci seront plus productifs et plus bénis, conduisant à de plus grands rendements et à une relation plus mature avec nous-mêmes et avec notre monde.
Car nous ne sommes pas simplement retournés à ce que nous étions. Nous avons grandi grâce au processus.
La véritable croissance ne consiste pas seulement à persévérer sur un unique droit chemin. Ce n’est qu’après avoir goûté aux eaux amères de la vie, qu’après avoir lutté et trébuché et résisté aux forces obscures, que nous devenons un être humain plus grand, plus courageux et plus enrichi.
Ce n’est qu’après avoir dévié puis rebondi que nous sommes poussés par un désir plus fort d’unité intérieure et de vie divine. Ce n’est qu’après avoir connu l’obscurité de la nuit de la vie et la désolation de ses hivers que nous atteignons un lien encore plus intense et plein de sens avec D.ieu.
La leçon de la ichah sotah pour chacun d’entre nous, homme ou femme, est que, bien que notre chemin puisse être difficile et tortueux, lorsque nous triomphons des difficultés et des tentations qui le jalonnent, nous en sortons grandis sur le plan individuel, et rédimés sur le plan collectif. Un peuple rédimé, dans un monde rédimé.
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