25:2 Parle aux enfants d’Israël. Le plan de Dieu pour faire du monde Sa vraie demeure incluait dès le départ, l’établissement d’un lieu central où cet idéal s’exprimerait, un endroit qui servirait de site aux différents processus par lesquels le peuple se sanctifierait et sanctifierait le monde. L’emplacement permanent de cet endroit serait le Temple de Jérusalem ; tant que le peuple se trouverait dans le désert, il s’agirait d’un complexe portatif : le Tabernacle, la cour qui l’entourerait, et le mobilier spécifique à placer à l’intérieur et dans la cour.

Il sera raconté plus tard1 que le peuple fit un calcul erroné des quarante jours durant lesquels Moïse était censé rester sur le mont Sinaï, et cette erreur de calcul les conduisit à croire qu’il y avait péri. Ceci les poussa à leur tour à commettre la faute du veau d’or, raison pour laquelle Moïse brisa les tables où se trouvaient gravés les Dix Commandements. Après la faute du veau d’or, Moïse dut gravir encore une fois le mont Sinaï, intercéder auprès de Dieu au nom du peuple, et rétablir la relation qui avait été forgée lors de la Révélation et abrogée par la faute. Comme il a été mentionné,2 cette relation comportait deux aspects : l’aspect rationnel/contractuel et l’aspect essentiel/d’alliance. Dieu indiqua qu’Il rétablissait l’aspect contractuel de la relation en remplaçant les tables brisées et les commandements qui y étaient gravés. Il manifesta Sa restauration de l’aspect d’alliance de la relation en permettant au peuple de construire le Tabernacle, afin que Sa présence puisse effectivement résider parmi eux. C’est ainsi que la Torah en vient à exposer ici les caractéristiques du Tabernacle et de son fonctionnement, remettant le récit de la faute du veau d’or et la réconciliation subséquente à plus tard afin de compléter d’abord sa description des deux facettes du lien qui s’était établi entre Dieu et le peuple au mont Sinaï.3

Dans la mesure où le Tabernacle servait au peuple, Dieu lui demanda de faire don des matériaux dont les artisans se serviraient pour le construire, ainsi que pour confectionner les vêtements des prêtres qui y officieraient. Il demanda au peuple de contribuer uniquement par des matériaux qu’ils possédaient déjà et qui étaient aisément disponibles.4 Au moment de prélever ces matériaux et d’en faire don, ils devraient les consacrer intentionnellement à Dieu afin de contrebalancer l’empressement avec lequel ils avaient offert leurs biens pour façonner le veau d’or.5 Les femmes étaient dispensées de ces dons – n’ayant pas péché lors de l’épisode du veau d’or –, mais pouvaient contribuer si elles le souhaitaient.6 Il n’était exigé de personne le moindre montant spécifique à l’exception des hommes adultes, qui devaient chacun faire don d’un demi-sicle d’argent (pour la fonte des socles supportant les planches7 et des crochets et des bandes à poser sur les piliers8 ), et d’un autre demi-sicle tous les ans (pour l’achat des offrandes collectives).9 Tout un chacun pouvait contribuer à son gré avec une somme d’argent plus élevée que le montant obligatoire.10

25:8 Ils Me feront un sanctuaire. Comment le Créateur du ciel et de la terre – le spirituel et le matériel – peut-Il « habiter » dans une structure matérielle ? Et, avant tout, pourquoi une telle « demeure » serait-elle nécessaire ? Dieu ne se trouve-t-Il pas partout ?

Sans aucun doute, Dieu est partout, mais malheureusement Il est « caché » ; nous ne ressentons pas Sa présence.

On trouve à coup sûr des exceptions. Les gens ressentent la présence de Dieu – si l’on peut dire – en un certain nombre de « lieux » : dans les paysages de la nature vierge ; dans les profondeurs de la science ; dans la bonne musique ; dans les actes de bonté, d’amour ou de miséricorde ; lorsqu’on étudie Sa Torah ; en présence d’individus saints ; dans les lieux de culte ou d’étude qui ont été consacrés par de longues années de prière sincère ou par l’étude assidue des livres saints. Or, ces expériences ne font pas la règle, mais plutôt l’exception. En outre, elles manquent de l’intensité, la profondeur ou l’objectivité suffisantes pour transformer de façon permanente la trame de nos vies.

