Une célèbre histoire du Talmud raconte comment une personne demanda à différents rabbins de lui enseigner toute la Torah le temps qu’elle se tienne « sur un pied », c’est-à-dire de la lui résumer brièvement. Il finit par rencontrer le grand sage Hillel, un descendant du roi David et la plus grande autorité rabbinique de son temps. Comment Hillel allait-il répondre à cette question ? La Torah peut-elle être réduite à un seul enseignement ? « Ce que tu n’aimes pas, ne le fais pas à autrui » fut sa réponse. « C’est là toute la Torah. Le reste est commentaire. Va et étudie. »1

L’idée que toute la Torah se concentre autour du thème des relations avec autrui est intrigante. Très souvent, on divise les lois de la Torah en deux groupes : celles qui concernent les relations de l’homme avec D.ieu, comme l’observance du Chabbat et des lois de la cacherout, et celles qui relèvent des relations avec autrui, comme l’interdiction de voler ou de porter un faux témoignage dans une affaire de justice. Ici, cependant, Hillel affirme que la Torah dans son ensemble découle du seul principe de la relation à autrui.

Ce principe est clairement exprimé dans la Paracha de Kedochim, en ces termes : « Aime ton prochain comme toi-même. »2 Il est inscrit parmi de nombreux autres commandements concernant notre comportement vis-à-vis d’autrui, comme, dans le même verset, celui de ne pas se venger ou de garder rancune. Pourtant, il est clair qu’il s’agit d’un enseignement qui se situe à un niveau bien différent de ces autres commandements.

Nous pouvons comprendre que si une personne observe convenablement cette loi, elle en fera de même pour d’autres commandements tels que l’interdiction de voler ou de porter un faux témoignage. Toutes les lois régissant les relations avec son prochain sont en effet incluses dans l’injonction « Aime ton prochain ». C’est la raison pour laquelle Rabbi Akiva dit à son sujet « c’est un grand principe de la Torah ». C’est un grand principe parce qu’il inclut quasiment la moitié de la Torah : toutes les lois concernant les relations humaines.

Cependant, qu’en est-il des lois concernant les relations des hommes avec D.ieu ? Hillel semble aller plus loin que Rabbi Akiva. Pour Hillel, ce commandement inclut toutes les lois de la Torah. Comment le comprendre ?

Une réponse est donnée par Rabbi Chnéour Zalman, le fondateur de la ‘Hassidout ‘Habad, en ces termes : l’effet attendu de toute la Torah est de nous rendre plus sensibles à l’âme plutôt que simplement au corps. Les Mitsvot (lois) entre l’homme et D.ieu ont pour fonction de révéler la Divinité dans les aspects matériels de la vie. Elles nous aident à briser la barrière des apparences et à nous lier à la Divinité qui s’y trouve renfermée.

Cela a un effet direct sur notre manière de considérer les autres. Car en termes physiques et matériels, les gens sont divisés. Mais, du point de vue de l’âme, nous sommes tous unis. Plus une personne est sensibilisée à cette unité, ressentant un amour authentique pour son prochain, plus elle exprimera le but de toute la Torah. Et inversement, plus une personne observe la Torah, dans tous ses détails, en l’intériorisant réellement, plus elle parviendra à éprouver un véritable amour pour autrui.

Hillel tire de ce point un autre enseignement, exprimé dans les Maximes des Pères. Il nous engage à être les disciples d’Aharon, aimant tous ceux qui nous entourent et les attirant à la Torah.3 Nous pouvons exprimer notre amour vis-à-vis d’autrui en prenant soin d’eux matériellement. Mais nous pouvons aussi exprimer notre amour en en prenant soin spirituellement, les aidant à se rapprocher de la Torah. Chacun de nous possède cette puissance d’amour, avec la force de donner aux autres, à la fois matériellement et spirituellement. À travers cet amour, nous provoquons une réaction en chaîne qui mène au but de la Création : la paix et l’amour entre l’homme et son prochain, entre les nations, entre l’humanité et D.ieu.4