22 Les fils de Guerchon. Lorsqu’on aménage la maison en vue d’accueillir un invité digne d’estime, on suit deux étapes. Tout d’abord on nettoie les pièces à fond, puis on les aménage en y plaçant de beaux meubles et des œuvres d’art. La même idée s’applique à la façon dont nous faisons de notre vie et de nous-mêmes une demeure pour D.ieu. Nous commençons par débarrasser notre vie de ce qui est négatif et indésirable, puis nous faisons ce qui est bon et juste.

Les noms et les missions respectifs des familles de Guerchon et de Kehat reflètent ces deux étapes.1 Le nom Guerchon dérive du verbe legarech (« chasser »), signifiant la nécessité de chasser le mal. Les membres de cette famille transportaient les couvertures extérieures du Tabernacle, qui le protégeaient des éléments indésirables.

Quant au nom Kehat, il signifie « rassemblement » ou « collection » (yika).2 La famille de Kehat transportait l’équipement du Tabernacle, dont chacun des éléments représentait une activité et un attribut positif particuliers.

Tout comme Guerchon précéda Kehat dans l’ordre de leur naissance, nous devons d’abord nous débarrasser de nos manières d’agir négatives afin de pouvoir rechercher le bien comme il convient. Néanmoins, Kehat fut dénombré avant Guerchon, car chasser le négatif n’est qu’une préparation au véritable travail, qui est de poursuivre le bien.3

29 Les fils de Merari. Ils portaient le « squelette » du Tabernacle – les planches qui formaient ses murs, avec leurs socles et leurs barres de liaison. De tous les composants du Tabernacle, les murs étaient les moins « actifs », mais ils en constituaient la charpente, le cadre au sein duquel se déroulaient toutes les activités plus « glorieuses ».

Dans notre vie, le cadre et le fondement de notre relation avec D.ieu est notre dévouement désintéressé à Sa volonté. Ceci a beau être l’aspect le moins spectaculaire de notre relation avec Lui, il constitue le fondement sur lequel reposent tous les autres aspects, plus attrayants ou enthousiasmants.4

12 Si la femme d’un homme s’écarte. Le rituel de la femme soupçonnée d’adultère (sota) témoigne que D.ieu attend une fidélité absolue de tous les mariages juifs, même lorsque les époux sont d’un naturel loin d’être exemplaire. Comme nous venons de voir, il est bien probable que le mari qui soumet sa femme à ce rite soit un avare, et, comme nous verrons par la suite, le rite n’est administré qu’à une femme à ce point effrontée qu’elle néglige continuellement les avertissements de son mari et persiste à s’isoler avec d’autres hommes. Mais même dans ces cas, la Torah se soucie tellement du caractère sacré du mariage qu’elle fait exception à sa défense quasi absolue5 d’exposer une personne à la honte publique. Il ne fait aucun doute qu’un bon couple ne donnerait jamais lieu à un tel rite, et les sages conseillent aux maris de considérer leurs épouses comme innocentes de tout acte répréhensible à moins qu’ils aient des raisons évidentes de soupçonner le contraire.6 Même si le mari est convaincu qu’il y a lieu de s’inquiéter, il doit d’abord faire des remontrances à sa femme en privé afin qu’elle améliore sa conduite.7 S’il n’y parvient pas, il peut procéder au rituel dans le seul cas où ses motivations sont pures – il ne saurait invoquer ce rite comme une plaisanterie, pour l’effrayer ou en signe de colère.8 En outre, le rite ne fonctionne que si le mari lui-même n’est pas coupable d’adultère,9 et que la société dans son ensemble tient en horreur l’infidélité. Ainsi, à l’époque de la Michna, alors que le niveau moral de la société juive amorçait son déclin, le rite cessa d’être pratiqué.10

Elle s’écarte. Le lien inné qui nous unit à D.ieu nous empêche de négliger Sa volonté. La seule façon de commettre une iniquité est de nous leurrer en pensant que cela ne compromet pas notre lien avec Lui.

Si les personnes adultères n’étaient pas mariées, leur comportement ne serait pas jugé avec autant de rigueur ; c’est le fait d’avoir trahi une alliance qui les rend passibles de châtiment. Il en va de même du peuple juif, qui est « marié » à D.ieu. Un acte fautif ne se résume pas à une transgression technique ; c’est un affront personnel à l’égard de D.ieu, notre Époux bien-aimé.

