- Les enfants ! annonça Chlomo après l’allumage des lumières de ‘Hanouccah. Ce soir, vous jouerez tous seuls à la toupie, entre vous !
- Oh non, papa !
- Je vais vous expliquer : j’ai quelque chose de très important à faire et je suis sûr que vous allez comprendre. Savez-vous qu’il existe de nombreuses familles juives pour lesquelles il n’y aura pas de lumières de ‘Hanouccah ce soir ?
- Pas de lumières de ‘Hanouccah ? Comment est-ce possible ! Et des toupies ? s’écria Rivka, abasourdie.
- Et même pas des beignets ? osa envisager Jacob, consterné.
- Non ! Ni lumières, ni toupies, ni beignets ! Et savez-vous pourquoi ? Parce que de nombreux enfants juifs ignorent qu’il existe une aussi belle fête que celle de ‘Hanouccah. Personne ne leur en a jamais parlé, personne ne l’a rappelé à leurs parents. Ces enfants ont été oubliés…
- Quel dommage ! reconnut Jacob.
- C’est triste ! renchérit Rivka.
- Mais le Rabbi ne les a pas oubliés ! Il nous a demandé d’aller rendre visite à ces gens, de leur apporter chandeliers et bougies et de leur expliquer comment célébrer ‘Hanouccah. Maintenant, je vous le demande : qu’est-ce qui est plus important ? Que je reste à la maison pour jouer avec vous à la toupie ou que je sorte apporter la lumière de ‘Hanouccah dans ces maisons juives ?
Les enfants avaient compris. Papa avait raison, comme toujours. Ils l’accompagnèrent jusqu’à la porte en lui souhaitant bonne chance.
Chlomo passa prendre son ami Berel ainsi qu’un chargement de boîtes de bougies, toupies, brochures et… de beignets encore chauds. Sans perdre de temps, ils se dirigèrent vers la ville de banlieue qui leur avait été assignée.
Peut-être avaient-ils roulé trop vite. Toujours est-il qu’une patrouille de police les arrêta.
- Ah ! Le Yetser Hara (le mauvais penchant) veut nous empêcher de poursuivre notre action ! murmura Chlomo en se garant sur le côté.
Un officier de police s’approcha : « Vous n’avez pas remarqué les panneaux de limitation de vitesse ? Vos papiers s’il vous plait ! »
Tandis que Chlomo cherchait dans son portefeuille, le policier l’observait d’un œil soupçonneux. Il inspecta le contenu de la voiture et demanda ce que contenaient les boîtes à l’arrière : des explosifs peut-être…
Berel ouvrit la portière et prit un kit de ‘Hanouccah qu’il tendit à l’officier en expliquant : « Nous, les Juifs, nous célébrons la fête de ‘Hanouccah : le premier soir, nous allumons une lumière, le second soir deux et ainsi de suite jusqu’au huitième soir. Nous sommes en route pour distribuer des bougies et des chandeliers dans des familles juives… »
- Moi aussi, je suis juif, remarqua l’officier.
Chlomo aurait souhaité qu’il le dise avec un peu plus d’enthousiasme et pas sur le même ton que : « Votre permis ! » mais il était néanmoins agréablement surpris.
- Tu as entendu, Berel ? Il est Juif lui aussi !
Puis se tournant vers le policier : « Puis-je vous donner un kit de ‘Hanouccah en cadeau ? Mais à une condition : que vous me promettiez d’allumer les bougies chaque soir selon les modalités inscrites sur ce guide. Avez-vous des enfants ? »
- Un garçon et une fille, répondit le policier qui était sensiblement passé du côté des enquêteurs à celui de simple citoyen…
- Alors je vais aussi vous donner des toupies et des beignets pour vos enfants.
Le visage de l’officier devenait plus avenant, s’éclairait même d’un sourire : « Je me souviens que mon grand-père, de mémoire bénie, allumait les bougies de ‘Hanouccah, il y a si longtemps… Mon père ne le faisait pas. Et moi non plus.
