Bo – Les dernières plaies et l’Exode

La troisième section du livre de l’Exode s’ouvre sur l’épisode où Dieu ordonne à Moïse de venir (bo, en hébreu) vers Pharaon afin d’annoncer la huitième plaie. Deux autres plaies s’ensuivront, au terme desquelles les Juifs seront enfin délivrés de leur joug et renvoyés d’Égypte.

Dans la paracha de Bo, nous voyons comment le puissant empire égyptien est mis à genoux, ses idoles détruites, et son arrogant Pharaon, réduit à implorer pour sa vie. La paracha aborde d’autre part l’origine et les particularités des rituels destinés à commémorer l’Exode : le sacrifice et la fête de Pessa’h, et la consécration des premiers-nés.

De ce fait, Bo constitue, par excellence, la paracha de l’Exode – non seulement décrit-elle son contexte, sa gestation et ses prolongements, mais l’Exode en tant que tel. Avant même que le signal de départ ne soit donné, nous percevons l’imminence de la libération : les courtisans de Pharaon le pressent d’en finir avec son refus insensé de laisser partir les enfants d’Israël, tandis que ces derniers s’apprêtent à recevoir leur dû, longuement attendu, de la part de la population égyptienne et se préparent au départ.

Il semble étrange, alors, que la paracha s’intitule Bo (« viens »), d’après l’injonction donnée par Dieu à Moïse de « venir à Pharaon ». Le fait que Moïse doive venir à Pharaon indique que c’est Pharaon qui détient le pouvoir, qui est l’autorité dominante.

De plus, pourquoi les dix plaies sont-elles réparties tout au long de deux parachas ? Il aurait semblé plus logique que la paracha précédente soit entièrement consacrée au sujet de l’écrasement du pouvoir de l’Égypte à travers les plaies, tandis que cette paracha se consacrerait aux préparations et aux détails de l’Exode proprement dit.

Le Zohar1 souligne que Dieu ne dit pas à Moïse d’« aller à Pharaon », mais de « venir à Pharaon », ce qui est compris comme « viens avec Moi à Pharaon ». En effet, à partir de la huitième plaie, Dieu S’engage Lui-même à combattre Pharaon, à détruire son pouvoir depuis son noyau dur.

Pour ce faire, il fallait affronter Pharaon au siège de son pouvoir, dans le cadre d’où il puisait et transmettait son influence malfaisante. Cela signifiait non seulement aller à la salle du trône de Pharaon (où Moïse s’était rendu auparavant), mais également le rencontrer spirituellement dans la profondeur de son mal. Quand Dieu montra à Moïse la source spirituelle néfaste du pouvoir maléfique de Pharaon, Moïse eut peur de l’approcher. Dieu lui assura alors qu’Il l’accompagnerait et l’aiderait à le vaincre.

Ainsi, la pensée sous-jacente derrière les mots « viens à Pharaon » est la confrontation avec l’essence de ce dernier. C’est ici que lui, et tout le mal qu’il représente, peuvent être déjoués de manière décisive. Briser le pouvoir de Pharaon était la condition préalable essentielle de l’Exode. En fait, il s’agissait là de l’essence même de l’Exode. L’Égypte, avec toutes ses opulentes richesses et ses édifices imposants, était la véritable incarnation du matérialisme – même sa religion, ses dieux et sa vision déviée de l’au-delà étaient matérialistes. L’Exode représentait se libérer de cette philosophie et de ce mode de vie oppressants et contraignants afin de vivre une existence consacrée à la réalité transcendante de Dieu. Pour être libres, il fallait briser les chaînes ; Pharaon devait être anéanti – au siège même de son pouvoir souverain.

Dans cette optique, loin de contredire le ton du reste de la paracha, le terme Bo révèle en fait son véritable message.

Dans notre vie personnelle, alors que nous entreprenons notre libération individuelle – qui conduira, associée à celle de chacun, à la Délivrance collective, définitive –, nous devons nous inspirer de la façon dont Dieu dit à Moïse d’anéantir Pharaon : en visant sa carotide et attaquant le mal à sa racine. Chacun a son « Pharaon » personnel, cet aspect de la vie où l’opposition à la sainteté devient plus aiguë. C’est là que notre premier assaut doit se diriger ; et, quand ce Pharaon sera vaincu, les autres obstacles de la vie tomberont à leur tour.

En outre, nous n’avons pas à craindre ce Pharaon intérieur : tout comme Dieu accompagna Moïse dans la chambre de Pharaon et le combattit Lui-même, nous pouvons demander à Dieu d’accompagner notre Moïse intérieur pour affronter notre Pharaon intérieur et nous aider à le détruire.2