Rabbi Chmouel de Loubavitch (le « Rabbi Maharach », 1834-1882) effectua une fois, en compagnie de quelques ‘hassidim, un voyage à Paris, dont il ne révéla le propos à personne. Il descendit à l’hôtel Alexandre, un des plus luxueux de la capitale. Il demanda, en français, s’il y avait une suite libre. On lui en proposa une à deux cents francs par jour. Il demanda alors s’il y avait une suite plus luxueuse et se trouvant à l’étage des salles de jeu de l’hôtel. On lui répondit qu’il y en avait une, mais qu’elle était beaucoup plus chère. Il la prit et la partagea avec deux de ses compagnons.

Le soir, il se rendit dans la salle de jeu et s’assit à côté d’un homme qui jouait aux cartes et portait de temps à autre à ses lèvres un verre de vin.

Le Rabbi s’approcha de lui, posa sa main sur son épaule et lui dit : « Jeune homme, sachez que le vin non casher que vous buvez dénature l’esprit et le cœur du Juif. » Puis il se leva et sortit. L’un des compagnons du Rabbi, qui avait été témoin du fait, rapporta que le Rabbi, en quittant la salle de jeu, fut en proie à une intense exaltation.

La petite histoire elle, relate qu’il défaillit alors et tomba inconscient sur une chaise. À cette époque qui ne connaissait pas encore les ascenseurs, les grands hôtels postaient à chaque étage des porteurs qui montaient ou descendaient les clients sur des chaises prévues à cet effet. C’est sur l’une de ces chaises que le Rabbi était tombé. Les porteurs s’empressèrent alors de lever la chaise et son occupant. Mais le Rabbi, revenu à lui, se leva en s’excusant et regagna sa chambre.

Quelques heures plus tard, le joueur de cartes se présenta dans sa suite et demanda à rencontrer l’homme qui lui avait adressé la parole. Il demeura avec le Rabbi un long moment. Le lendemain, le Rabbi prit le chemin du retour. Il confia par la suite que le jeune homme en question était une âme d’une noblesse telle qu’il ne s’en était pas trouvé depuis des générations, mais qu’elle s’était égarée dans les turpitudes. La seule fin de rédimer cette âme avait justifié son voyage à Paris.

Par la suite, l’homme revint à la tradition de ses pères et une famille parisienne très observante bien connue – dont la plupart des descendants actuels sont en Israël – est issue de lui.

Un rabbin issu de cette famille fut un martyr de la Résistance.