Raviver en nous la mémoire de notre relation « conjugale » avec D.ieu peut nous aider à éviter de mal nous comporter.11

15–17 L’homme amènera sa femme. Suivant la métaphore de la femme qu’on présume adultère comme quelqu’un qui s’est éloigné de D.ieu, ces versets peuvent s’expliquer comme suit :

Au prêtre : Lorsqu’elle commet une transgression, la personne doit apporter au prêtre son âme animale. Le « prêtre » ne doit pas forcément être un cohen, mais quelqu’un ayant consacré sa vie à D.ieu et à Sa Torah.12 Et tout comme on nous enseigne que nous devons demander à un sage d’intercéder en faveur d’une personne malade,13 on nous enseigne également que nous devons nous en remettre à un homme de D.ieu pour chercher la guérison de celui qui est malade spirituellement.14

Eau sainte : Pour réhabiliter les malades spirituels, le prêtre fait usage de « l’eau sainte ». L’eau est une métaphore fréquente de la Torah ;15 l’eau sainte en évoque la dimension profonde. La nature de l’eau est de toujours s’écouler du haut vers le bas,16 tandis que saint signifie « séparé » et « éloigné », quelque chose qui ne descend ni ne se mêle à aucune autre chose. Selon la dimension profonde de la Torah, ces deux traits opposés coexistent. D’une part, les sublimes secrets de la Torah ne sauraient être saisis par l’esprit humain. D’autre part, la dimension profonde de la Torah peut atteindre, inspirer, affecter et émouvoir les gens dans une plus large mesure que son aspect exotérique.17 Par conséquent, on encourage une personne à étudier la Torah même pour des raisons égoïstes, car nous sommes certains que la dimension profonde de la Torah l’incitera en fin de compte à apprendre pour des raisons appropriées.18

23 Le prêtre écrira ces malédictions. Ces malédictions contenaient le saint Nom de D.ieu, et d’ordinaire il est absolument interdit de l’effacer.19 D.ieu permettait pourtant cette profanation de Son Nom afin d’aboutir à la paix entre les époux.20

La personne à qui l’on porte ici secours est notamment la femme, qui est débarrassée de tout soupçon pesant sur elle. Le fait qu’un mari intègre puisse entretenir des soupçons aussi vils à son égard implique qu’elle avait déjà fait preuve d’une certaine défaillance morale ; c’est pourquoi elle est traitée si durement – du moins jusqu’à ce que son innocence ou sa culpabilité soit prouvée. Aussi, la femme dans cet épisode ne constitue certainement pas un modèle de comportement moral, quand bien même elle serait innocente d’adultère. Et pourtant, même pour une personne dotée d’un tel caractère D.ieu est prêt à laisser effacer Son Nom afin de réhabiliter le sien.

Dans le même sens, nous devons être prêts à agir dans l’oubli de soi en faveur d’autrui, non seulement lorsqu’il nous est facile d’agir ainsi ou que la personne en question mérite vraiment notre sacrifice. Même lorsqu’il s’agit de quelqu’un d’une moralité douteuse et que l’effort à accomplir implique des difficultés matérielles ou spirituelles, nous devons être prêts à suivre l’exemple de D.ieu.21

28 Mieux qu’avant. Dans un sens allégorique, le peuple juif est la femme soupçonnée, et D.ieu est le Mari peut-être trahi. Dans le cas de la femme soupçonnée d’adultère, à condition qu’elle n’ait pas commis effectivement cette transgression – bien qu’elle ait agi de manière impropre, devenant par là temporairement interdite à son mari –, elle pourra regagner son plein statut de femme mariée. De même, lorsque nous commettons une transgression contre D.ieu, il ne faut pas penser que nous sommes perdus et ne pourrons plus revenir à Lui. Nous devons plutôt nous rappeler que, même si nous avons fauté, l’âme Divine qui vit en nous lui est restée fidèle. Notre écart temporaire n’a été qu’un acte déclenché par notre âme animale ; et le repentir approprié, celui qui rend à l’âme Divine son emprise sur l’âme animale, permet de rétablir notre relation avec Lui.

