13:1 L’Éternel parla. Le 29 Sivan 2449,1 le lendemain de leur arrivée à Ritma, Moïse s’adressa au peuple pour lui demander de se préparer à entrer en terre d’Israël et en prendre possession.2 Or le peuple (à l’exception de la tribu de Lévi),3 pris de panique, réclama à Moïse d’envoyer d’abord des explorateurs dans le pays.4 Moïse savait qu’il n’était pas nécessaire d’explorer la terre, car D.ieu les y mènerait et combattrait à leur place,5 mais il accepta tout de même. Il pensait qu’en voyant qu’il ne craignait pas d’envoyer des explorateurs, le peuple retirerait sa demande.6 Le peuple n’agit pas ainsi. De toute façon, Moïse était d’avis que, s’il envoyait des hommes qui rapporteraient combien la terre était bonne,7 le peuple serait enthousiasmé de la posséder.8 Ainsi donc, il consulta D.ieu, qui lui dit d’envoyer des explorateurs.

2 Envoie pour toi des hommes. D’un point de vue plus profond, Moïse savait qu’en dépit des promesses d’assistance surnaturelle de D.ieu, il convenait d’aborder l’entrée dans la Terre Promise d’une manière naturelle, car on n’est jamais certain que des miracles surviendront, ou quelle en sera la portée.9 Ce n’est qu’en nous préparant dans la limite de nos possibilités naturelles que nous obtenons l’aide miraculeuse de D.ieu.

En outre, Moïse savait que D.ieu souhaite que nous comprenions aussi clairement que possible les buts de notre mission divine et les méthodes par lesquelles Il veut que nous l’accomplissions, car cela nous aide à ce faire avec davantage d’enthousiasme. Il pensa qu’il convenait d’envoyer des explorateurs pour rapporter au peuple quelle était la qualité de la terre et, en même temps, définir quelle serait la meilleure façon de la conquérir. Le peuple deviendrait ainsi plus enthousiaste à l’idée d’entrer dans le pays, et plus confiant dans ses chances de le conquérir.

Dans ce contexte, l’erreur des explorateurs consista à outrepasser leur mission et en tirer des conclusions. Ils auraient dû se rappeler que Moïse leur avait seulement demandé de déterminer comment la terre pouvait être conquise, et non si elle pouvait l’être.

De l’erreur des éclaireurs nous tirons cette leçon : si, dans l’accomplissement de notre mission divine, nous nous servons de notre intellect, nous devons nous souvenir que c’est parce que D.ieu le désire que nous le mettons en œuvre ; nous ne le faisons qu’en Son nom. Ainsi nous serons assurés d’employer notre entendement au seul but d’arriver à la vérité objective, et non pas pour nous munir de preuves à l’appui d’un quelconque programme subjectif, que ce soit consciemment ou non.10

30 Il fit taire le peuple. Caleb dit : « Est-ce tout ce que Moïse a fait pour nous ? » S’attendant à un détail des échecs de Moïse, le peuple fit silence. Mais à la place, il dit : « Les explorateurs ont affirmé qu’il est impossible de vaincre les habitants de la terre par des moyens naturels. Mais D.ieu ne mena-t-Il pas bataille pour nous lorsque Moïse fendit la mer ? Ils ont dit que, même si D.ieu se bat pour nous à l’intérieur du pays, rien ne nous assure qu’Il nous aidera à vaincre les nations hostiles qui nous en entravent l’accès. Mais, par le mérite de Moïse, D.ieu ne nous a-t-Il pas fourni miraculeusement de la manne pendant notre traversée du désert, même si cette traversée n’était qu’une préparation à notre entrée dans le pays ? Les espions ont dit que nous avons perdu la protection de D.ieu pour l’avoir remise en cause. Mais dans le cas des cailles,11 n’avons-nous pas douté de la protection de D.ieu et là encore Il nous l’a fournie ? »12

Il fit taire le peuple. Moïse avait ordonné aux espions d’examiner les caractéristiques du peuple – relevant les données nécessaires à bien mener la guerre –, et seulement après établir l’étendue de la récompense, c’est-à-dire le degré de fertilité de la terre. Mais leur réponse porta d’abord sur les richesses qui les attendaient.

