Haazinou – Le cantique du Témoignage

La dixième section du Deutéronome est composée dans sa quasi-totalité du cantique du Témoignage, que D.ieu enseigna à Moïse puis lui demanda d’apprendre au peuple juif. D.ieu y ordonne au peuple juif d’écouter (haazinou, en hébreu). Ses paroles alors qu’Il leur enjoint de tirer les leçons de l’histoire. Il les prévient des conséquences qu’entraîne la transgression des termes de l’alliance, et leur rappelle enfin que le but de toutes les vicissitudes de l’histoire est de les conduire à leur objectif final, la Délivrance ultime.

 Ces propos résonnent sans doute de façon familière, dans la mesure où seulement trois paracha plus tôt, dans Tavo, ont été clairement énoncées les conséquences du respect ou de la violation des termes de notre alliance avec D.ieu. Puisqu’il en est ainsi, qu’ajoute le cantique Haazinou qui n’aurait déjà pas été abordé par les admonestations de la paracha de Tavo ?

 On peut trouver certes une réponse dans le fait que les exhortations de la paracha de Haazinou y sont exprimées comme un cantique, forme littéraire que la Torah réserve généralement aux louanges joyeuses de reconnaissance à D.ieu.1

 De fait, chaque Chabbat dans le Temple, alors que les prêtres offraient le sacrifice hebdomadaire supplémentaire (moussaf), les Lévites chantaient une section de Haazinou, achevant le cantique entier sur une période de six semaines.2 Étant donné que le Chabbat tout sentiment de tristesse est expressément interdit,3 le choix particulier du cantique Haazinou pour sa récitation pendant l’offrande du sacrifice spécial du jour semble tout au moins surprenant.

 Il est vrai que les passages d’ouverture et de clôture du cantique sont pour la plupart « positifs », décrivant la providence bienveillante de D.ieu et Sa promesse d’un avenir radieux. Mais il reste que les passages intermédiaires sont largement « négatifs » ; pour quelle raison alors étaient-ils récités lors du Chabbat qui leur avait été attribué, détachés de l’optimisme des passages d’ouverture et de clôture du cantique ?

 La raison est que la lecture du cantique sur une période de six semaines, le divisant ainsi en six sections, a précisément pour but de souligner le fait que même la dimension de sanction contenue dans ce cantique doit être comprise comme une partie de l’ensemble, une ode de louange à D.ieu.4

 Ainsi, ce cantique ne se propose pas uniquement d’examiner les termes contractuels de notre alliance avec D.ieu, mais en outre, comme le dit Moïse juste après le cantique : « Prenez à cœur toutes les paroles par lesquelles je vous préviens aujourd’hui. »5 Ce cantique et son message – à savoir, que D.ieu prend au sérieux notre engagement envers Lui, et que notre comportement peut infléchir le cours de l’histoire – sont destinés à insuffler à notre vie et à notre relation avec D.ieu l’enthousiasme, la détermination, voire la joie.

 Cela devient encore plus évident lorsque l’on constate que la fin du cantique apporte la promesse divine de la Délivrance messianique. De ce point de vue, notre histoire mouvementée peut être considérée dans son ensemble comme le parcours vers notre ultime et radieux destin. Le fait que cet examen des échecs passés et l’avertissement prophétique pour l’avenir se terminent sur cette note positive et pleine d’espoir transforme le texte entier, le chant funèbre devenant un hymne de fête et de joie.

 Aussi, de même que les différentes étapes de la création furent autant de stades dans le processus visant à mener le monde à son achèvement, et la condition préalable pour que le monde parvienne à son but de devenir la demeure ultime de D.ieu, ainsi les périodes diverses de l’histoire juive, y compris celles qui furent ternies, constituent autant d’échelons dans le processus menant à la Délivrance ultime.

 Il en est de même pour notre histoire personnelle : de Haazinou nous apprenons à considérer toutes les phases de notre vie, même celles marquées par des échecs embarrassants ou des souffrances, comme des étapes nécessaires de notre croissance personnelle, conduisant à notre maturation finale en tant qu’êtres humains pleinement dévoués à notre mission Divine et équipés pour l’accomplir.

 Ainsi, cette dernière section – la section finale – du passage en revue que fait Moïse de l’alliance nous rappelle de garder la signification de celle-ci au premier plan de notre conscience. De la sorte, toute notre vie – passée, présente et future – prend un véritable sens, une réelle vitalité et une vraie orientation. Nos triomphes et nos souffrances, nos identités personnelle et nationale, tout se combine pour composer le cantique de notre destin, le tout se dirigeant vers le dessein ultime : faire du monde la demeure de D.ieu.6