Nos Sages nous disent que le Saint Temple de Jérusalem et son précurseur, le Sanctuaire construit par Moïse dans le désert, était un modèle en trois dimensions de l’architecture spirituelle de l’âme. Le Temple consistait en de nombreux domaines, chambres et « récipients », correspondant chacun à un élément différent de la vie intérieure de l’homme et illustrant sa fonction et son but.1
La Menorah, le candélabre d’or à sept branches allumé chaque après-midi dans le Saint Temple, représente le potentiel humain d’« allumer des lampes » : de générer des sources de lumière en son for intérieur, en son prochain et dans les ressources matérielles dont il dispose.
La Torah consacre un certain nombre de chapitres détaillés à la description de la construction de la Menorah et aux différentes lois relatives à son allumage. Chacun de ces détails à une « loi » et une leçon qui lui correspond dans la signification spirituelle de la Menorah. Pour en observer un exemple, examinons un passage de l’un des commentaires de ces chapitres.
Le huitième chapitre des Nombres s’ouvre par l’instruction de D.ieu à Aharon : « Quand tu élèveras les lampes, elles jetteront leur lumière en direction de la face de la Menorah. » Dans son commentaire, Rachi2 s’étend sur l’utilisation du terme Behaalotekha, « quand tu feras monter ». Pourquoi la Torah utilise-t-elle ce curieux synonyme d’« allumer » ? Rachi explique que la Torah préfère se référer à la nature de la flamme qui est de graviter vers le haut et de s’élever et qu’elle a également pour but d’instruire le Cohen (le prêtre) qui allume les lampes de la Menorah, de maintenir le feu sur la mèche jusqu’à ce que « la flamme s’élève d’elle-même ».
Ces trois mots chalhévèt olah mééléha – « la flamme s’élève d’elle-même » – renferment certaines des leçons essentielles qu'il convient d'apprendre de la Menorah :
« La flamme... »
On se réfère habituellement aux lumières de la Menorah par le terme nérot, ses « lampes ». Rachi utilise ici le terme chalhévèt, soit une « flamme ». Nérot peut s’appliquer à la fois à des lampes allumées et à des lampes éteintes, mais le mot chalhévèt désigne nécessairement une flamme « vivante », qui produit de la lumière. Il s'avère que chaque jour, pendant plusieurs heures, les lampes de la Menorah n’étaient pas allumées.3 Chaque matin, elles étaient nettoyées, remplies de la plus pure des huiles d’olive et pourvues de nouvelles mèches. Elles restaient ainsi la plus grande partie de la journée, attendant que le Cohen porteur de la flamme vienne les allumer dans le milieu de l’après-midi.
Pendant ces heures intermédiaires, la lampe était dans un état complet et parfait : son or étincelait, sa mèche était fraîche et elle était remplie de la meilleure des huiles. Rien ne manquait. En fait, l’allumer ne faisait que ternir son lustre, consumait ses mèches et usait son combustible. Mais dans son statut éteint, la lampe était obscure, son potentiel de lumière enfermé en elle-même. Il se peut qu’elle fût parfaite en soi, mais elle n’apportait rien à tout ce qui existait en dehors d’elle-même.
L’homme, également, peut être un ner sans chalhévèt, une lampe sans flamme. Il peut parvenir à un état de perfection personnelle, être un récipient ornementé, plein de talents et de potentiels. Mais le but de la vie est d’être une lampe éclairante, de faire briller ses propres talents et ses aptitudes pour illuminer l’environnement.
C’est là la première leçon de la Menorah : la recherche de la perfection personnelle ne suffira jamais à satisfaire les aspirations profondes notre âme. Notre nature intrinsèque est d’être une « flamme », une lumière pour notre environnement.
« ...s'élève... »
« L’esprit de l’homme s'élève vers le haut. »4 Alors que l’espace que nous habitons possède trois dimensions et six directions, nos aspirations les plus profondes vont vers le haut. Quand des enfants s'amusent de savoir qui est « plus grand », c'est bien leur taille qu'ils comparent. Quand des hommes et des femmes parlent de leur désir de progrès personnel, ils le font en termes de « monter l’échelle », « atteindre le sommet » ou « s’élever à de nouvelles hauteurs ».
