C’est son tour.
Le monde se tient devant lui comme une nature encore inaltérée. Il le considère comme une forêt vierge attendant d’être explorée. Aucun des morceaux du puzzle n’a encore trouvé sa place. Rien n’a encore de sens. Il est mu par une force de curiosité innée. Il a été doté de suffisamment d’énergie pour explorer et expérimenter tout ce qui se trouvera sur son chemin.
Son chemin s’allonge constamment. Il serpente et sinue, jalonné de surprises, de plaisirs et de dangers. Il est ravi. Il est aux anges. Il ne connaît pas la peur, seulement le courage et l’énergie qui le font avancer et avancer encore...
Le sens apparaît lentement, mais à sa manière propre et unique, il commence à ajuster ensembles les pièces de puzzle pour créer une image du monde qui est uniquement sienne. Bien que les pièces nous soient familières, il les assemble d’une manière que nous n’aurions jamais imaginée, d’une manière qui donnera un sens unique, pas seulement à son monde, mais également au nôtre.
Et telle sera sa contribution, la fécondité de son élan créatif qui révélera un monde jusque-là inconnu, qui attendait depuis toujours d’émerger du potentiel.
Sans entraves, il chargera avec détermination – mais avec calme et assurance – dans l’univers qui l’attend. C’est son temps, et il est tout à fait prêt. Sans le savoir, nous avons préparé son chemin et lui avons fourni tous les outils et les plans nécessaires à son apparition sur la scène de sa vie au moment précis prévu pour son entrée.
Et même s’il ne le sait pas, il le ressent. L’excitation qui déferle dans son sang, dans son cœur, dans chacun de ses organes et vaisseaux, dans chacune de ses pensées et de ses élans, porte en soi l’assurance de son bon-droit, de sa nécessité, de son essentialité, de son indispensabilité, de son inéluctabilité, de son potentiel et de son destin.
Il est prêt et heureux. Éclatant. Captivé. Enchanté. Toujours surpris. Toujours fasciné. Passionné.
Il porte dans un panier invisible toile et palette, papier et stylo, poésie et prose, la danse des notes et des tonalités musicales, des phrases et des rythmes qui voltigent spontanément dans son esprit.
Il recherche des moyens d’expression. Le souffle de ses poumons et le bruit qu’il fait en passant par sa gorge et sa bouche. Les lignes qui apparaissent dans la terre lorsqu’il la gratte de ses ongles. Les mouvements de son corps en harmonie avec la flambée des émotions sous sa peau, provoquant des sensations, des impressions et d’étranges vibrations ressenties pour la première fois dans ce réceptacle que son âme a si récemment investi.
Cet enfant.
C’est son tour.
Il l’a gagné et mérité d’une manière que nous ne pouvons pas comprendre. Il a reçu ce droit de découverte.
C’est son temps.
Sa place lui a été léguée et a promise il y a très, très longtemps.
C’est son droit.
D.ieu le lui a donné.
C’est son devoir, sa responsabilité, encore exempte de pénibilité ou de confusion.
Il a sa mission.
Autrement, il n’existerait pas.
Il n’est pas là par hasard.
Il le sait.
Il a appris cela de D.ieu avant sa descente dans ce monde. Peu importe s’il l’oubliera bien vite, pour entamer son laborieux voyage de mémoire.
Et pendant tout ce temps, nous sommes ses parents. Et il nous incombe de connaître pleinement ce miracle d’énergie et d’âme quasiment illimitées assis là, sur nos genoux. Il nous appartient de sonder nos souvenirs, les souvenirs profondément enfouis dans les recoins de notre être, et d’essayer de nous rappeler ce qu’est la nouveauté de la vie et du plaisir qu’il connaît maintenant.
Et que nous ayons ou non la chance de ressentir maintenant en nous-mêmes cette âme infinie qui est sienne et nôtre également, nous devons savoir, d’une manière ou d’une autre, que c’est sa vie et qu’elle est sainte. Elle est sacrée et nous devons la traiter comme telle.
Et s’il nous faut intervenir, avec quel soin devons-nous réfléchir à nos interventions. Combien de temps devons-nous consacrer à chaque acte éducatif, de peur que nous nous rendions coupables de gâter la pureté même de cette âme qui a été placée dans ce corps qu’il nous incombe de nourrir et d’élever.
Quelle chance avons-nous d’avoir reçu les conseils de nos sages qui nous ont précédés. Quelle chance avons-nous de ne pas être sans direction dans nos efforts pour prendre soin de ce jeune être qui exige maintenant le lieu et l’espace qui lui est réservé dans l’univers. Quelle reconnaissance devons-nous vouer à nos ancêtres pour avoir tracé un chemin désormais éprouvé qui donne des directives pour l’énorme responsabilité de guider et d’éduquer cet être qui nous a été donné. Notre histoire et notre tradition nous donnent confiance pour être non seulement diligents, mais aussi spontanés, ludiques et courageux, alors que nous soutenons et encourageons son exploration du monde qui est désormais le sien.
C’est son temps. D.ieu le lui a donné.
Ayant pu émerger de tout son potentiel, il adressera un jour ses louanges à son Créateur, rempli de gratitude envers le Saint béni soit-Il, empreint d’humilité, en contact avec l’âme qui est son essence et sa réalité véritables.
Et alors, nous partagerons assurément la joie de D.ieu.
C’est son temps.
Écrit en l’honneur de la naissance du fils de ma nièce, Its’hak.
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