Vous êtes-vous déjà senti(e) totalement éclipsé(e) par quelqu’un d’autre ? C’est quand vous êtes doué(e) pour quelque chose, mais que quelqu’un dans votre vie – une sœur, un ami, un camarade de classe, un collègue de travail – est encore meilleur. De plus, cette personne est également douée pour bien d’autres choses pour lesquelles vous êtes nul(le). Près de cette personne, votre estime de soi s’effondre.

Près de cette personne, votre estime de soi s’effondre.

Lorsque la personne qui vous surpasse est une célébrité lointaine, vous pouvez vous contenter de l’admirer de loin. Mais si la star est quelqu’un de proche, il peut être très débilitant de vivre dans son ombre. Vous pourriez alors vous dire : « Je pensais avoir un don spécial, quelque chose d’unique à contribuer au monde. Mais quoi que je fasse, cette personne peut le faire mieux que moi. À quoi bon essayer ? »


L’Éthique de nos Pères (les « Pirkei Avot ») cite Rabbi ‘Hanina, l’assistant des prêtres, qui disait : « Priez pour le bien du royaume, car s’il n’était pas craint, les gens s’avaleraient vivants les uns les autres. »1

De prime abord, cela semble être un plaidoyer sur l’importance du gouvernement. Sans lui, ce serait l’anarchie. Les gens se dépouilleraient les uns les autres dans la rue. Peut-être même se dévoreraient-ils vivants.

Mais l’Éthique de nos Pères est un livre d’éthique, visant à la construction du caractère, nous enseignant d’aller « au-delà de la lettre de la loi », et non un traité politique.

Le Rabbi de Loubavitch explique que Rabbi ‘Hanina parlait surtout au sens figuré. Il peut arriver que l’on « avale » une autre personne. Ce n’est pas qu’on la minimise ou que l’on minimise ses réalisations. Mais elle parait insignifiante, et sa contribution superflue. On n’entend pas ce qu’elle a à dire et l’on peine même à imaginer qu’elle puisse avoir quelque chose de valable à dire.

Dès lors, qu’est-ce qui peut nous protéger contre le fait d’avaler quelqu’un vivant (ou celui d’être avalé) ? La réponse est : « Priez pour le bien du royaume. »

Nos sages disent : « Le royaume terrestre est à l’image du royaume céleste. » Le pouvoir d’un roi terrestre provient du Roi de tous les rois. Lorsque nous « prions pour le bien du royaume », nous prions en réalité pour que la royauté divine soit exprimée dans ce monde. Devant D.ieu, nous sommes tous égaux. Devant Lui, personne ne peut avaler quelqu’un d’autre, ni être soi-même avalé. Il nous a créés en attribuant à chacun de nous son propre rôle et son potentiel unique. Chacun de nous a quelque chose à apporter qui lui est exclusif.

Pourquoi Rabbi ‘Hanina nous demande-t-il de « prier » pour le bien du royaume ? Pourquoi ne pas parler de « reconnaître », de « méditer » ou de « contempler » ? Parce que nous ne pouvons pas le faire nous-mêmes. Vivant dans un monde d’inégalités, où certaines personnes semblent tellement plus intelligentes, plus douées ou plus capables que d’autres, il est très difficile de rester conscients que D.ieu désire notre contribution particulière. Nous devons prier D.ieu de nous donner la force de surmonter nos sentiments d’inadéquation, de nous sentir à l’aise en présence de personnes qui nous surpassent et de continuer à faire ce qui nous incombe.

Et nous devons prier D.ieu pour avoir de l’humilité afin que nous ne devenions pas ceux qui avalent les autres. Nous prions pour reconnaître sincèrement les qualités de chaque personne que nous rencontrons et pour être aussi investis dans la réussite des autres que nous le sommes dans la nôtre.

En sa présence, nous étions tous remplis d’humilité

Je ne peux penser à une meilleure incarnation de ce passage que le Rabbi de Loubavitch lui-même. En sa présence, nous étions tous remplis d’humilité. Pourtant, personne ne se sentait avalé. Le Rabbi a consacré toute sa vie à faire ressortir le potentiel maximal de chacun de ses ‘hassidim et de toutes les personnes avec qui il fut en contact. Le Rabbi n’a jamais dit : « Laissez-moi faire. » Au contraire, il disait : « Tout dépend de vous. » Il nous a fixés de grands objectifs, et ne nous a jamais laissé les oublier.

Aujourd’hui, je prie pour le bien-être du royaume. Je prie pour que D.ieu donne à chacun de nous la force d’accomplir sa part – notre part personnelle indispensable – pour éclairer notre environnement, jusqu’au jour où la royauté de D.ieu sera pleinement révélée dans notre monde.

(Basé sur un discours du Rabbi de Loubavitch, Beourim le-Pirkei Avot, p. 110.)