Lois relatives à la conduite morale : Chapitre Cinq

1. De même qu’un sage se distingue par sa sagesse et par ses traits de caractère, dans lesquels il est différent des autres, ainsi, il doit se distinguer par ses actions – sa façon de manger, de boire, d’accomplir son devoir conjugal, de faire ses besoins, de s’exprimer, de marcher, de se vêtir, d’organiser sa vie et de faire des affaires ; tous ces actes doivent empreints d’élégance et de vertu. Comment cela ? Un érudit ne doit pas être un glouton, mais doit manger des aliments favorables à sa santé, sans en manger avec abus. Il ne doit pas cherchant à remplir son ventre, comme ceux qui se gorgent d’aliments et de boissons jusqu’à ce que leur ventre enfle. À leur sujet, il est dit : « Je jetterai des excréments sur vos visages » ; les sages ont dit : [cela fait allusion] aux hommes qui mangent et boivent [avec excès] et passent tous leurs jours comme des fêtes, disant : « Mangeons et buvons, car demain nous mourrons » ; ceci est la façon de manger des méchants. Ces tables sont réprouvées par l’Ecriture : « En effet, toutes ces tables sont couvertes de vomissures et d’immondices, pas un coin n’y échappe ». En revanche, un sage, lui, ne doit manger qu’un ou deux mets, dont il mangera la quantité nécessaire pour sa subsistance, et cela lui sera suffisant. C’est ce que dit Salomon : « le juste mange pour apaiser sa faim ».

2. Lorsqu’un sage mange le peu qui lui convient, il doit manger chez lui, à sa table. Il ne doit manger dans un magasin, ni sur la place du marché, sauf en cas d’extrême nécessité, afin de ne pas être considéré avec dédain par les autres. Il ne doit pas manger chez des ignorants, ni sur ces tables, « couvertes de vomissures et d’immondices ». Il ne doit pas fréquemment manger autre part [que chez lui], même avec des sages. Il ne doit pas prendre part à un repas où beaucoup de monde est rassemblé. Il ne lui convient que de participer à un repas lié à une mitsva, comme un repas de fiançailles ou de mariage, à condition que ce soit le mariage d’un érudit avec la fille d’un érudit. Les sages et pieux d’antan ne mangeaient pas d’un repas qui ne leur appartenait pas.

3. Lorsqu’un sage boit du vin, il ne doit boire que [la quantité suffisante] pour amollir la nourriture qu’il a dans l’estomac [et ainsi faciliter la digestion]. Celui qui se rend ivre est un pécheur, indigne, et perd sa sagesse. S’il se rend ivre en présence d’ignorants, il profane le Nom [de D.ieu]. Il est défendu de boire du vin l’après-midi, même en petite quantité, à moins que cela soit inclus dans le repas, car boire dans un repas ne rend pas ivre. Seul le vin qui fait suite au repas doit être évité.

4. Bien qu’un homme ait toujours le droit [d’avoir des rapports] avec son épouse [quand elle n’est pas nidda], il convient à l’érudit de se conduire avec sainteté, et ne pas être présent auprès de sa femme comme un coq, mais chaque nuit de Chabbat, s’il en a la force. Il ne doit avoir des rapports conjugaux au début de la nuit, lorsqu’il est rassasié et a le ventre plein, ni à la fin de la nuit, lorsqu’il a faim, mais au milieu de la nuit, une fois qu’il a digéré. Il ne doit pas se conduire avec légèreté, ni tenir des propos obscènes, même dans sa conversation intime. Il est dit : « Il dira à l’homme sa conversation » ; les sages ont dit : un homme devra rendre compte même d’une parole légère qu’il a eue avec sa femme. Ils ne doivent, tous deux, être ni ivres, ni indolents, ni tristes, et elle ne doit pas être endormie. Il ne doit pas la forcer contre son gré. Plutôt, [les rapports doivent avoir lieu] avec leur consentement et joie mutuels. Il doit parler et plaisanter légèrement avec elle, afin qu’elle soit détendue, et avoir des rapports avec elle pudiquement, non effrontément, et se séparer [d’elle] immédiatement.

5. Qui se conduit de cette manière s’est non seulement sanctifié, purifié, et raffiné, mais [de plus,] s’il a des enfants, ils seront beaux et pudiques, dignes de sagesse et de piété. Qui se conduit comme le reste du peuple qui marche dans l’obscurité aura des enfants comme ces gens.

