Il a été souvent et abondamment dit que la construction la plus belle, à la fois la plus subtile, la plus nécessaire et la plus solide, réalisée par le peuple juif est son calendrier. Comment pourrait-il en être autrement ? S’il fallait le comparer à un instrument, sans doute est-ce le métier à tisser qui viendrait d’abord à l’esprit. Tant il est vrai que c’est du mode de production du tissu de la vie qu’il s’agit. Aussi, quand les jours passent, que le mois change, c’est un sens nouveau qui apparaît et qui modèle notre existence. « Vivre avec son temps » est alors plus qu’un impératif dicté par une certaine « sagesse populaire ». Cela devient une entreprise spirituelle précieuse, comme le départ attendu d’un voyage espéré. Cette semaine, c’est le mois de Nissan qui s’ouvre et nous entraîne.
Mois de Nissan, mois de libération : l’équation est connue. Elle paraît si naturelle : le mois de Nissan n’est-il pas celui de la sortie d’Égypte, du passage de l’obscurité à la lumière, de la servitude à la liberté ? Ces idées sont évidemment justes et il nous appartiendra de les revivre dans les semaines qui viennent. Cependant, il faut aujourd’hui se souvenir d’un point : le 1er Nissan, les Juifs, esclaves en Égypte, apprirent qu’ils devraient, dès le 10 du mois, préparer un agneau, qu’ils auraient à le garder chez eux pour le sacrifier le 14. Quand on se souvient que l’agneau était une des nombreuses idoles de l’Égypte antique, on ne peut que s’interroger sur cette attitude. Voilà un acte qui pouvait s’analyser comme une provocation pour les Égyptiens et, de ce fait, entraîner des conséquences graves. Pourtant, les Juifs, le moment venu, n’hésitèrent pas. Ils accomplirent ce que D.ieu demandait et la liberté fut finalement au rendez-vous.
Dans l’histoire d’un peuple, il existe des instants d’éternité. Il existe des moments qui modèlent ce qu’il sera dans la suite des siècles. Le choix de Nissan est de ceux-là. Malgré la dureté du temps, la cruauté de leurs maîtres, les Juifs ne renoncèrent pas. Ils surent entendre l’appel venu du Ciel. Ils n’oublièrent pas ce qu’ils étaient, assumèrent leur destin et, sans ostentation aucune, furent simplement fidèles à eux-mêmes. Pour cela, ils marchèrent vers la « Terre bonne et large », le but ultime, matériellement comme spirituellement. Le temps de l’Égypte est aujourd’hui bien lointain et le monde a bien changé depuis lors. La fidélité, le refus du renoncement et de l’oubli de soi sont toujours présents en chaque Juif. La liberté est toujours en marche.
Commencez une discussion