L’expérience de Dieu dans le Tabernacle (et plus tard dans le Temple) était radicalement différente. Le point focal du Tabernacle était les deux Tables de l’Alliance, qui, abritées par l’Arche de l’Alliance, condensaient elles-mêmes la Torah en entier.

Les Tables de l’Alliance étaient « l’œuvre de Dieu, et l’écriture était l’écriture de Dieu ». En premier lieu, les caractères des Dix Commandements furent gravés en transperçant les blocs de pierre, de sorte que le centre des lettres non relié à leur contour – le same’h (ס) et le mem final (ם) – restait miraculeusement suspendu dans l’air. Et – plus remarquable encore – les tables en même temps occupaient et n’occupaient pas d’espace. Pour une entité matérielle, le fait de ne pas occuper d’espace est miraculeux mais théoriquement concevable ; mais qu’elle occupe de l’espace et en même temps n’en occupe pas est inconcevable dans le contexte de notre perception.

Néanmoins, c’est exactement ce que l’œil matériel voyait dans la pièce intérieure du Tabernacle, et l’effet profond que cela causait sur ceux qui participaient à ce phénomène est pour nous inconcevable : puisque nous ne pouvons même pas imaginer une telle chose, nous ne pouvons évidemment pas imaginer l’énormité de l’effet produit par une telle vision. Cette manifestation incontestable de la transcendance absolue de Dieu par rapport à la nature dépassait certainement la conscience du spectateur, et transformait à jamais la façon dont il « faisait confiance » à l’apparence naturelle, qui voile si adroitement le Divin.11

Le message ici était clair : la parole de Dieu révélée dans la Torah est la source de toute la création et transcende toute la création ; la création ne peut donc pas obscurcir ou faire entrave au Divin. L’essence intérieure du Juif est son étincelle divine, et cette étincelle Divine exerce sa mainmise sur la réalité au travers du dévouement du Juif à la volonté de Dieu telle qu’elle est incarnée dans la Torah.

Ils doivent faire. La Torah indique clairement que le Tabernacle devait être construit par chaque homme, chaque femme et chaque enfant, et qu’il dépendait d’eux tous sans égard à la condition spirituelle de chacun.12 Cela n’avait pu être possible qu’après le don de la Torah, lorsque Dieu fit de Son essence l’essence intérieure de tout Juif. Ainsi, depuis le don de la Torah au mont Sinaï, tout Juif possède une aptitude à transformer la matière – or, argent, cuivre, bois d’acacia, etc. – en un lieu à propos duquel Dieu peut dire : « Je demeurerai parmi vous ».13

Pour que Je puisse demeurer en leur sein. Non pas « en son sein », mais « en leur sein » : Dieu nous a enjoint d’ériger un sanctuaire afin de pouvoir demeurer parmi nous.14 Ce commandement comprend trois sanctuaires, chacun d’un type différent : le Tabernacle matériel que les Juifs érigèrent dans le désert ; le sanctuaire personnel, intérieur, que chacun de nous doit construire à partir de sa vie et de sa sphère d’influence dans le monde ; et enfin, le monde dans son ensemble, que nous devons transformer en la demeure de Dieu.

Dans les trois cas, la tâche est possible parce que nous ne faisons rien d’autre que révéler la vraie nature, cachée, de la réalité. Le monde entier et tout ce qu’il contient existent seulement par l’énergie divine qui bat en eux ; en réalité, ils ne sont rien de plus que de l’énergie divine habillée de « vêtements » matériels. Dès lors, pour faire du monde un lieu où le Divin se révèle il est seulement question d’enlever les obstacles qui voilent cette réalité. De manière analogue, l’essence de chacun de nous est notre âme Divine ; ainsi, faire de notre vie un Tabernacle pour Dieu n’est rien de plus que permettre à notre essence intérieure de briller à travers les trop nombreux bagages matériels que nous avons accumulés tout au long de notre voyage dans la vie.