Sitôt que Caleb réalisa que les explorateurs mettaient l’accent sur la récompense, il les fit taire. Il avait compris que, lorsque nous servons D.ieu simplement en raison des gains potentiels, nous sommes prêts à dépenser uniquement des efforts proportionnels à la valeur présumée de la récompense. La préoccupation centrale des explorateurs ne pouvait qu’aboutir à son dénouement prévu : leur déclaration selon laquelle il ne valait pas la peine dans ces circonstances de tenter d’entrer en terre d’Israël.13

S’écriant. Lorsque Josué et Caleb prirent la parole ensemble, le peuple entier menaça de les lapider ; or lorsque ce fut Caleb seul qui parla, tout le peuple se tut, y compris les explorateurs. Cela obéit aux modes différents dont Josué et Caleb tinrent tête à l’influence de leurs collègues. Josué reçut l’inspiration de part de Moïse, qui avait prié pour lui. Caleb, de son côté, chercha lui-même de l’inspiration : il se rendit sur la tombe des patriarches pour y prier. La force d’esprit de Caleb fut le résultat de ses efforts ; aussi, sa foi eut davantage d’impact.14

33 Cham’hazaï et Azaël. Les explorateurs firent mention de ces anges parce qu’ils avaient été impliqués dans les origines de l’idolâtrie, prouvant ainsi que leur race était certainement capable de se rebeller contre D.ieu. En outre, dans la mesure où leur descendant, Og, avait survécu au Déluge,15 il en découlait que D.ieu avait rendu au moins certains membres de cette race insensibles au châtiment divin.16

14:9 Car ils sont notre pain. En qualifiant les habitants de la terre de « pain », Josué et Caleb sous-entendaient deux choses :

(a) le pain est la nourriture humaine par excellence, produit pour la seule consommation humaine. De même – firent Josué et Caleb –, il n’y a aucune raison de craindre les habitants du pays, car la terre d’Israël fut expressément façonnée pour nous, pour que le peuple juif s’y installe.

(b) la fabrication d’un pain exige déjà beaucoup de travail : du labourage du sol à l’ensemencement, sans oublier la mouture du blé en farine et sa cuisson. Pourtant, lorsque la tâche est accomplie, le produit final est un type d’aliment qui à la fois fait plaisir à manger et rassasie pendant longtemps. Pour ces raisons, il existe une bénédiction spéciale qui est seulement récitée sur le pain. Il en va de même pour le travail que requiert la conquête de la terre d’Israël sur le plan matériel comme spirituel. « Certes, on se heurtera à des difficultés – convinrent Josué et Caleb –, mais vous finirez par remercier D.ieu même pour les difficultés, car c’est par leur moyen que vous aurez réussi à vous installer dans le pays d’Israël. »17

12 Je dois les anéantir. D.ieu n’inflige aucune punition pour exercer vengeance, mais seulement pour permettre à l’individu d’atteindre le degré suivant de son développement spirituel. En refusant de relever son défi, la personne démontre son refus d’atteindre ce degré supérieur de lui-même. Si la punition est la mort, cela signifie tout d’abord que l’homme en question a manifesté son refus d’accomplir sa mission sur terre. Aussi, l’enlever de cette vie est à son profit, car il n’est possible d’atteindre le bonheur dans ce monde qu’en accomplissant son but divin. Ainsi donc, s’il restait en vie, ce ne serait pour lui qu’une torture permanente. Deuxièmement, cela signifie que sa mort fera rachat pour lui et qu’il parviendra ainsi à vivre en paix dans le monde futur. Ainsi, lorsque D.ieu anéantit les enfants d’Israël – ce qu’Il annonça premièrement comme une menace et accomplit finalement le long de quarante ans –, ce ne fut pas un massacre impitoyable, mais le seul moyen de les emmener là où ils devaient se rendre. C’est pourquoi Moïse n’argumenta pas, comme il l’avait fait après la faute du veau d’Or, que D.ieu devait épargner les enfants d’Israël pour eux-mêmes. Pour leur bien, ils devaient être tués, car ils avaient prouvé leur manque de volonté à accomplir la mission qui leur avait été confiée. Ainsi donc, le seul argument auquel Moïse avait recours était d’évoquer la réaction éventuelle des Égyptiens. Il dit à D.ieu : « Tu veux mettre fin à la vie des enfants d’Israël à cause de leur manque de foi ; or si Tu les tues dans le désert, Tu ne réussiras qu’à amoindrir la foi de l’humanité en Ton pouvoir. »18

