La délivrance messianique que nous attendons est qualifiée de « délivrance véritable et intégrale » par rapport aux autres délivrances de notre histoire, qui ne furent pas complètes. Celle qui se rapproche le plus de la délivrance messianique fut la sortie d’Égypte, comme l’exprime la prophétie : « Comme aux jours de ta sortie d’Égypte Je te montrerai des merveilles. »1 Pourtant, la délivrance d’Égypte ne fut pas « complète », et ce, de deux manières : tous les Israélites ne furent pas délivrés (car ceux qui ne voulurent pas sortir périrent lors de la plaie de l’obscurité), et elle ne fut pas définitive, car il y eut par la suite d’autres exils. La délivrance future sera « véritable et complète », car alors, même les « égarés » et « éloignés » seront rédimés, et il n’y aura plus jamais d’exil après elle.

Ce double caractère de perfection et d’éternité de la délivrance implique que le libérateur possèdera également ces deux qualités. De fait, le Machia’h sera le personnage le plus élevé qu’ait jamais connu l’histoire. Concernant le verset « « Voyez, Mon serviteur prospèrera ; il s’élèvera, grandira, sera placé très haut »2 qui se rapporte au Machia’h, il est enseigné dans la Kabbalah3 que ces cinq qualificatifs se rapportent aux cinq niveaux de l’âme : néfech, roua’h, néchama, ‘haya, yé’hida. Le roi David mérita d’incarner néfech, le prophète Élie : roua’h, Moïse : néchama, Adam : ‘haya. Quant au Machia’h, il personnifiera le niveau le plus élevé, celui de yé’hida.

Cinq noms

Pour comprendre ce que cela signifie, il est nécessaire d’expliquer ce que sont ces cinq degrés de l’âme en chacun de nous. Le Midrache4 dit : « Cinq noms lui ont été donnés : néfech, roua’h, néchama, ‘haya, yé’hida. » La ‘Hassidout explique que ce ne sont pas là de simples noms, mais cinq dimensions différentes de l’âme. Néfech est celle qui assure la vie corporelle et physique de l’homme ; roua’h est la source de la vie émotionnelle et sentimentale ; néchama donne vie à notre intellect ; de ‘haya dépendent des facultés plus générales, comme la volonté et le plaisir. Yé’hida est l’essence de l’âme.

Les quatre premiers niveaux de l’âme ont un champ d’action défini et, par là même, limité. Ils peuvent en outre être sujets à des fluctuations : les actes, les émotions, la compréhension et les aspirations de l’homme sont en perpétuel changement. De ce fait, il est possible à l’homme de porter atteinte à ces dimensions de son âme. Lorsqu’un homme se comporte mal, il endommage le niveau de néfech de son âme. Lorsqu’il se laisse aller à de mauvais sentiments, il nuit à son roua’h, et ainsi de suite. En revanche, la yé’hida est l’essence profonde de la judéité, qui n’est pas définie ni limitée par quoi que ce soit et qui ne peut donc subir aucune fluctuation ni altération. Le texte liturgique des « Hochaanot » de Souccot dit à son sujet : « ye’hida leya’hadakh – l’unique, qui exprime Ton unité », elle reste en permanence « ‘havouka oudevouka bakh – Étreinte et attachée à Toi », liée et unie constamment à D.ieu.

Le niveau de yé’hida n’est pas perceptible (de manière consciente) dans la vie ordinaire. C’est lorsque le lien intrinsèque entre un Juif et D.ieu est mis à mal qu’elle se manifeste. Lorsque, par exemple, l’on veut obliger un Juif à se prosterner devant une idole, sa yé’hida se révèle, sa « judéité essentielle » s’éveille et le pousse au sacrifice de soi (« messirout néfech »).

Une étincelle de Machia’h

La yé’hida de chaque Juif est également appelée « l’étincelle de Machia’h » en chacun de nous ; le Machia’h, quant à lui, est « la yé’hida générale ». Ainsi, chaque Juif a la capacité de rapprocher la délivrance messianique, car en révélant sa propre yé’hida, il suscite sa propre délivrance et, en tant que partie du peuple juif, il active la délivrance générale.

C’est pour cela que la délivrance future sera véritable, totale et définitive : car elle sera l’œuvre du Machia’h, qui sera, comme nous l’avons dit, la « yé’hida générale ». Ce degré infini englobe l’ensemble du peuple juif et est, de ce fait, inaltérable. C’est également la raison pour laquelle les temps messianiques seront également une ère de vie éternelle, car, une fois révélée, la yé’hida ne connaîtra pas d’interruption. Telle est l’âme du « dernier libérateur », le Machia’h.5