Lorsque Rabbi Yehochoua ben Lévi interrogea le prophète Élie sur la façon dont il pourrait identifier le Machia’h, la réponse fut que le Machia’h se trouvait « parmi des pauvres, affligés de maladies ».1 Plus loin dans le débat,2 le Talmud considère l’éventualité que l’un des personnages de leur génération soit le Machia’h et évoque le nom de « Rabbénou HaKadoche » (« Notre saint Rabbi », qui était la façon dont on appelait Rabbi Yéhouda HaNassi). Pourquoi Rabbi Yéhouda HaNassi incarnait-il aux yeux des Sages de sa génération le parfait candidat à la fonction de Machia’h ? Dans son commentaire sur le Talmud, Rachi explique qu’il remplissait pour cela deux critères primordiaux : « Il souffre de maladies et c’est un ‘hassid accompli. » Ici encore, le Machia’h apparaît comme un homme accablé de douleurs et de maladies, dans la phase qui précède sa révélation.
Dans le Livre d’Isaïe, un chapitre entier3 est consacré à ce thème. Il s’ouvre par le verset : « Qui a ajouté foi à l’annonce qui nous a été faite ? Et à qui s’est révélé le bras de D.ieu ? » et décrit « un homme de douleurs et connaissant des maladies »4 qui sera au départ moqué et méprisé pour finalement se révéler être au-dessus de tous. Il y est dit :
« Et pourtant, ce sont nos maladies dont il était chargé, nos souffrances qu’il portait, alors que nous, nous le prenions pour un malheureux atteint, frappé par D.ieu, humilié. Et c’est pour nos péchés qu’il a été meurtri, par nos iniquités qu’il a été écrasé ; le châtiment, gage de notre salut, pesait sur lui, et c’est sa blessure qui nous a valu la guérison. Nous étions tous comme des brebis errantes, chacun se dirigeant de son côté, et D.ieu a fait retomber sur lui notre faute à tous. »5
De nombreux commentateurs6 pensent que ce texte est une description du peuple juif, qui a souffert et connu l’humiliation pendant son exil et qui finira par être élevé au-dessus des nations lors de la Délivrance. D’autres commentateurs,7 toutefois, enseignent que ces versets font référence au Machia’h.
Il prend sur lui avec amour
Il est dit dans le Midrache8 : « Les souffrances ont été divisées en trois parties : l’une fut prise par les Pères du monde,9 la seconde par la “génération de l’apostasie”,10 la troisième par le roi Machia’h. » De même, dans le Livre des Psaumes, le roi David se lamente à plusieurs reprises sur les souffrances et la peine du Machia’h. Sur le verset « Il sentira la crainte de D.ieu »,11 les Sages du Talmud ont commenté12 : « Cela enseigne que D.ieu le chargera de mitsvot et de souffrances comme [un animal est attelé à] une meule. »13 La question qui se pose est : pourquoi le Machia’h doit-il tellement souffrir ?
L’une des réponses apportées à cette question est que les souffrances du Machia’h font expiation des fautes de sa génération et permettent à chaque Juif de mériter la délivrance. Il prend sur lui nos fautes, comme il est dit : « Et pourtant ce sont nos maladies dont il était chargé, nos souffrances qu’il portait... Et c’est pour nos péchés qu’il a été meurtri, par nos iniquités qu’il a été écrasé. »14 Le Zohar15 explique que les souffrances du Machia’h sauvent Israël du jugement divin. Le Ramban16 déclare que « cette blessure qui le fait souffrir et le démange nous guérira, car D.ieu nous pardonnera en son mérite et nous serons guéris de nos péchés et des fautes de nos pères. »
Le Alshikh17 ajoute à cela que le Machia’h prend sur lui ces souffrances avec amour : « Car lui-même souhaite les endurer... Et nous autres pensions qu’il ne le ferait pas de lui-même, mais qu’il serait frappé par D.ieu. » Mais lorsque le moment viendra qu’il se dévoile dans toute sa splendeur, tous verront alors et comprendront « combien grande était sa capacité d’endurer des souffrances pour sa génération ».
Ajouter de la force au Machia’h
Le Maharal18 explique que les souffrances du Machia’h sont d’une telle intensité, car, du fait qu’il mettra un terme à l’existence du mal, celui-ci s’oppose à lui de toutes ses forces : « Le monde naturel s’oppose au Machia’h et il n’y a pas de fin à ses souffrances... Jusqu’aux temps futurs, lorsqu’il y aura un monde nouveau, le monde sera séparé [du mal] et il ne connaîtra plus aucune opposition et il ne souffrira plus. »
Cependant, cela ne doit pas prêter à penser qu’il a été décrété à l’avance que le Machia’h doive souffrir. Dans la mesure où les souffrances du Machia’h découlent des fautes de sa génération, lorsque les Juifs abondent en mérites, ils diminuent d’autant les souffrances du Machia’h et rapprochent sa révélation.
Le Alshikh souligne que les Enfants d’Israël « rajoutent de la force à leur Machia’h ». Il s’appuie en cela sur le verset : « La justice (tsédek) sera la ceinture de ses reins, et la foi l’écharpe de ses flancs »19 et explique qu’à travers la charité (tsédaka) et la foi en le Machia’h, le peuple juif renforce le Machia’h : « Car par la justice qu’accomplira le peuple, il renforcera son roi », et par la foi « en la qualité et la grandeur du Machia’h », il amènera « un accroissement de la force de son mérite » (et le Alshikh met en garde « de ne pas être, à D.ieu ne plaise, de ceux qui diminuent sa force, perdant ainsi l’immense bienfait qu’il vous prodiguera. »)
Ainsi, au final, s’accomplira pour le Machia’h la promesse « Il vivra de longs jours et la volonté de D.ieu prospèrera dans sa main »20, comme le dit le Ramban : « car il mènera à bien la délivrance souhaitée par D.ieu béni soit-Il. »
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