L’un des honneurs les plus convoités dans une Synagogue le jour de Yom-Kippour est d’acquérir le mérite de lire le « Maftir Yonah », la haftarah de l’office de Min’ha qui relate l’histoire du prophète Jonas. La lecture de cette haftarah, nous dit Rabbi Chalom-Ber (le cinquième Rabbi de Loubavitch), apporte des bénédictions de prospérité pour l’année à venir.

Mais quel est le message de cette haftarah et pourquoi l’histoire de Jonas fut-elle choisie pour être lue le jour de Kippour ?

Dans notre littérature sacrée, le prophète Jonas est associé au verset : « Ceux qui traversent les mers dans des bateaux, qui accomplissent leur tâche dans des eaux puissantes » (Psaumes 107,23). L’expression « eaux puissantes » symbolise les différents défis et les obstacles que notre existence matérielle place devant nos âmes.

Certaines personnes ont pour mission de se lancer – pour le bien des autres – dans ces « eaux puissantes », même lorsque, comme pendant le voyage de Jonas, elles sont tumultueuses et semées d’embûches. Ces personnes consacrent leur vie non pour amasser des biens matériels pour leur bénéfice personnel, non plus que pour atteindre un niveau spirituel plus élevé, mais seulement dans le but d’aider les autres.

L’attitude de Jonas est-elle louable ?

Cette notion est difficile à admettre. La raison pour laquelle Jonas partit en mer était qu’il voulait fuir la présence divine. Dans ce cas, pourquoi ce voyage en mer est-il vu sous un jour aussi favorable ? Cette difficulté est encore plus compliquée par le fait que Jonas était un prophète. Ce n’était pas un homme quelconque, mais quelqu’un à qui D.ieu S’était révélé directement.1 Comment un tel personnage pouvait-il refuser d’accomplir l’ordre de D.ieu ? De plus, lorsqu’un prophète manque de communiquer une prophétie qu’il a été chargé de faire connaître, il commet une grave faute et encourt la peine de mort (et c’est l’explication simple de la tempête qui menaça la vie de Jonas). Quelle est donc la valeur d’une telle conduite ?

Ces questions sont renforcées par le fait que cette haftarah est lue à Yom-Kippour, le jour où l’on s’efforce à rappeler les mérites du peuple juif et de diminuer l’importance de leurs fautes.

L’étendue du sacrifice de soi

Nos Sages expliquent la motivation de la fuite de Jonas. Il savait que la population de Ninive se repentirait lorsqu’il lui révélerait sa prophétie. Et c’est justement ce qu’il craignait.

Le repentir des habitants de Ninive n’aurait pas été de bon augure pour le peuple juif. Combien de prophètes D.ieu avait-Il envoyés à ce dernier sans pouvoir obtenir un changement dans sa conduite ? Quelle aurait été la réaction dans les mondes spirituels en apprenant que les gentils s’étaient repentis aussitôt après avoir reçu le message divin, tandis que les Juifs persévéraient dans leur mauvaise conduite malgré de multiples injonctions ? Au lieu de provoquer une telle situation, Jonas préféra fuir à Tarsis.

Jonas savait bien que D.ieu pourrait charger d’autres de cette mission. Que ce soit par lui ou par un autre, le message divin parviendrait aux habitants de Ninive et ceux-ci se repentiraient. Il savait aussi la gravité de son acte et le châtiment qu’il encourait. Cependant, malgré les conséquences inévitables qu’il allait subir, Jonas préféra le destin qui l’attendait au lieu d’être celui par qui du mal arriverait au peuple juif.

Les qualités qui permettent à une personne d’atteindre les autres

C’est justement ce type de personne qui peut accomplir sa tâche au sein des « eaux puissantes ». Une personne qui aime chacun des êtres humains qui l’entourent, qui est prête à tout sacrifier pour eux : son niveau spirituel et même sa vie. Une telle personne possède la capacité d’aider les autres à révéler les qualités qui sont cachées en eux.

Dans le nom de Jonas, il y a aussi une allusion au message qui révélera ces qualités positives, mais cachées. Jonas est appelé « Ben Amittaï ». Littéralement, cette expression signifie « le fils d’Amittaï », mais au sens figuré, on peut l’interpréter comme signifiant « un homme de vérité » (tout comme ben ‘horine signifie « un homme libre »). En révélant la vraie cause de notre existence et en répandant la connaissance de la force divine innée présente en chaque être,2 il est possible d’élever les hommes au-dessus de leurs préoccupations matérielles et leur permettre de se concentrer sur le but de leur vie. Ces concepts peuvent servir de phares pour éclairer et guider tout le peuple, y compris ceux qui se débattent « dans les eaux puissantes » de la société contemporaine, vers une vie pleine de sens, de joie et de paix intérieure.

Une ère de transformation

Partager la mission de Jonas est quelque chose de particulièrement important à notre époque, car l’atmosphère dans le monde entier est justement troublée par des « eaux puissantes » et des « tempêtes furieuses » qui changent l’aspect de la société à une allure vertigineuse. Chacun de nous doit comprendre que « cette grande tempête a lieu à cause de moi » (Jonas, 1,12). C’est-à-dire que les bouleversements auxquels nous assistons à travers le monde ont pour but d’activer notre prise de conscience de l’imminence de la véritable transformation que nos vies vont bientôt connaître.

En effet, l’ère de la Rédemption n’est plus un rêve qui se réalisera dans un futur lointain, mais une réalité imminente. Nous sommes au seuil de la Rédemption, et à l’intérieur même du processus qui consiste à traverser ce seuil. En un tel moment, le sacrifice personnel de Jonas et le message de vérité qu’il nous transmet est profondément actuel ; il permet à un plus grand nombre d’individus de vivre dans l’esprit de la Rédemption, d’avoir dans notre vie quotidienne un avant-goût de la prise de conscience que nous aurons à cette époque-là. Ceci, en retour, servira de catalyseur et précipitera la venue effective de la Rédemption. Puisse ceci se réaliser très bientôt.