Cet été, j’ai assisté à la circoncision du fils d’un de mes bons amis : Tamir Goodman.
Au milieu du repas qui suivit, une dame élégante, âgée d’une soixantaine d’années, prit la parole. C’était la veuve du regretté député, le Professeur Avner Shaki. Elle tenait à expliquer la raison de sa présence.
Un an auparavant, Tamir lui avait téléphoné pour parler à son mari mais, en apprenant qu’il n’était plus de ce monde, il demanda s’il pouvait lui parler, à elle. En se présentant, il commença par la remercier en affirmant : « Vous et votre mari, vous m’avez sauvé la vie ! »
Au début, elle ne comprit pas son exaltation ; elle parvint à le calmer et il raconta son histoire.
Tamir Goodman est un Juif pratiquant. Il y a quelques années, il était une célébrité. A l’université, aux Etats-Unis, il s’était révélé un si bon joueur de basket que tous les matchs que son équipe devait disputer étaient systématiquement programmés pour ne pas tomber le Chabbat : quelque chose d’absolument exceptionnel aux Etats-Unis.
Puis la meilleure équipe d’Israël le « racheta » et cela fit la une de tous les journaux sportifs : il devint le chouchou des médias.
Mais soudain la roue tourna. Son genou le faisait souffrir. A tel point que les médecins se montrèrent pessimistes. Il ne pouvait plus participer aux matchs.
Ses coéquipiers se moquaient de lui et l’avenir lui paraissait bien sombre. Il n’y avait pas d’autre solution que d’opérer. Cependant les spécialistes lui laissèrent peu d’espoir : il n’avait peut-être que 5% de chances de retrouver ses capacités. Les médias qui l’avaient encensé ricanaient maintenant et, chaque semaine, il lisait ou entendait des remarques perfides qui lui rendaient la vie insupportable.
Comme il était un admirateur du Rabbi de Loubavitch, il se rendit sur son tombeau au Ohel, à New York, écrivit une lettre demandant l’aide du Rabbi et la lut dans cet endroit saint. De tout son cœur, il demanda au Rabbi un signe pour savoir s’il devait se résoudre à l’opération.
Puis il partit se laver les mains et se rendit dans la salle d’accueil du Beth ‘Habad du Ohel. Comme tant d’autres présents ce jour-là, il regarda d’un œil distrait la vidéo diffusant les réunions ‘hassidiques et les gens passant devant le Rabbi pour recevoir sa bénédiction.
Madame Shaki fit une pause et demanda la permission de donner quelques explications avant de continuer : « En 1963, le gouvernement israélien vota une loi très grave et aux conséquences désastreuses, celle qu’on appelle : « Qui est juif ? » Tout avait commencé avec un officier de la Marine israélienne qui avait épousé une Irlandaise, non juive. Elle s’était soi disant convertie et cet homme exigeait que ses enfants soient considérés comme juifs. Auparavant, la loi stipulait qu’était juif celui qui était né d’une mère juive ou convertie selon la Hala’ha, la stricte loi juive. Mais la Cour Suprême avait accepté – par cinq voix contre quatre – de changer la loi, une loi pourtant fermement établie par les codificateurs depuis des temps immémoriaux. Maintenant, n’importe qui pouvait se déclarer rabbin et convertir des gens pour quelques dizaines de dollars. Cette décision navrante devait encore être ratifiée par la Knesset, mais comme celle-ci était dirigée par une coalition de gauche, ceci n’était qu’une formalité.
C’est là que mon regretté mari, le Professeur Shaki devait intervenir. Il était affilié au Parti National Religieux qui faisait officiellement partie de la coalition. La direction du Parti avait demandé à ses membres de s’abstenir, ce qui signifie, de fait, soutenir la majorité. Bien que lui-même fût absolument opposé à cette loi, il devait respecter la discipline du Parti.
Nous en avons longuement discuté et avions conclu qu’il devait « avaler la couleuvre ». De toute manière, même s’il avait voté contre, cela n’aurait rien changé. S’il désobéissait aux ordres, il perdrait son siège et toutes ses années de politique auraient été vaines.
Mais la veille du vote, nous avons reçu un coup de téléphone de New York : c’était le Rabbi de Loubavitch lui-même ! Il demanda directement à mon mari de voter "non". Mon mari expliqua que ce serait la fin de sa carrière politique : les médias de gauche ne feraient qu’une bouchée de lui et il serait probablement chassé de son parti. Et de toute manière, cela ne servirait à rien puisqu’une centaine de voix (sur 120) était déjà assurée en faveur de la nouvelle loi.
Mais le Rabbi répondit comme seul le Rabbi peut répondre. Il expliqua qu’il fallait que quelqu’un soit prêt à se sacrifier pour la vérité, pour sanctifier le Nom de D.ieu.
C’était très difficile à accepter, surtout que nous ne sommes pas des ‘Hassidim.
Le lendemain, mon mari obéit, non pas aux directives de son parti, mais au Rabbi, à la Torah. Il se tint débout devant tout le monde, leva la main et vota… contre !
Je ne sais pas si une telle chose s’était déjà produite à la Knesset !
Immédiatement la machine infernale se mit en branle : la télévision et les journaux le ridiculisèrent ; ses camarades l’expulsèrent du parti. Il se fit des centaines, si ce n’est des milliers d’ennemis politiques. Mais il tint bon.
Deux semaines plus tard, nous nous sommes rendus à New York et nous avons vu le Rabbi. Quand mon mari entra dans la grande synagogue alors que le Rabbi s’adressait à des milliers de ‘Hassidim, le Rabbi se leva en son honneur ! Par la suite, nous eûmes le privilège de pouvoir parler en privé avec le Rabbi. Cette entrevue fut enregistrée.
D’abord le Rabbi me remercia pour avoir encouragé mon mari. Et il remercia mon mari pour son courage. Mon mari expliqua alors qu’il avait perdu l’estime de ses compagnons du parti et que les médias s’acharnaient contre lui. Le Rabbi rétorqua : « Ne prêtez pas attention aux médias. En ce qui concerne votre carrière, imaginez-vous que vous êtes un athlète professionnel : il fait un pas en arrière pour pouvoir sauter deux fois plus haut et parvenir à l’exploit ! »
C’est exactement ce qui se passa. Quelques années plus tard, le Parti National Religieux supplia le Professeur Shaki non seulement de rejoindre ses rangs, mais d’en prendre la direction. Il accepta et sa carrière politique bondit de degré en degré. Mais nous n’avons jamais très bien compris pourquoi le Rabbi parlait de sportifs. Après tout, mon mari n’était certainement pas un athlète professionnel !
Ce n’est que vingt-cinq plus tard que j’ai compris.
Quand Tamir Goodman regardait d’un œil morne la vidéo au Ohel, en se demandant s’il devait accepter l’opération, notre entrevue avec le Rabbi était justement programmée et il entendit le Rabbi affirmer : « Ne prêtez pas attention aux médias. Vous êtes semblable à un athlète professionnel ! Faites un pas en arrière pour sauter encore mieux et encore mieux ! »
En d’autres mots, le Rabbi l’encourageait, lui Tamir Goodman !
Il retourna en Israël, accepta l’opération… malgré les réserves du professeur et, D.ieu merci, ce fut une réussite complète. C’est pourquoi il m’a contactée et c’est pourquoi je suis présente ici aujourd’hui ! »
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