10:2 Il peut encore se repentir. Dieu avait rendu le Pharaon obstiné, mais cela signifiait tout simplement qu’il était difficile pour lui de se repentir – et puisque, comme nous l’avons vu, ceci était une punition infligée à Pharaon pour son obstination initiale, cela signifiait qu’il s’était rendu difficile à lui-même de se repentir. Cependant, s’il avait invoqué la force intérieure pour écouter sa conscience, il aurait pu obéir à la volonté de Dieu, laisser partir les Hébreux et s’épargner à lui-même et à son pays la débâcle qui s’ensuivit.

À plus forte raison encore, la porte du repentir est toujours ouverte au Juif, qui se trouve enraciné dans la sainteté et la bonté – même si parfois il en paraît autrement.1

10:11 Vous les hommes, allez et servez l’Éternel. Pharaon pensait, en effet, que la vie religieuse et l’union avec Dieu étaient l’apanage des hommes adultes. Le judaïsme, par contre, insiste sur le fait que tous les secteurs du peuple, y compris les femmes et les enfants, peuvent et doivent jouir des privilèges et des responsabilités de la vie juive. Ce caractère inclusif est d’autant plus marqué que nous approchons le seuil de la Délivrance messianique, lors de laquelle la connaissance de Dieu deviendra vraiment universelle.2

10:23 Qui ne voulaient pas quitter l’Égypte. Dieu n’obligea pas les Juifs qui refusaient de quitter l’Égypte de le faire. En choisissant d’y rester, ces individus niaient leur propre raison d’être. Ainsi, leur vie perdit toute signification et s’éteignit spirituellement.3

Le lien qui s’établit entre Dieu et le peuple juif lors de leur séjour en Égypte s’apparentait au lien naturel nouant le père et l’enfant ; dans les mots de Dieu à Pharaon : « Mon fils premier-né est Israël, et Je te demande à présent de délivrer Mon fils. »4 Les parents et les enfants sont liés entre eux de façon naturelle et inséparable. Néanmoins, un enfant peut décider de ne pas honorer ce lien et de se rebeller contre son géniteur.

Par contre, dans la Délivrance future, même les Juifs se refusant de leur propre gré à être sauvés seront délivrés de l’exil.5 Lorsque Dieu nous choisit pour être Son peuple et nous fit don de la Torah, Il n’agit pas ainsi à cause du lien naturel qui nous attache à Lui, mais sans en tenir compte ; Son essence ne devait rien à ce lien naturel. Ainsi, en nous choisissant, Il relia Son essence à la nôtre. Une fois reliés à l’essence de Dieu, il devint impossible pour nous de nous opposer à ce lien avec Lui, car il était devenu bel et bien partie intégrante de notre existence.6

Bien sûr, nous pouvons ressentir des élans contrecarrant notre lien essentiel à Dieu, mais ce ne sont que des faits de surface. Tôt ou tard, notre essence profonde et intérieure jaillit et nous rend tous dignes de rachat.7

11:4 Exactement à la mi-nuit. D’un autre point de vue, Dieu dit certes à Moïse que cette plaie se produirait exactement à la mi-nuit, mais Moïse craignait que les astrologues de Pharaon ne calculent de manière erronée le moment où celle-ci aurait lieu et attribuent à Dieu cette défaillance. Aussi, il hésitait à annoncer qu’elle aurait lieu au milieu exact de la nuit. (Il refusa de se servir d’une horloge à eau ou d’un sablier parce que les astrologues pouvaient facilement les altérer.8 De plus, puisqu’il faisait nuit, il ne pouvait pas non plus avoir recours au signe s’apparentant au cadran solaire qu’il avait utilisé pour indiquer le moment exact où la plaie de la grêle se produirait.9) Il dit donc à Pharaon que Dieu avait annoncé : « Vers le milieu de la mi-nuit du 15 Nissan, le mois prochain, Je m’avancerai au milieu de l’Égypte ».

11:5 Le premier-né de la servante. Les premiers-nés des servantes moururent parce qu’eux aussi maltraitèrent les Hébreux et furent heureux de les voir souffrir. Les premiers-nés des bêtes égyptiennes périrent parce que les Égyptiens les prenaient pour des dieux et les adoraient.10 Les premiers-nés des prisonniers égyptiens périrent11 pour deux raisons : parce qu’ils jouirent de voir souffrir les enfants d’Israël,12 et pour les empêcher de prétendre que leurs dieux punissaient alors les Égyptiens de les avoir incarcérés.

