« Ne jugez pas votre prochain, enseigne le grand sage Hillel dans le deuxième chapitre des Maximes des Pères, jusqu’à ce que vous ayez atteint sa place. »
Une pensée qui vient à l’esprit lorsque l’on envisage cette déclaration est qu’une personne ne peut jamais vraiment être à la place de son prochain. Si tel est le cas, alors ce que dit Hillel en réalité, c’est : « Ne jugez pas votre prochain. Jamais. »
Mais il y a aussi l’histoire des célèbres frères ‘hassidiques, Rabbi Elimelekh et Rabbi Zusha. Les deux voyageaient de ville en ville et de village en village dans le but de rapprocher les cœurs de leurs frères juifs de leur Père Céleste. Habillés comme des voyageurs ou des mendiants ordinaires, ils frappaient à la porte d’une maison juive et demandaient l’hospitalité pour la nuit. Au beau milieu de la nuit, leur hôte était réveillé par le son de pleurs venant de la chambre des frères. Collant son oreille à la serrure, il les entendait s’avouer l’un à l’autre les fautes et les manquements de la journée : un peu de malhonnêteté par ci, un mot de malice par là.
– Oh, ‘Mélekh, mon cher frère ! gémissait Reb Zusha. J’ai à peine pu ouvrir un livre juif aujourd’hui... Qu’est-ce que la vie d’un Juif sans un mot de Torah ? Un désert aride !
– Oh Zusha ! disait son frère, déchargeant son cœur à son tour. Penses-tu que j’ai prié aujourd’hui ? C’est à peine si j’ai marmonné les mots ! Est-ce là la façon dont un Juif parle à son Père Céleste bien-aimé ?...
Le cœur brisé, l’hôte indiscret se rappelait alors ses propres petits manquements, ses médisances, la faiblesse de sa propre étude de la Torah et ses propres prières sans âme, et il prenait la résolution d’être un meilleur Juif le lendemain.
C’est peut-être ce que Hillel veut nous dire : vous ne pouvez pas juger votre prochain, mais vous pouvez juger la personne à la place de qui vous vous trouvez, à savoir vous-même. Ainsi, si vous voulez aider votre prochain à s’améliorer, critiquez-vous vous-même d’une manière qui le fera réfléchir lui aussi.
Ensuite, il y a l’histoire racontée au sujet de Rabbi DovBer de Loubavitch. Une fois, lorsqu’il recevait des personnes en ye’hidout (audience privé), Rabbi DovBer interrompit soudainement la ye’hidout, verrouilla sa porte et refusa de voir qui que soit pendant plusieurs heures. Les ‘hassidim devant sa porte entendirent leur Rabbi pleurer et prier. Suite à cet incident, le Rabbi fut si affaibli qu’il dut demeurer alité pendant plusieurs jours. Plus tard, l’un des vieux ‘hassidim osa demander au Rabbi ce qui s’était passé. Rabbi DovBer expliqua alors : « Lorsqu’une personne demande mon aide pour guérir ses maux spirituels, je dois d’abord trouver le même défaut – fut-ce sous la plus fine des formes – dans ma propre personne. Car il ne m’est possible de l’aider qu’après avoir été confronté au même problème puis avoir suivi le même processus de raffinement personnel. Mais, ce jour-là, quelqu’un est venu me voir avec un problème terrible et j’ai été horrifié d’entendre à quel degré il était tombé, à D.ieu ne plaise. Malgré mes efforts, je ne pouvais pas trouver en moi quelque chose qui ressemblait, même de très loin, à ce qu’il m’avait dit. Mais la divine Providence avait envoyé cet homme chez moi, et je savais donc que quelque part, d’une manière ou d’une autre, il devait y avoir quelque chose en moi qui pourrait se rapporter à sa situation. Cette pensée a secoué l’essence même de mon âme et m’a poussé à me repentir et à revenir à D.ieu du fond de mon cœur. »
En d’autres termes, vous ne pouvez pas non plus vous juger vous-même. Si vous avez un problème, alors vous êtes le problème : vous avez besoin de quelqu’un d’extérieur à votre problème pour vous aider à le résoudre. Mais si cette personne est à l’extérieur de votre problème, alors elle ne peut pas véritablement le connaître, et donc elle ne peut pas non plus le résoudre. Ce dont vous avez besoin, c’est d’un Rabbi : quelqu’un qui est infiniment au-delà de votre problème, mais qui sait que si vous avez ce problème, il l’a aussi.
Une autre histoire, celle-ci au sujet du petit-fils de Rabbi DovBer, Rabbi Chmouel, le quatrième Rabbi de Loubavitch :
Rabbi Chmouel recevait des visiteurs en ye’hidout. Au bout d’une heure à peine, le Rabbi était déjà exténué. Il annonça qu’il faisait une pause et demanda qu’on lui amène des vêtements frais.
Le serviteur du Rabbi émergea de la pièce en portant les vêtements que le Rabbi avait enlevés, tout trempés de sueur. « Maître de l’univers ! murmura l’homme. Pourquoi faut-il qu’il se fatigue ainsi ? Chaque heure qui passe, il a besoin d’un nouveau changement de vêtements. Pourquoi le Rabbi transpire-t-il tellement ? »
La porte du Rabbi s’ouvrit et Rabbi Chmouel se tenait sur le seuil. « Rentre chez toi, dit-il à son serviteur. Je continuerai à payer ton salaire, mais je ne veux plus de tes services. Tu n’as pas la moindre compréhension de mon travail.
« Ne comprends-tu pas ? Dans la dernière heure, vingt personnes sont venues me voir. Pour comprendre le dilemme de chacun, je dois me départir de ma propre personnalité et de mon propre vécu et me vêtir dans les leurs. Mais comme ce n’est pas eux-mêmes qu’ils sont venus consulter, mais moi, je dois me vêtir de nouveau dans ma propre personne afin de les conseiller.
« As-tu déjà essayé de changer de vêtements quarante fois par heure ? conclut le Rabbi. Si tu le faisais, toi aussi tu serais épuisé et trempé de sueur. »
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