À l’issue de Yom Kippour, le jour le plus saint de l’année, nous faisons nos adieux à ce jour qui nous garantit l’expiation. Nous récitons les prières du soir, le Chema, avec la bénédiction qui le précède et celle qui le suit, puis la Amida (prière silencieuse), comme nous le faisons tous les soirs. Après une journée immergés dans le repentir, nous récitons cette prière quotidienne avec une ardoise complètement propre. Nous prions avec une vie nouvelle et sans péché.

Pourtant, au bout de six bénédictions dans la Amida, nous récitons la bénédiction de Sela’h lanou dans laquelle nous demandons à D.ieu de « nous pardonner car nous avons péché », et nous appelons D.ieu « Celui qui pardonne abondamment ».

Nous venons d’être confirmés « sans péché » quelques instants auparavant. Pourquoi récitons-nous cette bénédiction ?

Nous prions avec une vie nouvelle et sans péché

Les « halakhistes » parmi nous soutiendraient que nous récitons cette bénédiction parce que, en règle générale, nous ne changeons pas la liturgie, même dans le cas où elle ne serait pas pertinente.

Les idéalistes parmi nous pourraient proposer que la prière de Sela’h lanou, comme la plupart des prières, est écrite au pluriel. « Pardonne-nous, car nous avons péché. » Peut-être sommes-nous purs de tout péché, mais il peut y avoir, à D.ieu ne plaise, certains Juifs qui ne sont pas venus à la synagogue et qui n’ont pas participé au processus de purification spirituelle ; nous la récitons donc pour eux.

Les « cyniques » parmi nous seraient d’avis que nous avons réellement besoin de demander pardon, car du fait de notre faim, nous n’avons pas prié avec une véritable kavana (concentration et ferveur), comptant les minutes plutôt que nos bénédictions.

Les plus réfléchis d’entre nous apprécieraient la réplique qu’un vrai serviteur de D.ieu accomplit la Techouva (repentance) chaque jour et s’efforce constamment d’être meilleur.

Ceux d’entre nous qui aiment les paraboles trouveraient un sens dans l’explication suivante.

Shaï Agnon, le célèbre lauréat israélien du prix Nobel, cite une histoire au nom du Rabbi Its’hak de Vorki,1 au sujet d’un paysan qui insulta le roi. Dans un élan de compassion, le roi ordonna que le paysan ne soit pas puni, car son erreur avait été commise par inadvertance du fait de son manque de connaissance et d’appréciation de l’honneur dû au souverain. Il choisit d’éduquer le paysan et ses ordres furent suivis. Son plan réussit. Après sa transformation, le paysan fut amené devant le roi. En se rendant compte de ce qu’il avait fait, comprenant désormais pleinement les implications de sa transgression, il s’évanouit.

Yom Kippour nous procure une éducation – un « bain spirituel », en quelque sorte – qui ne peut être apprécié qu’après coup

L’histoire de Rabbi Its’hak nous enseigne que Yom Kippour nous procure une éducation – un « bain spirituel », en quelque sorte – qui ne peut être apprécié qu’après coup.

La réponse finale à cette question, la « réponse ‘hassidique », est celle qui me parle le plus. On la trouve dans les écrits du premier Rabbi de Gour, Rabbi Its’hak Méir Alter. Pourquoi disons-nous Sela’h lanou quelques minutes après la fermeture des Portes du Ciel avec un verdict positif ?

« La raison en est que les enfants d’Israël doivent croire que Yom Kippour expie vraiment. Si, D.ieu nous en préserve, quelqu’un a le moindre doute s’il a été pardonné, il a péché. C’est pourquoi nous prions à la fin de Yom Kippour parce que nous n’avons peut-être pas pleinement cru que Yom Kippour expie. »2

Le Rabbi de Gour nous enseigne une bien précieuse leçon ! Nous devons croire au pouvoir de Yom Kippour et de la Techouva, à la belle musique du son du péché qui disparaît. Nous avons transgressé si nous ne croyions pas pleinement que D.ieu efface nos transgressions à Yom Kippour, et que nous en sortons nettoyés.

Quelle puissante notion !