12:2 Ce mois-ci, Nissan. Jusqu’à ce moment de l’histoire, Tichri – le mois de la création – était considéré comme le premier mois de l’année. Depuis lors, bien que les années aient toujours été comptées à partir de Tichri, Nissan devint le premier mois, et Tichri, le septième.

La raison en est que, avant la sortie d’Égypte, le monde était sous l’influence des forces divines constantes que Dieu mit en mouvement lors de la création du monde, forces que nous appelons « la nature ». Certes, par occasion il y eut des miracles, mais ceux-ci furent des exceptions plutôt que la règle. Il convenait donc de considérer Tichri comme le premier mois, vu que les forces de la nature qui régissent le monde virent le jour en ce mois.13

L’Exode, par contre, annonça la naissance du peuple juif, un peuple qui ne se verrait pas soumis aux contraintes de la nature. En vertu de son lien à Dieu et à Sa Torah, le peuple juif, individuellement et collectivement, deviendrait un miracle vivant. L’Exode fut en soi le premier exemple, un exemple dramatique, de cette liberté ; la libération massive de toute une population d’esclaves de la part de la superpuissance mondiale démontra à un monde stupéfait que ce peuple était lié à un pouvoir non contraint par les lois de la nature. La survie des Juifs à travers l’histoire, contre toute probabilité, témoigne encore davantage du défi qu’ils lancent aux lois de la nature. Mais la manière la plus profonde par laquelle le peuple juif transcende la nature est en atteignant, au moyen de la Torah, une conscience Divine transcendante – une conscience de Dieu et un lien à Lui radicalement hors contexte dans ce monde fini et axé sur la nature.14

C’est ainsi que Nissan, le « mois miracle » (en effet, Nissan signifie « miracle ») devint le premier mois. Certes, la nature existe toujours, d’où le fait que les années soient toujours comptées à partir du premier jour de Tichri, qui reste Roch Hachana, le jour où se détermine la subsistance matérielle du monde pour l’année à venir. Cependant, en termes d’objectif, Nissan prend désormais une place de choix, car le but de la création est d’insuffler dans l’ordre naturel la présence transcendante de Dieu à travers le fait que le peuple juif se consacre à la Torah et ses commandements.15

12:3 Se procurera. Dieu dit à Moïse d’informer le peuple qu’il serait bientôt temps pour Lui de réaliser Sa promesse de le délivrer de l’esclavage,16 mais, vu qu’ils avaient négligé d’accomplir les commandements de Dieu pendant si longtemps,17 ils manquaient de mérites suffisants pour le justifier. Dieu leur donnerait donc deux commandements généraux à accomplir : l’offrande de Pessa’h, représentant tous les commandements passifs, et la circoncision, englobant tous les commandements actifs. Chaque famille devait désigner un agneau ou un chevreau comme sacrifice de Pessa’h le dixième jour du mois et l’abattre le quatorzième. Le peuple était devenu dépendant de l’idolâtrie, et l’agneau était l’une des divinités de l’Égypte. En abattant les agneaux, les Hébreux leur nieraient leur caractère divin ; en les gardant à cette fin pendant quatre jours entiers, ils se sépareraient et se purifieraient de leur attachement à l’idolâtrie.

Par conséquent, l’obligation de désigner l’agneau ou l’enfant le dixième jour du mois n’était valable que pour cette occasion ; dans les années suivantes, elle ne serait plus requise.

Se procurera. Tout comme Dieu voulait que le peuple juif mérite sa libération d’Égypte, Il veut que nous méritions notre Délivrance de notre exil actuel. Et tout comme Il voulait qu’ils quittent l’Égypte « avec de grandes richesses », Il veut que nous quittions notre exil présent chargés des richesses spirituelles et matérielles que nous avons accumulées en persévérant dans nos efforts et en traversant les épreuves de l’exil.