22 À dix reprises. Malgré son niveau spirituel élevé, la génération de la sortie d’Égypte ne prit pas à cœur d’apprendre des miracles divins dont elle avait été témoin. Aussi, ses membres restèrent assujettis à leur « mentalité d’esclave », le postulat selon lequel la réalité est soumise aux lois de la nature, et que D.ieu ne veut pas ou ne peut pas les dépasser quand Il le veut. Les explorateurs et leurs partisans perdirent ainsi le privilège d’entrer en Terre Promise, car pour rester fidèles à notre mission divine tout en menant notre vie matérielle, nous devons croire que ceci est possible.

Nous aussi devons veiller à reconnaître les implications des miracles divins dont nous avons été témoins tout au long de l’histoire juive comme dans notre vie personnelle. Ce n’est qu’alors que nous serons capables d’accomplir notre mission divine de transformer le monde en demeure pour Lui. Par ce mérite, nous vivrons notre retour miraculeux en Terre Promise, guidés par le Machia’h lors de la Délivrance finale.19

33 Vos enfants erreront dans le désert. Si l’intention de D.ieu était seulement de punir les Juifs pour leur refus d’entrer en terre d’Israël, il n’y avait aucune raison de les faire errer dans l’aridité du désert. Il aurait suffi de les forcer à vivre pendant quarante ans dans une quelconque contrée peuplée pourvu qu’elle se trouve en dehors de la Terre Sainte.

En réalité, leur errance servit un but supplémentaire. Lieu inhospitalier et fourmillant de créatures nuisibles et dangereuses, le désert symbolise le domaine de la réalité qui se trouve en dehors de celui de la sainteté. Partout où les Juifs se déplaçaient avec le Tabernacle, le désert devenait un lieu habitable, voire accueillant. Leur errance les prépara ainsi à leur entrée en Terre Sainte, leur apprenant à transformer les ténèbres en lumière et à spiritualiser la matière.20

En outre, en exprimant leur préférence pour la vie spirituelle du désert, les Juifs avaient fait la preuve qu’ils n’étaient pas encore prêts à s’engager dans le monde matériel. Ils avaient montré qu’il leur fallait encore de la nourriture et des soins spirituels avant d’être à même de descendre sans risques dans le monde « réel ».21

40 Nous nous sommes repentis. Pourquoi le peuple abandonna-t-il soudain son scepticisme ? En fin de compte, Moïse ne leur avait montré aucun nouveau miracle, pas plus que D.ieu n’était apparu et n’avait manifesté Sa puissance.

Nos sages soulignent que, par essence, tout Juif croit en D.ieu.22 Ainsi, tout en exprimant son scepticisme, le peuple croyait toujours en Lui ; ce fut seulement que sa foi avait été temporairement éclipsée par ses émotions. Aussi, dès que D.ieu le réprimanda et lui fit connaître les conséquences graves de ses actes, sa foi innée s’éveilla en lui.

Il en va de même pour une grande partie des doutes qui nous rongent parfois. Nos interrogations découlent souvent d’une vision de la vie par trop matérialiste. Au plus profond de notre cœur, nous croyons en D.ieu. Dans de tels cas, la manière de surmonter nos doutes n’est pas de tenter d’y répondre directement, mais tout simplement de réveiller la foi pure qui sommeille en nous.23

15:2 Lorsque vous arriverez dans le pays. Le concept de libations est l’antithèse – et dès lors, une rectification – de l’erreur des explorateurs.

La différence fondamentale entre les sacrifices et les libations est que, tandis que les sacrifices d’animaux s’élevaient en fumée, les libations coulaient vers le bas.24 Autrement dit, les sacrifices transformaient le profane en sainteté, tandis que les libations infusaient de la sainteté dans le profane.

Ainsi, en ordonnant les libations aux enfants d’Israël, D.ieu leur signifiait que la période de leur « incubation » spirituelle dans le désert arriverait à son terme. L’entrée de leurs enfants en terre d’Israël signifierait la descente du peuple juif dans le monde matériel pour accomplir le but de la Création : en faire la demeure de D.ieu.