C’est pourquoi la sainteté du Tabernacle et celle du site du Temple sont permanentes, alors même que le Temple se trouve en ruines. Et de même, notre essence intérieure – en tant qu’individus et en tant que peuple – reste pure et intacte en dépit des vicissitudes de la vie que l’on est amené à rencontrer.15

Les outils principaux auxquels nous avons recours pour construire notre Tabernacle intérieur sont l’étude de la Torah et l’observance de ses commandements. Les pièces du Tabernacle font allusion à la Torah, la « nourriture » de l’âme, qui la soutient et lui permet de grandir et de se développer, tandis que les murs et les couvertures du Tabernacle font référence aux commandements, les « vêtements » de l’âme, qui lui donnent les moyens de s’exprimer et de transformer le monde.

L’arche abritait notamment les Tables de l’Alliance, le microcosme de la Torah ; la table présentait les pains de proposition, en référence à la vertu nourrissante de la Torah ;16 et le candélabre répandait la lumière, une métaphore de la Torah,17 la source de la lumière.18

25:17 Tu devras faire faire un couvercle. Les tables abritées par l’arche signifient l’union avec Dieu que nous réalisons en étudiant la Torah, notamment sa dimension profonde. Le couvercle de l’arche signifie que, même si nous étudions la dimension profonde de la Torah, no qu’il nous faut à tous moments la grâce de Dieu venant d’en haut afin de conserver la conscience du Divin.

Surplombant le couvercle de l’arche, d’où ils s’élançaient vers le haut, se trouvaient les chérubins. Le fait que les chérubins soient situés au-dessus des Tables de la Torah, se faisant face l’un à l’autre, signifie qu’en étudiant la Torah, nous pouvons parvenir à la transcender elle-même et atteindre la racine de notre âme, permettant à notre conscience une fusion absolue avec Dieu.19

Le visage d’enfant des chérubins signifiait que notre lien intrinsèque avec Dieu s’apparente au lien essentiel qui unit le père et l’enfant. Malgré les fluctuations temporelles qui peuvent survenir dans leur relation, jamais le lien entre le parent et l’enfant ne peut être rompu.20

25:31 Un candélabre. La finalité du candélabre n’était pas, comme on pouvait s’en douter, de fournir de la lumière à l’intérieur clos du Tabernacle, car le Tabernacle était aussi une source d’illumination spirituelle et, dès lors, d’illumination matérielle. Voilà pourquoi les fenêtres du Temple étaient percées larges de l’extérieur,21 afin de diffuser sa lumière au-dehors.

C’est également la raison pour laquelle, selon Maïmonide, les coupes étaient placées à l’envers, comme si elles déversaient leur contenu, alors même que la Torah spécifie à plusieurs reprises que les objets dont nous nous servons pour exécuter les commandements doivent être tournés vers le haut. Lorsque nous accomplissons un commandement particulier, nous attirons vers nous de la conscience divine, reconstituant ainsi notre réserve intérieure de force spirituelle. Mais la finalité du Tabernacle était d’exprimer le but général de notre mission Divine : non pas d’emmagasiner ou de dissimuler la conscience divine, mais de la diffuser dans le monde extérieur.22

25:40 Ceci était encore trop compliqué. Ce que Moïse trouvait vraiment difficile à comprendre à propos du candélabre était la façon dont un objet matériel pouvait propager la lumière de la conscience divine vers le monde extérieur. Dieu valida les doutes de Moïse, lui enseignant qu’il nous est impossible d’employer par nous-mêmes des objets matériels pour répandre la conscience du Divin. Aussi, Il enjoignit à Moïse de jeter l’or dans le feu ; le candélabre prendrait forme de lui-même.

