L’un de noms par lesquels le Talmud1 se réfère au Machia’h est « bar naflei », qui veut littéralement dire « enfant tombé » et signifie « enfant mort-né » :
Rav Na’hman demanda à Rabbi Its’hak : « As-tu appris quand viendra Bar Naflei ? »
– Qui est ce Bar Naflei ? répondit Rabbi Its’hak
– C’est Machia’h, lui dit Rav Na’hman.
– Tu appelles Machia’h « Bar Naflei » ? demanda Rabbi Its’hak.
– Oui, car il est écrit : « En ce jour-là, Je relèverai souccat David hanofélèt – la souccah de David qui est tombée » (Amos 9, 11.)
Ce n’est toutefois pas la première fois que ce surnom est usité pour désigner une figure de notre histoire : il déjà été employé pour désigner le roi David. Le Zohar dit en effet que David était destiné à être mort-né car D.ieu n’avait pas doté son existence d’années de vie, comme l’exprime le verset : « Il T’a demande de la vie, Tu la lui as octroyée »2 David était dépourvu d’années et ne put vivre que grâce à Adam, Abraham, Isaac et Jacob qui lui firent don d’années de leur vie.
Nous savons qu’il existe un lien intrinsèque entre David, appelé « le premier Machia’h »,3 et Machia’h, appelé « le dernier Machia’h ». Le Machia’h est celui qui amènera la royauté de David à sa plénitude. Il est donc compréhensible que leur nom commun de « Bar Naflei », exprime le sens de leur nature profonde.
La Souccah tombée
Le Maharal de Prague4 explique de manière extraordinaire le sujet de la « chute » qui est attribuée au Machia’h dans le nom « Bar Naflei ». La chute est certes un état négatif, mais elle comporte une singulière supériorité vis-à-vis à d’autres situations : d’une chute, il est possible de se relever, « comme un homme tombé qui se relèvera assurément et ne restera pas dans sa chute à jamais ».
Si un édifice détruit demande à être reconstruit et si un objet démonté doit être assemblé de nouveau, il n’en a vas pas de même de ce qui est simplement tombé : cela ne doit pas être « recréé », car cela demeure entier, mais seulement « relevé ». Là réside la nature profonde de la royauté de David : elle est certes tombée, mais n’a pour autant pas été détruite, ni désagrégée. En temps d’exil, elle demeure entière, bien qu’elle soit en situation de « chute », et lorsque viendra le temps de la délivrance, elle se relèvera et retrouvera son état de jadis.
Le Maharal explique également pourquoi la prophétie d’Amos parle de la souccah – la « hutte » – de David et non de sa « maison ». Il donne deux raisons à cela : a. une souccah est une demeure éphémère. Ce caractère éphémère ne dénote pas ici une faiblesse (la non résistance au temps), mais une force : la royauté de David n’est pas un produit de ce monde, sujet aux aléas de l’histoire, mais un décret divin et, de ce fait, transcende le temps. Le terme « souccah » exprime donc l’intemporalité et le caractère surnaturel de la royauté de David. b. une souccah peut tomber et être ensuite relevée, ce qui n’est pas possible avec une maison, qui se détruit lorsqu’elle s’écroule.
Dans les mots du Maharal : « Lorsqu’une maison tombe, elle n’existe plus. Elle lorsqu’on la reconstruit, il s’agit alors d’une nouvelle maison, et non de celle qui est tombée, qui n’existe plus... La souccah, en revanche... peut être aisément redressée. Elle peut donc ainsi être facilement relevée et restaurée dans sa situation précédente. Ainsi en sera-t-il de la royauté de David qu’Il relèvera après qu’elle soit tombée, c’est pourquoi elle est appelée “la souccah de David qui est tombée”... Et Il la rétablira très aisément. »
Le comportement en exil
Il ressort de ce qui précède que la puissance divine investie en la royauté de David ne lui a pas été retirée – à D.ieu ne plaise – et se trouve toujours contenue en elle. L’exil a seulement eu pour effet de la dissimuler et de l’empêcher de s’exprimer au grand jour, la maintenant en situation de « chute ». Mais dès que le moment viendra, elle se révèlera dans toute sa splendeur.
En vérité, même en temps d’exil, la royauté de David connaît un certain degré d’expression, comme l’ont dit nos Sages en commentant le verset « le sceptre ne quittera pas [la tribu de Juda] »5 : « Cela désigne les chefs de l’exil à Babylone. »6 C’est-à-dire que même en temps d’exil, il se trouve des « chefs de l’exil » issus de la tribu de Juda, qui perpétuent dans une certaine mesure le leadership de la dynastie de David. Tel est également le Machia’h : la puissance inhérente à la royauté de David est enfouie en lui et, le moment venu, cette puissance se révèlera et il se relèvera de sa « chute » et apparaîtra dans toute sa gloire.
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