6. Les sages doivent se conduire avec une pudeur exceptionnelle. [Un sage] ne doit pas se rabaisser, ni se découvrir la tête ou le corps. Même dans les latrines, il doit être pudique, et ne doit pas se découvrir jusqu’à ce qu’il soit assis. Il ne doit pas se nettoyer avec la main droite. Il doit s’écarter de tout homme, et entrer une pièce dans une autre, une caverne dans une autre et faire ses besoins. S’il fait ses besoins derrière une clôture, il doit s’éloigner [suffisamment] pour que personne n’entende de bruit s’il a des flatulences. S’il fait ses besoins dans une vallée, il doit s’éloigner afin que personne ne le voit dénudé. Il ne doit pas parler lorsqu’il fait ses besoins, même dans un cas d’extrême nécessité. Les mêmes mesures de pudeur observées aux latrines [durant la journée] doivent être observées la nuit. Il convient de s’habituer à faire ses besoins le matin et le soir seulement, afin de ne pas [devoir] s’éloigner [pour ne pas être vu].

7. Un érudit ne doit pas crier et hurler quand il parle, comme les animaux domestiques et sauvages. Il ne doit pas trop élever la voix, mais parler doucement à tout le monde. Lorsqu’il parle doucement, il doit prendre soin de ne pas s’éloigner [pousser à l’extrême], ce qui apparaîtrait comme l’expression des gens hautains. Il doit toujours être le premier à adresser des salutations, afin d’être apprécié par les autres. Il doit juger chacun favorablement, parler positivement de chacun – et non tenir des propos infamants – aimer la paix et rechercher la paix. C’est quand il sait que ses paroles ont un effet et sont écoutées qu’il parle. Dans le cas contraire, il garde le silence. Quel est le cas ? Il ne doit pas [tenter de] calmer un ami quand celui-ci est en colère, il ne doit pas l’interroger [sur les motifs] de son vœu quand il fait celui-ci jusqu’à ce qu’il se calme. Il ne doit pas le consoler alors que son défunt se trouve devant lui, parce qu’il est soucieux jusqu’à l’enterrement. Et de même pour tout cas semblable. Il n’observe pas son ami dans un moment de déshonneur, mais en détourne ses yeux. Il ne doit pas mentir, exagérer ou minimiser [un fait], si ce n’est pour la paix et ce qui est semblable. Il ne doit pas parler avec une femme dans sur la place du marché, même s’il s’agit de sa femme, sa sœur ou sa fille.

8. Un érudit ne doit pas marcher doit, la tête haute, comme il est dit : « s’avançant le cou dressé, lançant des regards provocants ». Il ne doit pas marcher [avec de trop petits pas] le talon à côté de l’orteil, noblement, comme font les femmes et les personnes hautaines, comme il est dit : « puisqu’elles marchent à pas mesurés et font sonner les clochettes de leurs pieds ». Il ne doit pas courir dans un lieu public, comme les sots, ni être courbé, comme les bossus ; plutôt, il doit maintenir le regard vers le bas, comme lorsqu’il prie. Il doit marcher sur la place du marché [empreint de sérieux] comme un homme préoccupé par ses affaires. Dans la marche d’un homme également, il est possible de distinguer s’il est sage et réfléchi, ou s’il est stupide et sot. Ainsi, [le roi] Salomon dit dans sa sagesse : « même dans la voie où se dirige le sot, l’intelligence lui fait défaut : il dit à tous qu’il est sot » ; il montre à tous ce qu’il est, sot.