Afin de hâter la Délivrance, il nous incombe donc d’accumuler autant de mérites spirituels que possible, et d’essayer d’approcher chaque Juif possible afin de l’aider à ce qu’il accumule, lui aussi, la plus grande quantité possible de mérites spirituels. Même si nous réussissons à le persuader d’accomplir ne serait-ce qu’une bonne action supplémentaire, ou de respecter un commandement de Dieu de plus, cela pourrait bien être le dernier acte nécessaire pour faire pencher la balance du mérite et amorcer la Délivrance finale.18

Un agneau ou un chevreau. Les agneaux diffèrent des chevreaux en ceci que les chevreaux d’habitude sont noirs, tandis que les agneaux sont généralement blancs. Le chevreau noir évoque donc l’image d’une vie dépourvue de lumière Divine, c’est-à-dire l’ancienne vie du pécheur repentant. En revanche, l’agneau blanc et peu assuré évoque l’image d’une vie pure, sans tache de faute et non souillée par un ego biaisé, autrement dit la vie d’une personne juste.

Le fait que, pour la Torah, les agneaux et les chevreaux soient parfaitement équivalents pour l’offrande de Pessa’h implique que cette offrande était requise de tout Juif, quel que fût son statut spirituel. Que nous soyons des personnes justes ou sur le point de le devenir, nous devons tous intérioriser le message de la sortie d’Égypte et nous affranchir des entraves nous empêchant de progresser dans notre relation avec Dieu.19

12:8 Avec de la matsa. Le commandement de consommer de la matsa a été donné avant que le peuple ne soit chassé à la hâte d’Égypte et que leur pâte ne puisse lever. Autrement dit, il existait une raison intrinsèque au fait de manger de la matsa, outre toute circonstance accessoire liée au moment du départ du peuple.

Le pain azyme et le pain levé signifient, respectivement, la foi innocente de l’enfant par opposition à la compréhension mûre. Dieu veut certes que nous appliquions notre esprit à comprendre, autant que nous pouvons, Lui, Sa providence et Sa loi, mais la base de notre relation avec Lui reste la foi simple et innocente. Il ne s’agit pas là d’une foi aveugle ; elle est le résultat du lien et de l’identité intrinsèques entre Dieu et le cœur de notre conscience juive, l’âme Divine. Chaque fois que ce lien se rétablit, notre foi foncière en Dieu se renouvelle.

La révélation transcendante que le peuple était sur le point de vivre à la mi-nuit allait les amener à un degré de conscience absolument neuf, en dépit de tout autre lien avec Dieu qu’ils auraient eu préalablement pendant l’Exode. Ils étaient sur le point de renaître virtuellement à une nouvelle enfance, une nouvelle innocence, et la manière appropriée d’amorcer l’acceptation de cette révélation était la foi simple. Plus tard il y aurait du temps pour les questions, l’analyse et la compréhension ; à ce moment-là, l’excès d’intellect n’aurait fait que nuire à l’expérience. Voilà pourquoi ils eurent à manger de la matsa, le « pain de la foi ».20

12:9 Sa tête, ses jambes et ses organes internes. Allégoriquement, la « tête », les « jambes » et les « organes internes » représentent les trois dimensions de la pratique religieuse juive. La « tête » est l’étude de la Torah ; les « jambes » – les membres de l’action – représentent la pratique concrète des commandements ; et les « organes internes » se réfèrent à la prière, la vie intérieure de la pratique religieuse.

Tous les trois doivent être « rôtis » – imprégnés en entier du « feu » de la sainteté, c’est-à-dire de la chaleur et l’enthousiasme pour le Créateur.21

12:11 Vous le mangerez à la hâte. Les Juifs avaient eu beau renoncer à prendre part à la culture égyptienne, ils faisaient toujours preuve d’un certain engouement pour elle. Dieu dut donc les presser de partir alors qu’ils étaient encore assez affectés par les événements de l’année précédente pour accepter de quitter le seul foyer qu’ils connaissaient – dans un sens physique et culturel – et s’aventurer dans l’inconnu à double titre : le farouche désert et un mode de vie caractérisé par la sainteté.

