Fais un recensement de toute l’assemblée des Enfants d’Israël...
Nombres 1, 2
Parce qu’ils [Israël] Lui sont chers, Il les compte en tout temps. Quand ils sont partis d’Egypte, Il les a comptés et quand ils ont failli lors du [péché du] Veau d’Or, Il les a comptés… et [ici] quand Il est venu faire reposer Sa présence divine sur eux, Il les a comptés.
Rachi sur Nombres 1, 1
Certains d’entre nous les trouvent dans leur famille. Certains les trouvent dans leur profession. D’autres les trouvent dans la religion. Bien que les résultats diffèrent, la quête est la même : trouver un sens et un but à notre vie. Un trait commun qui relie l’humanité est le besoin de sentir que notre existence sert à quelque chose, que nous ne sommes pas le simple résultat d’une naissance accidentelle, mais des composantes nécessaires dans l’accomplissement d’une mission aux proportions cosmiques. Ce sentiment est peut-être l’ingrédient le plus indispensable de la santé d’esprit, nourrissant le désir d’établir des buts et de les atteindre.
Dans le développement humain, ce sont les parents qui devraient en premier chef veiller à imprégner leurs enfants de la conscience de leur propre valeur et de leur importance. Malheureusement, nous vivons à une époque où de plus en plus d’enfants grandissent sans ces sentiments. À la place, ils se sentent inadaptés à la réalité et sont engloutis par la confusion que fait naître le sentiment d’être sans valeur. La Torah, dans sa sagesse éternelle, reconnaît ce besoin essentiel et le traite d’une façon qui à la fois rassure et renforce, parfois par le simple acte du dénombrement.
Les nombres
Tout au long de la Torah, D.ieu ordonne à Moïse de compter le peuple juif à quatre occasions différentes.1 Ces commandements revêtent une importance telle que, d’après les directives données au début de notre Paracha, le quatrième livre de la Torah [Bamidbar] est appelé « le livre des Nombres ».2 Mais quel est le but de ces comptes ? Il ne s’agit à l’évidence pas simplement de procéder à un simple recensement, car D.ieu, de par Son omniscience, connaissait parfaitement leur nombre. Nous devons donc conclure qu’une intention différente et plus profonde se cachait derrière cet ordre divin.
La Torah, comme tout ce qui existe, est composée à la fois d’un « corps » et d’une « âme ».3 Le « corps » de la Torah inclut les récits et les parties qui traitent des aspects matériels de notre vie : la Halakha, les lois qui régissent notre vie quotidienne. L’« âme » de la Torah est quant à elle constituée des enseignements ésotériques et des philosophies dont ils sont porteurs.
Tout comme le corps et l’âme de l’homme sont fondus en une entité unifiée et homogène, ainsi en est-il du « corps » et de l’« âme » de la Torah : même au sein du « corps » de la Torah on trouve les enseignements les plus profonds, de ceux que l’on peut considérer comme relevant de son « âme ». Il est cependant nécessaire de « déshabiller » une loi ou une directive particulière de ses couches superficielles pour révéler ses principes fondamentaux et ses vérités intrinsèques, car ce n’est qu’à cette condition que ceux-ci peuvent émerger.
Or, concernant la dimension la profonde du dénombrement, il est une loi talmudique qui stipule qu’en certaines circonstances particulières, un aliment dont la consommation est interdite peut être considéré comme nul lorsqu’une très petite quantité en est accidentellement mélangée à des aliments permis.4 L’une des exceptions à cette loi est lorsqu’un aliment interdit est habituellement vendu à l’unité et non au poids. Dans ce cas, quelque infime que soit la proportion de l’élément interdit dans le mélange, il n’est jamais annulé et le mélange tout entier demeure interdit à la consommation.5
Le raisonnement sous-jacent à cette loi exprime l’idée que les choses qu’on a l’usage de compter possèdent une valeur et une importance intrinsèques telles qu’elles ne peuvent diminuer ou être annulées en étant mélangées à autre chose.
Ceci explique pourquoi D.ieu ordonna un recensement des Juifs alors qu’Il connaissait leur nombre. En ordonnant à Moïse de compter les membres de Son peuple, D.ieu déclarait la valeur de chaque Juif, exprimant que leur valeur est suffisante pour qu’ils soient comptés individuellement.
Quelle est donc cette valeur si particulière de chaque Juif ? Chacun d’entre nous a une mission à accomplir ; une mission qui lui est propre et qui ne peut être réalisée par personne d’autre, mais qui agit cependant sur la vision cosmique dans son ensemble. Ainsi chaque Juif possède-t-il une valeur infinie et irremplaçable.
D.ieu ne faisait donc pas que transmettre une directive à Moïse. Il signifiait à chacun d’entre nous d’utiliser ses talents spécifiques, réalisant ainsi son potentiel unique, pour accomplir sa mission individuelle. En relatant ce fait dans la Torah, D.ieu s’assurait que ce message serait accessible à tous et en tout temps.
Le sens perpétuel
Nous pouvons désormais comprendre la déclaration de Rachi concernant l’amour de D.ieu pour Son peuple : « Il les compte en tout temps. » Le peuple juif fut recensé à quatre reprises au cours des Cinq Livres de la Torah. Comment cela peut-il être qualifié de « en tout temps » ?6
Cependant, Rachi ne faisait pas référence au recensement en lui-même, mais plutôt à l’effet du dénombrement. Car le sentiment d’importance et de valeur personnelle qui fut révélé par le recensement demeura pour toujours au sein des Juifs et les accompagnait « en tout temps ».
On peut avancer les mêmes propos pour nous, à notre époque. Bien que nous ne soyons pas activement dénombrés sur ordre divin, quand nous lisons ces épisodes dans la Torah, il nous est donné la force de réaliser à quel point nous sommes précieux pour D.ieu et combien il est vital que nous conduisions nos vies en accord avec Ses valeurs. D.ieu Lui-même atteste de notre valeur à chaque instant, il suffit juste d’écouter et de se comporter en conséquence.
Basé sur les discours du Rabbi du Chabbat parachat Bamidbar 5722 (1962) et 5724 (1964)7
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