9. Les vêtements d’un sage doivent être des vêtements beaux et propres. Aucune [tache de] sang, de graisse, ou ce qui est semblable ne doit y apparaître. Il ne doit porter ni des vêtements de roi, comme les vêtements en or et en pourpre, que tout le monde contemple, ni des vêtements de pauvre qui humilient celui qui les porte, mais des vêtements moyens, beaux. Sa peau ne doit pas être visible à travers son vêtement, comme [c’est le cas des] vêtements en lin très fin fabriqués en Égypte. Ses vêtements ne doivent pas traîner sur le sol, comme les vêtements des gens hautains, mais [doivent descendre] jusqu’à son talon et ses manches jusqu’à ses doigts. Il ne doit pas laisser pendre son vêtement, parce que cela lui donne une apparence hautaine, excepté le Chabbat, s’il n’a pas de vêtement de rechange. Il ne doit pas porter des chaussures rapiécées de plusieurs pièces en été. Toutefois, durant la saison des pluies, cela est permis, s’il est pauvre. Il ne doit pas sortir [le corps] parfumé ou avec des vêtements parfumés sur la place du marché. Il ne doit pas [non plus] se parfumer les cheveux. Toutefois, il est permis de s’enduire la peau d’huile pour enlever la saleté. De même, il ne doit pas sortir seul la nuit à moins qu’il ait un temps fixe pour se rendre à son étude. Tout ceci, à cause des soupçons [d’immoralité qui pourraient être portés à son égard].

10. Un érudit doit organiser sa vie convenablement : il mange, boit, et nourrit sa maisonnée selon ses moyens et sa réussite, sans se surmener [à cause de dépenses trop importantes]. Les sages nous ont enjoint en règle de bienséance de ne manger de la viande qu’avec appétit, comme il est dit : « car ton âme désireras manger de la viande ». Pour un individu en bonne santé, il suffit de manger de la viande chaque soir de Chabbat. S’il est suffisamment riche pour manger chaque jour de la viande, il peut le faire. Telle est la sentence des sages : « Il convient de manger moins que l’on pourrait selon ses moyens, de se vêtir comme l’on peut, et d’honorer sa femme et ses enfants plus que l’on peut ».

11. Les hommes réfléchis ont pour coutume de tout d’abord trouver un travail pour pourvoir à ses besoins, puis, d’acheter une demeure, et enfin d’épouser une femme, comme il est dit : « quel est l’homme qui a planté une vigne et ne l’a pas rachetée ? […] quel est l’homme qui a construit une nouvelle maison mais ne l’a pas inaugurée ? […] quel est l’homme qui s’est fiancé avec une femme et ne l’a pas prise ? » Mais les sots commencent par se marier, puis, s’ils en ont les moyens, ils achètent une maison, puis, à la fin de leur vie, recherchent un travail ou vivent de la charité. De même, il est dit dans les malédictions : « Tu te fianceras avec une femme […] tu construiras une maison […] tu planteras une vigne […] », c'est-à-dire que toutes tes actions se dérouleront dans l’ordre inverse, afin que tu ne réussisses pas. Concernant la bénédiction, il est dit : « David avait du succès dans toutes ses expéditions et l’Eternel était avec lui ».

12. Il est défendu de renoncer à son droit de propriété [sur ses biens] ou de consacrer tous ses biens [pour le Temple], et de tomber à la charge de la communauté. On ne doit pas vendre son champ pour acheter une maison, ni [vendre] sa maison pour acheter des biens mobiliers, ou pour faire une affaire. Mais on peut vendre des biens mobiliers pour acheter un champ. En règle générale, il faut chercher à faire fructifier ses biens, et remplacer un [bien] périssable par un [bien] durable, et non d’avoir un léger profit momentané, ni s’embellir pour une perte considérable.

13. Un érudit doit diriger ses affaires honnêtement et en bonne foi. Son non est un non et son oui un oui. Dans ses comptes, il est minutieux [à répondre à ses obligations]. Lorsqu’il fait un achat, il est généreux et n’est pas dur en affaires. Il paie immédiatement son achat. Il refuse d’être caution ou dépositaire , et ne vient pas avec une procuration [chez un débiteur pour son créancier]. Dans ses affaires, il accepte des obligations qui ne lui sont pas imposées par la loi, afin de respecter sa parole et ne pas enfreindre celle-ci. Si d’autres sont jugés redevables envers lui, il est plein d’égards, et même fait grâce du montant dû. Il accorde des prêts et fait des faveurs. Il ne se mêle jamais des affaires d’un autre, et, tout au long de sa vie, n’offense personne. En bref, il fait partie de ceux qui sont persécutés mais ne persécutent pas, de ceux qui sont humiliés mais n’humilient pas. L’homme qui se comporte ainsi, l’Ecriture dit de lui : « Et il m’a dit : “Tu es mon serviteur ; Israël, c’est par toi que je me couvre de gloire” ».