Il en est de même pour toutes les occasions où nous sortons d’une « Égypte » personnelle, ces moments dans lesquels on laisse derrière soi la familiarité d’un mode de vie antérieur et que l’on atteint un nouveau degré de conscience divine et son mode de vie associé. Afin de rester sur notre nouvelle voie, il est crucial de maintenir notre dynamique et de prendre toutes les mesures nécessaires afin de ne pas revenir à nos vieilles habitudes.

Dans la Délivrance messianique à venir, cependant, cette prudence ne sera plus nécessaire. Puisque cette libération sera absolue et qu’elle englobera toute la réalité, la mentalité matérialiste propre à l’exil disparaîtra. Il n’y aura plus de retour en arrière ; nous n’aurons donc plus besoin de nous hâter. Comme Dieu nous dit :22 « Vous ne partirez pas à la hâte, et ne marcherez pas non plus hâtivement. »23

12:21 Ils leur transmirent. Bien que Dieu ait donné à Moïse et à Aharon des instructions concernant le sacrifice de Pessa’h et l’observance de la fête de Pessa’h que le peuple serait tenu de respecter à l’avenir, Moïse décida de ne transmettre d’abord, en ces temps tumultueux, que les lois relatives au sacrifice, car seules ces lois étaient pertinentes sur l’heure.24

12:22–23 Par la suite, vous prendrez. Dieu étant omniscient, Il n’avait nul besoin d’un signal Lui indiquant quelle maison était égyptienne et laquelle était juive. L’application du sang était plutôt l’acte que le peuple devait accomplir afin d’être prêt à accueillir par la suite la révélation de la transcendance de Dieu, l’événement qui aurait lieu à la mi-nuit.

Les deux montants et le linteau les reliant par-dessus symbolisent les trois axes de notre mission Divine : l’étude de la Torah (le linteau entre les deux montants), la prière (le montant gauche) et les actes saints (le montant droit). Ensemble, tous les trois composent une vie pleine et équilibrée, qui nous permet d’accomplir notre mission divine de transformer le monde en une demeure pour Dieu. L’absence, la surestimation ou la sous-estimation d’un quelconque des trois entraîne un déséquilibre qui empêche la présence de Dieu de s’appuyer sur nos efforts. Quant à la porte, elle signifie que nous sommes prêts à obéir à la volonté de Dieu (kabalat ol), car cet engagement constitue l’accès à notre partenariat actif avec Dieu en vue de rectifier le monde. L’humble hysope utilisée pour appliquer le sang à l’encadrement de la porte représente l’abnégation (bitoul) que nous devons cultiver afin d’être réceptifs à la présence de Dieu dans notre vie. Le sang lui-même signifie la vitalité de notre âme humaine-animale, avec laquelle nous devons étudier la Torah, prier et accomplir de bonnes actions.

De même, chaque fois que nous avons à quitter une certaine « Égypte » personnelle, nous devons tout d’abord appliquer humblement notre vitalité à l’action, la prière et l’étude de la Torah.25

12:29 Tous les premiers-nés. La seule exception en fut Pharaon lui-même : quoiqu’il ait été un premier-né, Dieu l’épargna afin qu’il soit témoin du miracle de la division de la mer et finisse par s’y noyer. Cette plaie ne dura pas une semaine entière, comme ce fut le cas de la plupart des autres ; elle se passa en un seul instant.26

12:30 Il n’y avait aucune maison. S’il y avait un fils premier-né dans la maison, il mourait ; sinon, c’était le chef de famille (qui, au sens figuré, peut être appelé « premier-né ») qui périssait. En outre, comme les Égyptiens trempaient dans l’adultère, il se trouvait souvent, au sein d’un même foyer, de nombreux premiers-nés, chacun étant le premier-né de l’un des amants de la maîtresse de maison.