En outre, notre relation avec D.ieu elle-même s’améliorera. Nous serons désormais en mesure d’« engendrer des enfants » : si, avant d’avoir fauté, nos efforts spirituels ne semblaient pas donner des fruits en permanence – autrement dit nous n’étions pas capables de nourrir notre amour et notre crainte de D.ieu –,22 ils y parviendront désormais. Renouvelé et approfondi, notre engagement envers D.ieu nous permettra de préserver la conscience divine et de ressentir Sa présence avec plus d’intensité et de permanence.23

2 Un vœu de Nazir. L’ère messianique entraînera la disparition de la faute, et, avec elle, la crainte du mal que le vin peut causer.24 Néanmoins, l’institution du naziréat gardera sa pertinence.

Devenir Nazir implique, en plus de l’abstinence et de l’ascétisme, de s’efforcer à une certaine transcendance par rapport au monde ordinaire pour atteindre un niveau supérieur de sainteté. Cette transcendance caractérise également l’ère messianique, dans laquelle, selon les termes de Maïmonide, « la seule ambition de toute l’humanité sera de percevoir D.ieu… et la terre se remplira de la connaissance de D.ieu tout comme les eaux recouvrent le fond de l’océan. »25 En ce sens, nous serons alors tous des Nazirs.26

23 Voici comment vous bénirez les enfants d’Israël. Nos sages nous enseignent que le sort de chacun pour l’année à venir se décide à Roch HaChana de l’année en cours.27 S’il en est ainsi, à quoi bon prier chaque jour ? Et quelle aide les bénédictions des prêtres fournissent-elles si notre sort a déjà été scellé ?

La réponse est que, bien que notre allocation annuelle de bienfaisance divine ait été déterminée à Roch HaChana, cette bienfaisance doit descendre à travers les nombreux degrés de la réalité spirituelle avant de parvenir à atteindre le stade matériel. À chaque « étape » de son parcours vers le « bas », nous sommes jugés à nouveau afin de déterminer si nous méritons que cette bienfaisance « passe » au niveau suivant.

En revanche, la bénédiction sacerdotale fait descendre rapidement la mesure de bonté divine attribuée à chaque Juif à travers les multiples degrés de la réalité, contournant les obstacles des jugements.28

24 Par des richesses, et veille sur toi. De manière allégorique, cela signifie : Que D.ieu bénisse et accorde le succès aux efforts que nous déployons pour nous raffiner et Le servir de tout notre cœur. Et qu’Il protège nos réussites afin que les forces du mal ne détournent pas l’enthousiasme spirituel qu’éveille en nous la prière et le muent en arrogance béate ou en élan de désir charnel. Lorsque tel est le cas, notre extase est « confisquée » par ces forces, qui se l’approprient à leurs propres fins. Elle doit être, par contre, canalisée dans le sens correct et se déverser vers des buts purs et sains.29

3 Un chariot. Les chefs décidèrent d’être les premiers à apporter des offrandes au Tabernacle pour être en mesure notamment de faire des dons abondants et sans limites. En outre, tout ce qui était impliqué dans le service du Temple était accompli de façon riche voire somptueuse, sans nul souci des coûts. Pourquoi alors les chefs lésinèrent-ils à propos des chariots et des bœufs, s’en partageant les coûts et n’offrant que le nombre minimal de chariots nécessaires au transport de la charge ? Certainement, les Lévites auraient pu se servir de davantage de chariots pour transporter le Tabernacle. Concrètement, puisqu’il n’y avait que six chariots, les Lévites étaient contraints d’empiler les poutres du Tabernacle les unes sur les autres et de rester en permanence auprès des chariots durant le transport pour rattraper celles qui tombaient !30

Les chefs agirent ainsi parce qu’il était clair pour eux que tout ce qui existe dans le monde a son but. Dans son opulence manifeste, le Temple n’avait rien de superflu. Puisque le Tabernacle pouvait être porté à l’aide de six chariots, un septième n’était pas nécessaire, et ne devait donc pas être offert. En fait, tout chariot de plus aurait été contre-productif : il fallait que les Lévites se soucient du transport sans répit ; le Tabernacle devait être transporté par eux à l’aide des chariots et des bœufs – et non par les chariots et les bœufs eux-mêmes. Ainsi, c’est le minimum de chariots qui devait être utilisé, de sorte que les Lévites soient constamment affairés au transport.

La chose est vraie non seulement à l’égard du Tabernacle, mais également du monde entier et du Tabernacle personnel que nous faisons de notre vie. Tout ce que D.ieu a créé le fut dans un dessein spécifique. Ce qui se gaspille un tant soit peu n’atteint pas ce dessein. Celui qui n’exploite pas tout son potentiel, ou néglige d’appliquer en entier ses facultés, frustre en réalité le dessein de la Création et retarde la construction de son « Tabernacle » personnel.

