Il y a environ deux mille ans, la Judée, divisée en cinq provinces, tombait sous la domination romaine. Les nouveaux maîtres ne laissaient aux Juifs que la conduite des affaires intérieures du pays. Dans ce petit État déchiré par les guerres, l’instabilité et l’intrigue politiques régnaient.
De cette situation trouble et incertaine, la belle héroïne de notre histoire, la princesse Mariamne, allait être l’innocente victime. Elle était l’un des derniers rejetons de la famille royale des Asmonéens. Aussi sa mère la reine Salomé Alexandra et son grand-père Hyrcanus se servirent-ils d’elle dans une ultime tentative de conserver le pouvoir.
À cette époque, Hérode, le Procurateur de Galilée, en faveur auprès de l’empereur romain, était couronné à Rome roi de Judée. Il revint dans ce pays à la tête d’une puissante armée, résolu à anéantir Antigonos, l’héritier asmonéen du trône. Après une guerre sans merci qui dura trois ans, les Romains occupèrent la Judée et Jérusalem. Antigonos était fait prisonnier, et plusieurs milliers de Juifs furent tués. Quand la reine Alexandra vit que la situation était désespérée, elle offrit en mariage à Hérode sa fille Mariamne.
La princesse se distinguait non seulement par sa beauté, mais aussi par une grande noblesse de caractère. Rien ne lui répugnait autant que de devenir l’épouse du cruel Hérode. Mais, mue par le respect qu’elle avait pour sa mère et son aïeul, et par la loyauté à laquelle elle ne voulait pas faillir envers son peuple, elle n’écouta que son devoir et résolut de se sacrifier.
Hérode, lui, fut ravi de sa bonne fortune. Il aimait Mariamne. Et il allait être comblé non seulement dans son amour, mais aussi dans son ambition qui n’était pas moins grande. En effet, grâce à cette union, sa position en tant que membre de la famille royale des Asmonéens devait lui faciliter les choses. Il pourrait plus aisément mettre à exécution ses plans et détruire de l’intérieur cette famille dont il avait juré la perte.
Le mariage eut lieu. Hérode entama aussitôt la réalisation de ses noirs desseins. La plupart des Asmonéens furent froidement assassinés. Tant de cruauté et de cynisme révoltèrent Mariamne ; elle le manifesta à Hérode. La passion de celui-ci pour sa femme ne fut pas émoussée ; au contraire. Et non plus, hélas, sa soif de puissance. Rien ne pouvait le détourner de ses plans odieux. Afin d’être le seul maître, Hérode nomma à la fonction sacrée de Grand-Prêtre un personnage sans relief, évinçant ainsi Aristobule son beau-frère, lequel avait autant de beauté et de noblesse que sa sœur. Alexandra, leur mère, demanda à Cléopâtre, la puissante reine d’Égypte, et à Antoine, alors le maître à Rome, d’intervenir auprès d’Hérode, en faveur de son fils. Ses efforts ne donnèrent aucun résultat ; et ce fut Mariamne qui réussit à persuader son mari de déposer l’indigne Grand-Prêtre et de nommer Aristobule à sa place.
Un assassinat camouflé
Moment de faiblesse qu’Hérode regretta aussitôt. Son beau-frère le gênait, il fallait qu’il se débarrassât de lui. Il eut une idée diabolique : au cours d’une fête qui eut lieu à Jéricho, des hommes à sa solde furent chargés de maintenir le Grand-Prêtre sous l’eau pendant qu’il prendrait son bain, jusqu’à ce qu’il pérît par asphyxie. Sa mort aurait ainsi l’apparence d’un accident. L’attentat réussit.
Hérode feignit en vain un grand chagrin ; personne ne crut à son innocence. Au contraire, tout le monde lui imputa ce crime. Alexandra et Mariamne lui déclarèrent sans détours qu’elles le tenaient pour responsable de cette mort. La première réussit même à le faire comparaître devant une Cour de Justice romaine. Il s’en tira un peu par la corruption, un peu grâce à son habileté, échappant ainsi, non seulement au châtiment, mais même à un simple blâme.
À cette occasion, avant son départ pour Rome, Hérode avait convenu avec Joseph, le mari de sa sœur, qu’au cas où il serait déclaré coupable, son beau-frère tuerait aussitôt Mariamne et leurs enfants. Il était décidé, si un malheur devait lui arriver, à ne laisser sa belle épouse à personne.
Joseph, sensible au charme de celle-ci, lui révéla la terrible mission dont l’avait chargé son beau-frère. Cela ne fit qu’accroître la haine de Mariamne pour Hérode. Haine qu’elle ne manqua pas de lui manifester encore une fois et sans le moindre ménagement à son retour de Rome.
Mort de Mariamne
L’admiration de Joseph pour Mariamne éveilla la jalousie de sa femme, Salomé. Pour se venger du même coup de son mari et de celle qu’elle prenait pour sa rivale, elle eut recours à une odieuse calomnie. Elle alla trouver son frère et lui affirma qu’une liaison coupable existait entre Mariamne et Joseph. Sans prendre la peine de vérifier la véracité de ses dires, Hérode ordonna que son beau-frère fût mis à mort. Quant à sa propre épouse, il l’aimait trop pour songer à un châtiment, si léger fût-il.
Quand, encore une fois, Hérode dut s’absenter, il laissa derrière lui un homme à sa dévotion, avec pour mission de veiller sur Mariamne, de la surveiller aussi et, dans l’éventualité où lui, Hérode, ne reviendrait pas, de la tuer et de tuer leurs enfants. Il revint. Salomé reprit ses intrigues contre sa belle-sœur. Cette fois, hélas, elle réussit. Usant encore du mensonge, elle persuada Hérode que sa femme était résolue à l’empoisonner. Il entra dans une grande colère et fit traduire Mariamne devant la Cour de Justice. Celle-ci était formée d’hommes prêts à tout pour donner raison à leur maître. Mariamne fut condamnée à mort.
Quand Hérode prit conscience de l’horreur de son acte, il essaya de faire annuler le verdict. Mais Salomé veillait. Tous les efforts de son frère furent vains. L’exécution eut lieu. Hérode en fut accablé de douleur. Inconsolable, il s’opposa sept ans durant à l’inhumation de la bien-aimée ; son corps embaumé demeura auprès de lui dans le palais. Puis il sombra peu à peu dans une profonde mélancolie. Rien ne pouvait désormais l’en tirer. Il essaya de se distraire en organisant des chasses et des fêtes, mais tout fut vain.
Hérode édifia des villes nouvelles, des temples, des palais. Il fit élever une tour à laquelle il donna le nom de Mariamne. Sa seule réalisation digne d’éloges fut la reconstruction du Beth-Hamikdache à Jérusalem. Afin de trouver grâce aux yeux des Juifs, il en fit un édifice magnifique. Mais ses mains étaient tachées du sang de ses nombreuses victimes parmi lesquelles comptaient tous les membres de la famille royale des Asmonéens.
Ainsi, avec la mort de la belle et noble Mariamne, prenait fin la glorieuse épopée du Grand-Prêtre Asmonéen Matithiahou et de ses valeureux descendants.
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