12:32 Allez. Il y avait des Juifs qui hésitaient à partir parce qu’ils craignaient de s’aventurer dans ce désert aride et inconnu. Ils pensaient que, maintenant que les Égyptiens avaient tant souffert à cause des plaies, ils seraient enclins à les traiter avec plus d’égards. Mais ces gens n’avaient aucune chance de rester en Égypte, car la dernière plaie bouleversa Pharaon à tel point qu’il chassa de force tous les Hébreux du pays.27 Or, en même temps Pharaon envoya quelques-uns de ses officiers avec eux pour s’assurer qu’ils ne resteraient hors du pays que trois jours, comme ils l’avaient dit.28

12:33 Nous sommes tous en train de mourir. Ils dirent : « Ceci est pire que ce que Moïse a prédit : c’est non seulement le premier-né, mais le reste d’entre nous – parfois dix dans la même maison – qui sommes en train de mourir ! » Ils n’avaient pas réalisé que tous ceux qui mouraient étaient techniquement des premiers-nés.29

12:36 Ils dépouillèrent l’Égypte. Joseph avait ordonné aux Hébreux d’emporter d’Égypte ses restes ainsi que ceux de ses frères lorsqu’ils partiraient.30 Moïse entreprit de réaliser cette directive. Le cercueil de Joseph se trouvant au fond du Nil,31 Moïse dut se servir de moyens surnaturels pour le récupérer. Il écrivit un Nom divin et les mots « Lève-toi, bœuf ! Lève-toi, bœuf ! » sur une plaque et la jeta dans le fleuve. (La phrase était une manière alternative de prononcer les mots hébreux pour « sur le mur », présents dans la bénédiction accordée par Jacob à Joseph.32) Le cercueil remonta à la surface. Alors que Moïse tirait le cercueil de l’eau, Michée33 se mit, en secret, à chercher la plaque.34

Les femmes prirent avec elles des tambourins. Comme c’est souvent le cas, les femmes firent preuve ici de davantage de foi et de confiance en Dieu que les hommes.

Les femmes de notre génération peuvent elles aussi indiquer la voie en démontrant leur foi en l’imminence de la Délivrance finale. Bien sûr, jusqu’à ce que le moment de la Délivrance arrive, nous devons tous ressentir l’amertume de l’exil et prier Dieu ardemment pour qu’Il y mette un terme. Mais, en même temps, notre confiance inébranlable en ce que Dieu réalisera Sa promesse de Délivrance doit nous combler d’une joie débordante. Les femmes, dont la foi est par nature plus profondément enracinée, peuvent déjà commencer à célébrer cette libération – même avec de la musique et de la danse –, ce qui inspirera les hommes à suivre leurs pas.35

12:38 Une foule hétéroclite monta avec eux. Ces non-juifs s’enthousiasmèrent au début à l’idée de rejoindre les rangs du peuple choisi de Dieu, se montrant impatients d’accomplir Sa volonté. Pourtant, comme nous le verrons, ils finirent par revenir à leurs anciens modes de penser, provoquant des souffrances inouïes au fur et à mesure que se déroulait l’histoire du peuple juif.

La raison pour laquelle ils tombèrent fut qu’ils n’étaient pas encore assez mûrs spirituellement pour accompagner le peuple juif dans son parcours vers le mode de vie de la Torah. Eussent-ils été rejetés d’emblée, ils auraient mûri de l’expérience et seraient devenus, par la suite, prêts à rejoindre les rangs du peuple juif.

Les Juifs, pour leur part, étaient déjà à ce stade plus mûrs spirituellement, et la grande attention que Dieu leur prodiguait ne les corrompait pas ; bien au contraire, elle les rendait plus humbles et encore plus dévoués à Dieu et à Sa volonté.36

12:39 Car elle n’avait pas levé. Même si le voyage de Ramsès à Souccot prit un temps miraculeusement court, lorsque l’on tient compte du temps qu’ils mirent à installer le camp, allumer les feux et commencer à cuire la pâte, on remarque qu’il y eut bien plus de temps qu’il n’en fallait pour que la pâte commence à monter. Néanmoins, elle ne monta pas.

La raison en est que la dimension spirituelle des événements influençait la réalité physique. Spirituellement, les Juifs « avaient été chassés d’Égypte » – ils furent élevés à des hauteurs spirituelles telles qu’ils transcendèrent absolument tout semblant d’ego, et leur conscience se remplit de la réalité absolue et universelle de Dieu. Dans ce contexte, la pâte ne pouvait pas lever, car le levain reflète le gonflement de l’ego : il fait lever et gonfler la pâte jusqu’à ce qu’elle devienne une version agrandie d’elle-même, tout comme l’ego agrandit la perception de notre moi bien au-delà de ce qui est réel. Cette matsa ne leva pas en dépit du fait que nul commandement spécifique ne l’empêchait de lever – pas plus que de manger de la matsa.