De même, chaque fois que nous nous sentons insuffisamment préparés ou réticents à relever les défis de la vie, nous devons nous rappeler que celle-ci doit trouver un équilibre entre la nécessité de s’élever au-dessus du monde et le dévouement d’y descendre pour le raffiner et l’élever.25

20 Le premier morceau de votre pâte. Le mot arissa (« pâte ») présent dans ce verset peut également signifier « berceau » ou « lit ». Dans ce contexte, le verset signifie que nos premières pensées, paroles et actions à notre réveil le matin doivent « s’élever comme une offrande de ‘halla », autrement dit doivent être dirigées vers D.ieu et consacrées à Lui.26

À un prêtre. On pourrait penser que la voie pour atteindre la paix est l’égalité, alors que ce commandement souligne les différences entre nous.

Bien entendu, tous les Juifs ont en soi la même valeur, et méritent tous pareillement notre amour et notre aide. Cependant, lorsqu’il s’agit de savoir qui peut être une autorité religieuse – qu’il s’agisse d’un prêtre ou d’un rabbin –, nous devons comprendre que c’est D.ieu Qui détermine qui peut porter ce titre et qui ne le peut pas. De la même manière que seuls les descendants d’Aharon peuvent devenir prêtres, les rabbins et les enseignants ne peuvent être que des hommes vraiment pieux, ayant véritablement atteint les niveaux de connaissance requis, observant toutes les prescriptions de la Torah, et ayant absorbé les traditions transmises par les générations.

De la même manière que nous exigeons des compétences rigoureuses de ceux qui sont chargés de guider et de faciliter notre vie religieuse telle qu’elle se manifeste à l’extérieur, nous devons exiger des compétences tout aussi rigoureuses aux voix intérieures qui prétendent nous dire comment agir. Nous devons constamment mettre en question nos voix intérieures afin d’être sûrs que seules nous guident des motivations pures et positives.27

22 La faute d’idolâtrie. D’après nos sages, le commandement de la ‘halla est juxtaposé à l’examen de l’idolâtrie parce que l’on considère quiconque accomplit le commandement de la ‘halla comme ayant contribué à annuler l’adoration des idoles, tandis que celui qui le méconnaît est considéré comme la perpétuant.28

En effet, le pain est l’aliment de base, le plus élémentaire de la subsistance humaine. La réalité de notre monde matériel est que nous devons travailler d’arrache-pied pour satisfaire nos besoins. Aussi, il n’est pas difficile d’être en proie au sentiment que notre succès matériel dépend des lois brutales de la nature : plus et mieux nous travaillons, plus nous gagnons. C’est là une idée qui frôle l’idolâtrie.

Afin d’éviter cette erreur, nous sommes tenus de mettre de côté une partie de notre toute première pâte à pain en tant que portion pour D.ieu. Cela réaffirme notre foi que c’est vraiment Lui qui nous a accordé tout ce que nous possédons, et que Lui seul est la vraie source de notre subsistance. Lorsque nous faisons don de la miche de ‘halla, cela ne signifie pas que nous sommes en train d’offrir quelque chose nous appartenant ; nous rendons tout simplement à D.ieu une partie de ce qui est à Lui. Cet acte simple détruit le fondement même du culte des idoles, et prévient les erreurs qui pourraient nous y mener dans ses formes plus subtiles.29

39 Vous vous rappellerez tous les commandements. Nous avons sans doute besoin des franges pour nous rappeler les 613 commandements ; mais pourquoi alors avons-nous besoin du talit, le vêtement auquel les franges sont nouées ? Ne pourrait-on pas porter seulement les franges elles-mêmes ?

La réponse se trouve dans la signification allégorique des vêtements. La différence entre le vêtement et la nourriture – nos deux besoins de base – est que, en la mangeant, la nourriture devient une partie de nous, tandis que le vêtement reste en dehors de nous. Aussi, la nourriture fait allusion aux aspects de la Torah que nous pouvons comprendre et « digérer », tandis que les vêtements représentent ce qui reste hors de notre portée.

L’enseignement d’attacher les franges à un vêtement indique qu’il ne suffit pas de se souvenir des commandements. Le port d’une telle pièce de vêtement aide à nous rappeler que la Torah et ses commandements trouvent leur origine dans la sagesse de D.ieu, qui transcende les limites de la raison humaine.30