À Roch Hachana, il est une coutume de se rendre auprès d’un lac, d’un étang ou d’un autre plan d’eau pour accomplir la cérémonie du Tachlikh. Là, nous « jetons » les péchés que nous avons pu accumuler au cours de l’année précédente. À Crown Heights, le quartier de Brooklyn, où se trouve le « 770 » (c’est ainsi que le quartier général mondial du mouvement Loubavitch est affectueusement surnommé), il n’y avait pas de lac ou de cours d’eau (c’est seulement des années plus tard qu’un puits fut creusé derrière le 770).

Depuis que le Rabbi, Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson de mémoire bénie, était arrivé à New York en 1941, il était devenu de coutume de marcher jusqu’aux jardins botaniques de Brooklyn situés à environ un mile du 770. C’était une belle parade de ‘hassidim chantant joyeusement qui descendait la grande avenue d’Eastern Parkway, à laquelle se joignaient de nombreux Juifs en cours de route.

Le lac des jardins botaniques de Brooklyn (Photo: Freida Glassner)
Le lac des jardins botaniques de Brooklyn (Photo: Freida Glassner)

Ce Roch Hachana, en 1956, il pleuvait à verse. Trois minutes à l’extérieur étaient suffisantes pour être trempé jusqu’à l’os. Cependant, la marche annuelle eut lieu comme d’habitude.

C’était un spectacle à voir. Je marchais derrière le Rabbi qui serrait son livre de prières contre lui pour éviter qu’il se mouille.

Mais en arrivant au parc, nous trouvâmes les portes fermées. Il semble que le préposé aux jardins botaniques avait estimé que personne ne viendrait pendant la pluie. Il avait donc fermé et était rentré chez lui. Les mots du quatrième Rabbi de Loubavitch étaient tout à coup très à propos : « Quand on est devant un obstacle, il faut d’emblée passer par-dessus ! »

Je vis le Rabbi remettre son livre de prières à l’un des ‘hassidim, Rav Israël Duchman – parce que l’on ne peut pas grimper en tenant un livre en main.

Il se mit rapidement à escalader le mur. Arrivé au sommet, il se pencha, se renversa athlétiquement, puis se retourna et descendit de l’autre côté.

Puis il nous fit un signe, comme pour dire : Nou ? Qu’est-ce que vous attendez tous ? Tous les ‘hassidim franchirent le mur de la même façon, les jeunes comme les vieux.

Nous sommes arrivés au bord du lac et avons récité la prière traditionnelle. Le Rabbi se mit alors à chanter et fit un geste pour nous encourager à danser. Ce fut l’un des moments les plus joyeux de ma vie, je trempais littéralement dans la joie...

Nous fîmes alors le chemin du retour au 770. Les chapeaux de cette époque avaient des rubans dont la teinture coulait s’ils étaient très mouillés. C’est ainsi que nous revînmes avec des taches d’encre sur nos visages, nos calottes, et même nos chemises.

Le Rabbi sortit alors de son bureau avec une grande bouteille de vin. Il monta sur un banc et distribua un peu de vin à tous ceux qui l’avaient accompagné dans cette très mémorable marche de Roch Hachana.