Mikets – Joseph le vice-roi

La dixième section du Livre de la Genèse poursuit la chronique de Joseph. Elle commence après (mikets : « à la fin » en hébreu) que Joseph demande à l’échanson de Pharaon d’intercéder en sa faveur. Cette fois c’est Pharaon qui rêve et recherche un interprète qualifié. Joseph interprète les rêves de Pharaon de façon convaincante, en affirmant qu’ils sont une allusion à sept années d’abondance à venir suivies de sept années de famine, ce qui conduit Pharaon à le désigner vice-roi d’Égypte. Le déclenchement de la famine conduit les frères de Joseph en Égypte pour y acheter de la nourriture. Lorsque Joseph les voit, il élabore un moyen de savoir s’ils ont abandonné leur haine envers lui et sont désormais prêts à le rejoindre pour aller de l’avant en conduisant la famille entière vers l’accomplissement de la mission donnée par Dieu.

Dans la parachah Vayéchev, nous avons vu Joseph commencer son odyssée en Égypte, en le voyant d’abord vendu au boucher du roi, puis promu intendant de la maison de son maître, incarcéré sur des accusations fallacieuses, et par la suite nommé administrateur de la prison. Pendant son emprisonnement, il interprète les rêves de ses compagnons de captivité, en prédisant que l’un d’eux serait bientôt libéré et en lui demandant d’intercéder pour lui lorsqu’il serait libéré. La parachah finit lorsque le précédent codétenu de Joseph ignore sa requête et le laisse croupir en prison.

La forme que prirent ces événements fut d’un cycle de déchéances suivies d’ascensions illusoires. Lors des deux occasions où Joseph semble pouvoir se tirer d’un mauvais pas, il lui survient une nouvelle infortune : au moment où il commence à jouir du sentiment de sécurité que lui inspirait sa situation d’intendant de son maître, il lui est montré combien fragile était cette sécurité ; après qu’il se sent à nouveau à l’abri quand il est promu administrateur de la prison, le cours des événements lui montre combien ses espoirs étaient vains. Les deux fois où il accède au pouvoir ne servent qu’à lui rappeler qu’en occupant les positions les plus idéalement privilégiées il est demeuré pourtant un esclave, un prisonnier. À la fin de la parachah, sa réussite apparente, plutôt que lui inspirer de l’espoir, tourne sa situation en ridicule, le laissant désespéré.

La parachah Mikets montre Joseph à nouveau promu, cette fois au poste de vice-roi d’Égypte. Contrairement à ses précédentes promotions, il demeure à sa position de premier plan jusqu’à la fin de sa vie, et il lui est accordé non seulement de régir pleinement sa propre existence mais encore celle de tous ses semblables.

Dans cette perspective, la vie de Joseph commence à refléter celle de son père Jacob. Jacob avait lui aussi été confronté à de pénibles circonstances et avait dû trouver le moyen de prospérer en dépit d’elles. En montrant son aptitude à s’épanouir dans un environnement hostile, Joseph commença à manifester les qualités que son père avait perçues en lui depuis sa naissance, des qualités qui lui permettraient par la suite de poursuivre l’œuvre que Jacob avait entreprise : surmonter le plus profond défi lancé à la mission donnée par Dieu, l’exil.

Cette aptitude à atteindre de très hauts sommets face à l’exil, telle que personnifiée par Joseph, trouve une allusion dans le nom de cette parachah, Mikets, qui signifie « à la fin ». Le mot hébreu pour « fin », qui veut dire en fait « extrême », constitue une allusion à la façon dont le mal, l’extrémité inférieure de l’espace moral, doit mobiliser nos ressources intérieures dans le sens du bien, l’extrémité supérieure de cet espace. Dans la mesure où les deux « extrêmes » de tout processus en sont le début et la fin, le mot Mikets n’est pas seulement une allusion à la fin de l’exil – qu’il s’agisse de l’exil de Joseph en prison ou de celui qui est actuellement le nôtre, au sens propre ou au plan personnel –, mais également à la façon dont cette interconnexion recèle le début de la rédemption.

Comme nous le verrons, Joseph fut capable de se hisser depuis les profondeurs et de s’élever vers des sommets en apprenant à se défaire de son ego. Dès qu’il reconnut la présence de Dieu et de Sa providence dans sa vie, et abandonna l’illusion que ses accomplissements étaient le résultat de ses propres prouesses, le véritable succès cessa de lui échapper.

Telles sont donc les leçons de la parachah Mikets. Chaque effondrement vécu par nous est destiné à nous conduire plus haut que jamais auparavant. La clé de la transformation d’une chute en un essor est l’abandon de notre ego, et le défi de l’exil est de renverser son cours en exploitant les ressources de la passion et de l’ambition pour faire d’elles les instruments du bien et de la sainteté.1