La matsa que nous consommons chaque année au Seder, cependant, doit être mangée avant la mi-nuit, un rappel des matsot que nous avons mangées la nuit de l’Exode avant ce moment. Pour autant que cette matsa faisait partie de la réalité précédant la mi-nuit, il fallait éviter soigneusement qu’elle ne lève.37

13:2 Ceci est à Moi. Cela signifie que les premiers-nés de sexe masculin deviendraient par la suite les prêtres, officiant sur tous les autels privés que le peuple mettrait en place pour offrir des sacrifices. Ils exerceraient cette fonction jusqu’à ce que le Tabernacle soit érigé,38 après quoi les autels privés deviendraient interdits et le sacerdoce serait confié aux Lévites.39 Les premiers-nés du grand et du menu bétail seraient livrés aux prêtres et immolés à Dieu, et les ânes premiers-nés seraient rachetés en donnant aux prêtres un agneau ou un chevreau à leur place.40

Consacre-Moi. Allégoriquement, le terme « premier-né » fait référence à l’intellect, la première faculté consciente de l’âme émergeant des facultés préconscientes. (L’intellect est suivi des émotions et des dons d’expression.)

C’est un axiome du judaïsme que l’intellect humain ne peut appréhender l’essence de Dieu. Néanmoins, nous pouvons encore « saisir » l’essence de Dieu de façon non intellectuelle à travers les aspirations propres du cœur.41 Or, pour mettre au jour ces aspirations, nous devons suspendre temporairement notre intellect ; ce n’est qu’alors que nous pourrons atteindre le niveau de conscience qui est régi par la dimension intérieure du cœur.

Ainsi donc, pour accomplir la libération absolue de l’Égypte – c’est-à-dire de toutes les entraves nous empêchant de nous lier à Dieu d’une façon directe – il fallait « abattre le premier-né égyptien », signifiant par là « neutraliser » temporairement notre intellect humain et ses limitations avec lui.

Or, en plus de notre intellect humain, nous possédons un intellect divin, celui de l’âme divine qui vit en nous. Afin de « saisir » Dieu au moyen des aspirations intérieures du cœur, cet intellect doit aussi être transcendé, mais il ne doit pas être « tué ». Sa perspective, contrairement à la perspective matérielle de l’intellect de notre âme humaine/animale, est a priori divine. Bien qu’il ne puisse pas saisir Dieu (puisque Dieu ne peut être saisi par aucune forme d’intellect), il peut nous conduire bien plus haut que le monde matériel et nous faire atteindre le point au-delà duquel seules les aspirations intérieures du cœur peuvent accéder : c’est pourquoi ce « premier-né » ne doit être que « consacré », et non pas « abattu ». Afin d’optimiser l’emploi de notre intellect divin, nous devons le consacrer à s’approfondir autant que possible dans la nature de Dieu.

Consacrer l’intellect à cette fin est un élément nécessaire dans la vie de tout un chacun, à la fois de ceux qui sont plus « homme » que « bête », c’est-à-dire plus naturellement prédisposés à la vie spirituelle, et de ceux qui sont plus « bête » qu’« homme », autrement dit qui tendent naturellement à appréhender la vie depuis son aspect matériel.42

13:8 Tu devras raconter à ton enfant. Fait à souligner : le commandement de raconter l’histoire de l’Exode, qui est à la source du Seder annuel de Pessa’h, est présenté dans le contexte de l’explication destinée à « l’enfant qui ne sait pas interroger », le plus immature des quatre sortes d’enfants pour qui nous avons à adapter notre exposé de l’histoire de la sortie d’Égypte. Cela indique que notre devoir de raconter l’Exode s’applique notamment à cet enfant dépourvu de formation. Nous devons chercher les mots aptes à inspirer, même à ce type d’enfant, la gratitude envers Dieu pour nous avoir libérés de l’Égypte et de toutes les Égyptes passées, présentes, futures, personnelles et collectives.