- Il n’est jamais trop tard pour commencer ! commenta Chlomo. Dites-moi, votre collègue dans le car de police…
- Non, il n’est pas juif. C’est mon voisin, il est d’origine irlandaise. Chaque année, il décore sa maison, avec un sapin, des boules colorées… Cela me rend un peu jaloux. Mes enfants surtout. Mes voisins non-juifs respectent leur religion mais moi je ne connais rien de nos fêtes. C’est un peu frustrant, embarrassant même. Si j’apporte les bougies à la maison, mes enfants seront très heureux d’avoir eux aussi leur fête. Au fait, êtes-vous rabbin ?
- Non, pas vraiment. J’enseigne à l’école juive.
- Pourriez-vous, enfin, si c’est possible, me rendre visite à la maison ? Vous pourriez expliquer la fête à mon épouse et à mes enfants. Demain soir, je ne travaille pas ? D’accord ?
- Avec plaisir !
Le policier inscrivit son nom et son adresse sur un papier qu’il tendit à Chlomo : « Voyez ! Je vous donne mes coordonnées au lieu de vous dresser un PV ! Mais ne recommencez pas, d’accord ? Vous n’aurez peut-être pas autant de chance la prochaine fois ! »
- Merci ! Et n’oubliez pas les bougies ce soir ! Demain, je vous expliquerai tout cela ! Joyeux ‘Hanouccah !
Le lendemain soir, en arrivant dans le quartier du policier, Chlomo remarqua que certaines maisons étaient toutes décorées et pas d’autres. De ci, de là, il remarqua de modestes Menorot placées sur le rebord d’une fenêtre. « C’est le moment idéal dans l’année pour distinguer quelle maison est susceptible d’appartenir à une famille juive ! » se dit-il. Tout à l’heure, il irait sonner à la porte des maisons « non-décorées » et leur indiquerait la vraie lumière, celle de ‘Hanouccah.
Le policier l’accueillit chaleureusement et lui présenta sa femme et ses enfants.
- Quels sont vos prénoms hébraïques ? demanda Chlomo à Bobby et Betty.
- Euh… peut-être Maman les connaît-elle ?
- Bien sûr ! répondit Gladys, la femme du policier. Bobby, tu t’appelles Baroukh, d’après mon père, que son âme repose en paix. Et toi Betty, tu t’appelles ‘Haya et tu ressembles à ma mère, que son mérite nous protège.
- Et toi Maman, comment t’appelles-tu ?
- Mon prénom hébraïque est Golda.
- Et moi, dit le policier, c’est Ephraïm. Je m’en souviens parce que mon grand-père aimait répéter que je portais le nom de son père.
Chlomo avait heureusement pensé à apporter des Kipot dont Ephraïm et Baroukh se parèrent fièrement. Le policier entonna les bénédictions et alluma sa ‘Hanoukia. Ensuite Chlomo tendit un kit supplémentaire à Baroukh qui, tout heureux, alluma lui aussi sa ‘Hanoukia comme il convenait. Chlomo expliqua alors le sens de la fête, rappela le combat des Makabim contre le cruel oppresseur qui voulait anéantir le judaïsme, le miracle de la fiole d’huile pure qui avait permis d’allumer le chandelier du Temple de Jérusalem.
Cette histoire captivante et les leçons qu’elle contenait pour l’époque actuelle impressionna profondément toute la famille. Puis ‘Haya demanda innocemment : « Et moi ? Puis-je aussi allumer les bougies de ‘Hanouccah ? »
- Pour toi et ta maman, répondit doucement Chlomo, il existe une autre Mitsva. Et pas seulement huit jours par an ! Tous les vendredis après-midi, à l’heure du coucher du soleil, vous allumerez les bougies pour accueillir le Chabbat ainsi que les veilles de jours de fête.
- Génial ! s’exclama ‘Haya en applaudissant.
C’est alors que sa maman réalisa tout ce qui lui avait manqué toutes ces années : sa propre mère allumait les bougies chaque vendredi : elle aussi saurait transmettre dorénavant cette belle Mitsva à sa fille.
Avant de partir, Chlomo montra aux enfants comment jouer à la toupie : les quatre lettres qui figurent sur la toupie signifient : « Un grand miracle eut lieu là-bas ».
Et en prenant congé de ses nouveaux amis, Chlomo ne pouvait que répéter : un grand miracle est arrivé... ici !
Commencez une discussion