Lorsque nous employons tout ce qui se trouve à notre portée et vivons à la hauteur de tout notre potentiel, nous bâtissons le Tabernacle que D.ieu réclame de nous, nous menons à son terme le dessein divin, et œuvrons également comme des canaux efficaces afin de répandre la lumière Divine dans le monde entier.31

12 Celui qui apporta. Pour quelle raison la Torah ne dresse-telle pas le détail de l’offrande d’un seul des chefs de tribu en ajoutant ensuite que cette même offrande fut offerte par chacun des douze chefs ?

La réponse est que chacun d’eux inaugura l’autel comme un mode distinct d’élever le monde, vers lequel il attira une énergie spirituelle distincte, en phase avec la nature spirituelle de sa tribu.32

Mais s’il en est ainsi – si chacun des chefs cherchait à accomplir quelque chose de différent des autres –, pour quelle raison apportèrent-ils tous exactement la même offrande ?

C’est justement là l’idée. Leurs offrandes représentaient deux aspects opposés tout autant que complémentaires de notre relation avec D.ieu : tout d’abord, elles exprimaient la relation entre D.ieu et le peuple comme un tout, le dénominateur commun partagé par chaque Juif. Mais en même temps, chaque chef gardait derrière son offrande ses intentions individuelles, se distinguant ainsi des autres.

De manière analogue, dans nos prières nous récitons les mêmes paroles et exécutons peu ou prou les mêmes commandements. Pourtant, dans le même temps, nous ne sommes pas seulement autorisés à exprimer nos propres sentiments et intentions dans nos prières et dans notre pratique des commandements, mais nous sommes tenus de le faire. C’est ainsi que nous gardons notre identité individuelle tout en faisant partie de la plus grande unité.33

En outre, nous sommes tenus également de doter de nouveaux sens les actions et les paroles que nous répétons quotidiennement. Chaque jour, nos prières et nos actes doivent refléter les réussites spirituelles uniques que nous avons atteintes depuis la dernière fois où nous les avons récitées ou les avons accomplis.34

Celui qui apporta. Par la construction du Tabernacle, le peuple juif créa un lieu saint où la présence de D.ieu se révélait de façon manifeste. Cela acheva ce qui avait commencé avec le don de la Torah, lorsque D.ieu fit disparaître la barrière qui séparait le ciel de la terre et fournit à l’homme le pouvoir d’unir le matériel et le spirituel, transformant l’ordinaire en chose sainte.

Pour véhiculer ce concept, les chefs de tribu apportèrent deux types d’offrandes :

des objets inanimés, qui ne furent pas consumés par le feu céleste qui descendit sur l’autel.

des animaux, qui, eux, furent consumés par le feu céleste, en tout ou en partie.

Les objets inanimés symbolisaient l’ère « sans vie » d’avant le don de la Torah, lorsque la matérialité n’était pas susceptible d’être imprégnée du Divin. La consumation des animaux par le feu divin symbolisait notre époque actuelle, post-Sinaï, dans laquelle les objets matériels – et le monde matériel en général – sont susceptibles d’être sanctifiés.

Les allusions inhérentes à ces offrandes commencent ainsi à la Création et avancent dans l’histoire à travers la mention de ses acteurs principaux : Adam, Noé, les soixante-dix nations, les patriarches, Joseph, Moïse et Aharon, le peuple juif et la Torah. Les objets inanimés font allusion à l’histoire pré-Sinaï, l’âge « inanimé », où la matière ne pouvait être infusée de sainteté. Les animaux – incarnation manifeste de la vie – représentent l’histoire à partir de l’âge des patriarches, car depuis Abraham la lumière de la Torah, avec son potentiel de révéler la vitalité Divine et la sainteté de la matière, commença à rayonner dans le monde.35

12–83 Les offrandes des chefs de tribu. Ils tinrent à exprimer par ces offrandes la grande signification historique du don de la Torah et l’effet qu’il eut sur la nature de la relation de l’humanité avec D.ieu, relation incarnée alors par les sacrifices offerts dans le Tabernacle. C’est pour exprimer le fait qu’ils partageaient cette intention que tous apportèrent exactement les mêmes offrandes.36 La signification allégorique commune à tous les chefs de tribu dans ces offrandes était la suivante :