Il en est ainsi parce que la sortie d’Égypte fut absolue, comme nous l’avons mentionné : il ne resta là-bas pas un seul Juif, pas une seule possession juive, ni même une étincelle d’énergie divine susceptible d’être délivrée. L’Exode ayant été à tel point englobant, la transmission de son message doit elle aussi viser sans restriction tout individu en mesure de le comprendre, quand bien même l’exercice demanderait un effort hors du commun.

En agissant de telle sorte que même « l’enfant qui ne sait pas interroger » comprendra le sens de l’Exode, nous veillons à ce que les autres enfants le comprennent, eux aussi, tout comme le fait de soulever la base d’une construction soulève automatiquement le reste de la structure.43

L’Éternel a agi en ma faveur lorsque je suis sorti d’Égypte. Durant la sortie d’Égypte, les Juifs « mauvais » furent délivrés alors même qu’ils n’en étaient pas dignes. Dans la Délivrance future, cependant, tout le monde sera digne de libération. Dieu inspirera tout le monde au repentir et tout le monde se repentira, au moins dans une certaine mesure. Nous tous serons donc dignes de délivrance.44

13:9 Ce sera un signe. Dans le tefiline du bras, les passages spécifiques de la Torah sont écrits sur un seul parchemin inséré dans un compartiment ; dans le tefiline de la tête, ils sont écrits sur des morceaux de parchemin différents et insérés dans des compartiments séparés.

Ceci s’explique par le fait qu’en général, la bonne façon de se disposer à comprendre un phénomène est de le saisir tout d’abord d’une manière globale, pour ne revenir que par la suite sur les détails. Il en va de même pour notre compréhension de l’Exode et de ses implications théologiques, ce qui fait le message des tefiline. Premièrement, on pose les tefiline du bras, car ils incarnent la compréhension générale de l’Exode, où chaque détail fait partie de l’ensemble. Les tefiline de la tête sont posés en second : ils incarnent la compréhension détaillée, celle où tous les aspects du sujet sont analysés individuellement.45

13:10 D’année en année. Cette expression fait allusion à l’idée que l’Exode initial (celui ayant eu lieu la première année) doit illuminer notre rappel annuel de la sortie d’Égypte (dans toutes les années postérieures). Nous devons prendre à cœur de revivre les sublimes révélations divines qui accompagnèrent le premier Exode, qui fut le prototype des délivrances ultérieures, chacun à son propre niveau et d’une manière qui résonne dans sa vie personnelle.46

13:13 Tu rachèteras tous les premiers-nés. Par la suite, l’âne passe dans les mains du propriétaire ; son âne, ainsi que l’agneau ou le chevreau du prêtre, sont devenus des animaux non destinés au sacrifice, permettant alors à leurs propriétaires de s’en servir à leur gré. Les ânes sont associés à cette pratique parce qu’ils évoquent la sortie d’Égypte : ils nous rappellent à quel point les Égyptiens étaient plongés dans la débauche des sens,47 et le fait que nous ayons eu recours à de nombreux ânes pour transporter les chargements d’argent et d’or égyptiens lorsque nous sommes sortis l’Égypte.48

Tu briseras son cou. La raison en est que nous ne gagnons rien en ne rachetant pas l’âne (puisqu’il nous est interdit de nous en servir jusqu’à ce qu’il soit racheté), et, qui plus est, nous gagnons à le racheter par un agneau ou un chevreau, car ils ont une valeur inférieure à lui. Si, pour autant, nous refusons toujours de le racheter, nous aurons commis un acte de cruauté gratuite et implacable envers le prêtre, le privant de ce qui lui appartient à juste titre sans nulle autre raison que la méchanceté. C’est pourquoi nous devons tuer notre âne cruellement : dans la mesure où le propriétaire est compatissant envers sa bête, nous ressentirons la souffrance de l’animal et, ainsi, la cruauté de notre conduite.49

13:14 Qu’est-ce que cela. S’il se trouve que notre enfant est intelligent et nous pose des questions spécifiques sur les commandements en disant : « Quels sont les témoignages, les règles et les lois que Dieu nous a ordonné de suivre ? »,50 nous devons répondre à ses questions avec la considération due. Ainsi, nous devons adapter nos explications des commandements de Dieu aux dispositions et aux aptitudes mentales de nos enfants – qu’il soient méchants,51 trop jeunes pour savoir demander,52 simples53 ou intelligents54.