Vous ne vous en rappelez certainement pas, mais il fut un temps où, en ce qui concerne l’humanité, « le monde n’existait pas ». Il y avait D.ieu, et il y avait l’homme. Et l’homme était mauvais, ou bon. L’homme se détournait de D.ieu, ou cherchait D.ieu, trouvait D.ieu, découvrait le bien, la vérité, atteignait la spiritualité et la sainteté. Le monde matériel ne jouait pas de rôle significatif dans cette saga. Il était là pour servir de contexte.

Et puis, lors d’une radieuse matinée de Chabbat, le monde, soudain, devint réel.

Le 6 Sivan de l’an 2448 après la création du monde, D.ieu descendit sur le mot Sinaï et institua la « mitsva », le commandement divin : un acte commandé par D.ieu, accompli par l’homme, et – nouveauté ! – impliquant un objet matériel.

Depuis ce jour-là, le monde est partie prenante dans la relation D.ieu/homme : le cuir qui devient des téfiline, la laine qui devient des fils de tsitsit, l’encre qui devient les lettres de la Torah, le blé qui se transforme en matsa... Ces objets deviennent saints, connectés à D.ieu. Ils sont désormais réels.

C’est ainsi que commence le troisième chapitre de l’Éthique des Pères – Pirkei Avot, que nous lirons ce Chabbat à la synagogue :

« Considère trois choses, et tu n’en viendras pas à fauter. »

Certes, la Michna continue, et explicite les trois choses.

Mais, pour certaines personnes exceptionnelles, pour les tsadikim – les justes parfaits – auxquels la faute est totalement étrangère, cette première phrase contient à elle seule l’enjeu de leur existence.

En effet, le tsadik est naturellement enclin à ne rechercher qu’une seule chose : la proximité de D.ieu. En ce qui le concerne, la réalité d’avant le Sinaï était suffisante. Mais D.ieu, Lui, a un projet pour ce monde. Alors, pour rappeler cela au tsadik, il lui est dit « Considère, rends-toi compte, qu’il n’y a pas que deux choses – D.ieu et toi avec ton amour pour Lui –, mais trois choses, car il y a aussi le monde que tu dois contribuer à élever vers D.ieu et dans lequel tu dois faire descendre D.ieu. » Tel est le défi du tsadik.

Cela ne concerne que les tsadikim, des gens dont, nous autres commun des mortels, sommes bien éloignés, pensez-vous ?

Détrompez-vous. Il y a un tsadik au fond de l’âme de chacun d’entre nous. Car notre âme ne vibre que pour D.ieu, et, par amour pour Lui, nous menons à bien Son projet : faire de ce monde matériel une demeure pour Son Essence. Faire d’ici et maintenant la porte d’entrée de l’ère messianique.