De même, Dieu nous demande de transformer tous nos désirs et nos biens matériels en sources de lumière divine, mais Il sait aussi que nous ne pouvons le faire tous seuls. Ce qu’Il nous demande, c’est seulement de tout jeter dans le feu de nos cœurs – c’est-à-dire, que notre amour pour Lui imprègne tout ce que nous faisons –, et Lui fera le reste miraculeusement.23

26:19 Des socles d’argent. Les socles furent fabriqués en fondant l’argent prélevé par la taxe du demi-sicle – qui était la même pour tous –, alors que le reste des composants du Tabernacle était fabriqué à partir des matériaux offerts par chacun selon ses moyens et son degré de générosité.

La raison de cette différence est que les socles constituaient la base du Tabernacle, maintenant fermement la structure entière. Les autres composants du Tabernacle représentent allégoriquement ces aspects de notre personnalité différant d’une personne à l’autre. Les socles, en revanche, font allusion à notre humilité et à notre capacité associée de nous obliger nous-mêmes à adhérer au code de conduite institué par la Torah. Voici certainement les échelons les plus bas dans l’échelle du raffinement de soi, puisque le comportement imposé à soi-même n’est qu’un acte de discipline, dépourvu de tout sentiment ou de raison. Néanmoins, cette discipline constitue l’assise pour le reste de la structure de la personnalité que nous construisons au cours de la vie, car, sans cet engagement fondamental consistant à réaliser la volonté de Dieu, les degrés supérieurs de notre personnalité manqueront de la stabilité et de la force dont ils ont besoin.

Dans la mesure où les normes du comportement religieux assurées par la discipline imposée à soi-même sont les mêmes pour tous, les socles furent façonnés à partir de la seule contribution que tout le monde offrit de manière égale.24

27:1 Tu dois faire construire l’autel. L’autel extérieur était employé pour y offrir les sacrifices d’animaux. Trois catégories d’animaux étaient choisies comme offrandes : des bovins, des moutons et des chèvres. Les sacrifices d’animaux que nous offrons dans notre « sanctuaire » intérieur, personnel, sont les différentes facettes de notre âme « animale » – le côté animal de notre personnalité. Notre « bœuf » intérieur est notre penchant au conflit, au rejet des directives de notre âme Divine. Notre « mouton » intérieur est notre impulsion à être conformistes, à suivre la foule dans sa quête de confort, car nous nous sentons trop faibles pour affirmer notre nature divine. Notre « bélier » intérieur est notre impulsion à être têtus, refusant obstinément de sortir de nos idées préconçues.

Nous « sacrifions » notre animal intérieur en renonçant à donner cours à notre orientation animale dans la vie. Nous « aspergeons son sang » et « déposons sa graisse » sur l’autel en réorientant notre enthousiasme (le sang chaud) et notre sens de la joie (la graisse) vers le Divin. Nous « immolons » notre animal intérieur sur l’autel en permettant à notre âme Divine de consumer nos tendances « animales ».

Le fait que l’autel des sacrifices soit situé à l’extérieur du Tabernacle, dans la cour, nous enseigne que le raffinement de l’aspect animal de notre personnalité constitue une condition préalable pour entrer dans le domaine de la sainteté et de la conscience du Divin, représenté par le Tabernacle. Puis, en entrant dans le Tabernacle, nous rencontrons les trois éléments qui évoquent le processus de rectification des trois composants de notre intellect et de ce qui le dépasse : le candélabre, représentant notre sagesse (‘ho’hma) ; la table, signifiant notre faculté de compréhension (bina) ; et l’autel intérieur, signifiant notre aptitude à donner une portée actuelle et concrète aux idées (daat).25

27:9 Tentures à mailles en lin retors. Ces tentures étaient tissées en fil de lin car cette plante diffère des autres plantes par le fait que seule une tige pousse de chacune de ses graines.26 Le Juif se démarquant des autres peuples par son monothéisme absolu, il convient que le rideau qui sépare le Tabernacle du monde environnant soit confectionné avec ce matériau.27

En outre, le lin fait allusion à notre mission de répandre la connaissance de l’unité de Dieu dans le monde entier. Nos sages nous enseignent que « le lin épuise la terre [autrement dit, soustrait au sol ses nutriments] »,28 et l’on entend par « terre » la conscience terrestre, matérialiste, qui s’oppose à la foi en un seul Dieu.29