Le vase d’argent faisait allusion à Adam. La valeur numérique des mots kaarat kessef (« vase d’argent ») est neuf cent trente, soit le nombre d’années de vie d’Adam. Son poids, cent trente sicles, faisait allusion à l’âge où Adam eut ses enfants.37

Le bassin d’ablutions d’argent faisait allusion à Noé. La valeur numérique des mots mizrak e’had kessef (« un bassin d’argent ») est de cinq cent vingt. « Cinq cents » fait allusion à l’âge auquel Noé commença à engendrer des enfants, tandis que « vingt » renvoie aux vingt ans qui séparent le Déluge du décret l’annonçant.38

Le poids du bassin, soixante-dix sicles, faisait allusion aux soixante-dix nations issues de Noé. • La cuillère faisait allusion à la Torah, donnée à nous par la main de D.ieu, puisque le mot hébreu pour « cuillère » (kaf) signifie également « main ».

Le poids de la cuillère, dix sicles, faisait allusion aux Dix Commandements.

L’encens fait allusion aux six cent treize commandements de la Torah. La valeur numérique du mot ketoret (« encens ») est de six cent treize lorsque le kouf est remplacé par un dalet conformément au principe atbach.

Le jeune taureau faisait allusion à Abraham, qui nourrit les trois anges de trois veaux.39

Le bélier faisait allusion à Isaac, car Abraham offrit un bélier à sa place.40

L’agneau faisait allusion à Jacob, qui sépara ses brebis de celles de Laban.41

Le bouc rachetait la vente de Joseph. Après l’avoir vendu, ses frères abattirent un bouc et trempèrent de sang son manteau.42

Les deux bœufs pour les offrandes de paix faisaient allusion à Moïse et Aharon, qui forgèrent la paix entre Israël et D.ieu.

Les trois types de bêtes – béliers, boucs et agneaux – faisaient allusion, respectivement, aux prêtres, aux Lévites et aux enfants d’Israël, ainsi qu’à la Torah, aux Prophètes et aux Hagiographes.

• Ces animaux furent offerts en trois ensembles de cinq comme allusion (1) aux cinq livres de Moïse, (2) aux cinq commandements gravés sur la première des Tables de la Loi, et (3) aux cinq commandements gravés sur la seconde Table de la Loi.

Le fait que chaque chef de tribu ait aussi eu des intentions allégoriques singulières derrière son offrande apparaît en allusion par cela même que chaque composante de l’offrande indiquée est une entité générale comprenant une myriade de détails :

• Les années de la vie d’Adam faisaient toutes partie d’une seule vie, mais chaque année fut différente.

• Les descendants d’Adam lui ressemblaient tous, mais ils étaient tous différents.

• Les années de la vie de Noé firent toutes partie d’une seule vie, mais elles furent toutes différentes ; quant à son âge lorsqu’il commença à avoir des enfants, il évoque sa contribution à la continuité de la vie humaine, tandis que les vingt ans du décret renvoient à l’anéantissement de la vie humaine.

Les soixante-dix nations sont toutes issues de Noé, mais elles sont toutes différentes.

La Torah est une entité, mais elle comprend les Dix Commandements et, de façon plus détaillée, les 613 commandements.

Les patriarches étaient chacun un être unique, mais ils sont les patriarches de tout le peuple juif.

Les fils de Jacob participèrent tous à la vente de Joseph, mais tous ne le haïrent pas dans la même mesure.

Moïse et Aharon forgèrent tous les deux la paix entre D.ieu et Israël, mais ils le firent chacun d’une manière différente.

• Le peuple juif est un seul peuple et la Torah est une seule entité, mais l’un et l’autre se divisent en sections spécifiques.