C’est ainsi que le roi Salomon décrit l’âme de l’homme comme une « lampe de D.ieu ».5 Parmi les Quatre Éléments (le feu, l’eau, l’air et la terre), seul le feu monte vers le haut. Tout comme une flamme se débat en permanence sur sa mèche, l’âme humaine est sans cesse attirée vers le haut, tentant de se détacher de la « mèche » (c’est-à-dire le corps humain) qui la retient en bas.
Quel est le sens profond de cette aspiration « verticale » ? Certaines performances se décrivent en termes de développement en « longueur » ou en « largeur ». Nous pouvons investir beaucoup d’efforts pour étendre et élargir nos accomplissements, mais toujours sur le même plan, le long des lignes qui définissent notre réalité présente, que celle-ci soit définie par les us et les conventions, ou même par les nécessités les plus basiques de notre nature. Cependant, liée à la condition humaine de manière intrinsèque est la quête de la transcendance, l'aspiration à « briser le moule » dans lequel nous sommes formés et à nous refaire en quelque chose de meilleur, de « plus haut » que ce que nous sommes.
C’est là la seconde leçon de la Menorah : la vie n’est pas seulement une « flamme », mais une flamme qui « s’élève ». Quels que soient nos gains dans l’espace que nous avons façonné pour nous-mêmes dans ce monde, nous devons constamment rechercher de nouveaux domaines d’accomplissements. La perfection personnelle n’est pas suffisante, pas plus que le fait d’être un « dirigeant » qui apporte la lumière dans tel ou tel domaine. Notre essence profonde qui est d'être une « lampe de D.ieu » exige que nous aspirions constamment à nous libérer de la dimension actuelle de notre existence pour atteindre quelque chose de « plus haut ».
« ...d’elle-même »
Une lampe ne peut s’allumer toute seule : elle a besoin de feu, d’une source d’énergie extérieure qui enflamme sa mèche. Mais l’objectif est que la flamme « s’élève d’elle-même », qu’elle devienne une source de lumière indépendante.
Telle est la troisième leçon de la Menorah : quand nous agissons comme « allumeurs de réverbères », que ce soit dans l’entreprise « d’allumer » nos propres potentiels, d’allumer la « lampe » chez notre prochain ou de créer des luminaires à partir de notre environnement matériel, notre objectif doit toujours être de générer une flamme qui « s’élèvera d’elle-même ».
Concernant nos efforts pour nous améliorer nous-mêmes, cela signifie de ne plus se suffire de « résolutions » et de changements de comportement auxquels il faut en permanence s'astreindre par la force de sa volonté. Mais d'aspirer à une transformation profonde de sa nature et de son caractère, de sorte que ce nouveau comportement devienne une manière d’agir naturelle et instinctive.
Dans le domaine de l'enseignement et de l'influence envers autrui, l’objectif doit être d’en faire un luminaire autonome en l’aidant à développer ses talents et ses aptitudes de sorte que sa propre lampe brille indépendamment et puisse, à son tour, aider les autres à s'allumer.
Il en est de même pour notre action sur le monde matériel. Lorsque nous utilisons des objets et des ressources de notre monde à des fins bénéfiques et divines, nous les imprégnons de sainteté et de divinité. Ici aussi, un objet matériel peut être transformé non pas simplement en un vecteur passif de lumière, mais en une « lampe » qui sera une source indépendante de lumière.
Par exemple, au lieu de nous contenter de parler à nos enfants de l’importance de faire de la charité ou de les impliquer dans nos propres actes de bienfaisance, nous pouvons les aider à fabriquer leur propre boîte de Tsédaka qu’ils installeront dans leur chambre. Chaque fois que l’enfant y mettra une petite pièce, cette boite l’assistera et l’entraînera à faire un acte de charité. Cet objet de plastique ou de bois aura ainsi été transformé en « luminaire ».
De plus, même quand elle n’est pas utilisée pour un acte de charité, la boîte de Tsédaka constitue elle-même une « lampe » qui illumine son environnement. En tant que partie intégrante du décor de sa chambre, elle rappelle constamment à l’enfant sa responsabilité vis-à-vis d’autrui. Un objet matériel est devenu « une flamme qui s’élève d’elle-même », une source indépendante d'éducation et de lumière.
Basé sur un discours du Rabbi de Chabbat Béhaalotékha 57516
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