C’est parce que chacun des chefs de tribu avait une intention allégorique unique en tête lorsqu’il apportait son offrande, propre à la nature spirituelle de sa tribu, que chacune des offrandes est notée en détail.43

84 L’offrande pour l’inauguration de l’autel. Le dénombrement collectif des offrandes d’inauguration présentées par les chefs apparaît encadré par deux phrases synthèses : « Ce fut l’offrande d’inauguration de l’autel présentée par les chefs le jour où il fut oint » et « Telle fut l’offrande d’inauguration pour l’autel après qu’il fut oint ».44 Ces deux énoncés indiquent que, bien que D.ieu ait demandé à chaque chef de tribu d’apporter son offrande un jour différent, Il le considéra comme s’ils avaient tous apporté leurs offrandes le premier et le dernier jour. Ce fut ainsi parce que, empreints d’altruisme, ils étaient tous unis dans leur dessein commun, comme en témoigne le fait qu’ils suggérèrent d’apporter tous ensemble leurs sacrifices le premier jour45 et d’en offrir tous les mêmes, aucun d’entre eux ne cherchant à avoir priorité sur les autres.46 En considérant comme si chaque prince avait apporté son offrande le premier jour, D.ieu voulut souligner qu’Il n’accordait à aucun d’eux la prééminence sur les autres – ils étaient tous le premier en importance et le premier à inaugurer l’autel, « l’activant » au nom du peuple juif dans son ensemble. D.ieu indiqua à Moïse de leur faire apporter leurs offrandes à raison d’un chef chaque jour afin d’illustrer que, dans le cadre de la Torah, chaque tribu personnifie un chemin singulier.

D.ieu eut à cœur de considérer comme si tous les chefs avaient apporté leurs offrandes le dernier jour parce que ce n’est que le dernier jour, après que tous les sacrifices inauguraux aient été offerts, que l’autel pouvait effectivement commencer à fonctionner comme l’autel de tout le peuple juif. Aussi, il était également important de montrer que chaque chef était considéré comme le dernier à présenter son offrande, celui qui donnait à la cérémonie sa touche finale.

Chaque chef put agir au nom de toutes les tribus parce que, en tant qu’individu, le Juif contient en lui tous les autres, et chaque tribu comprend dans son essence toutes les autres tribus. C’est ainsi que chaque chef put essentiellement inaugurer l’autel, non seulement pour sa propre tribu, mais également pour tout le peuple juif.

Par leurs offrandes, les chefs investirent l’autel de la fonction consistant à nous lier à D.ieu non seulement comme individus, mais également comme individus formant un tout.

L’offrande des chefs, virtuellement collective, qui eut lieu le premier jour s’apparente au lien général, intégral, nous unissant à D.ieu, lien qui sous-tend nos entreprises individuelles sur le chemin du Divin. Cela est vrai en termes conceptuels comme temporels. Nous sommes tous appelés à commencer la journée d’une manière plus ou moins identique : tout d’abord, à l’heure du réveil, en reconnaissant notre connexion fondamentale à D.ieu, puis en transformant cette prise de conscience en une conscience pleine, posée, dans nos prières matinales. Ce n’est qu’alors que chacun de nous prend une voie distincte pour mener à bien les tâches qui lui sont propres dans la vie.

L’offrande des chefs de tribu, virtuellement collective, qui se déroula le dernier jour nous enseigne que, même lorsque nous nous centrons sur nos tâches individuelles dans le cadre du plan de la Création, nous devons garder à l’esprit que le développement général de notre lien avec D.ieu n’est pas seulement la raison d’être de nos efforts quotidiens, mais également leur finalité et leur but.47

89 Personne au-dehors ne pouvait l’entendre. Miraculeusement, la même voix tonitruante qui parla jadis à Moïse au mont Sinaï s’arrêtait à présent subitement à l’entrée de la Tente et ne retentissait pas plus loin.48 Ainsi, au mont Sinaï aussi bien que dans la Tente, la voix de D.ieu s’arrêta. Au mont Sinaï, elle s’arrêta dans le temps : après la révélation, le son du chofar se fit entendre pour signaler le départ de la présence et de la voix de D.ieu.49 Dans la Tente, elle s’arrêtait dans l’espace : la voix atteignait un certain seuil sans le dépasser.

Autant qu’on le souhaite, nous ne pouvons pas entendre la voix de D.ieu en tout lieu et tout temps. Si nous le pouvions, nous serions privés de notre liberté de choix. Un monde où la voix de D.ieu s’entend constamment est un monde qui ne pose pas de défi à ses habitants. Ce fut le désir de D.ieu de créer un monde de silence divin où nous parviendrions, par nos efforts, à découvrir Sa voix cachée. C’est notre travail de prendre ce que nous avons entendu au cours de cette courte période au pied du mont Sinaï et dans ce petit recoin du Tabernacle – et chacun de nous a entendu la voix de D.ieu quelque part et à un certain moment, si fugace soit-il – et de le transmettre au reste du temps et de l’espace.50