Cela fait quelques années que je suis sporadiquement en contact avec un Juif. Il m’appelle de temps en temps pour discuter, et je l’ai rencontré en personne quelques fois. Je dois dire que, de tous les gens que j’ai jamais conseillés, c’est sans doute sa situation à lui qui me bouleverse le plus. Il est ce que je décrirais comme un homme torturé. Il est impliqué dans une relation inappropriée, et se sent tiraillé de tous les côtés.
Je ne peux pas donner plus de détails sans briser la confidentialité, mais disons juste que la Torah lui interdit explicitement de se marier ou d’avoir une relation intime avec sa partenaire actuelle. Il sait que ce qu’il fait est mal, mais ne peut pas imaginer la vie sans elle.
Il y a beaucoup de gens qui ont été dans des situations similaires, et ils y font tous face de différentes façons. Quelques âmes courageuses surmontent la tentation et rompent leur relation, tandis que d’autres ne peuvent se résoudre à abandonner un amour existant pour une ancienne doctrine. Je ne minimise en rien l’ampleur du sacrifice qui est demandé de quelqu’un dans une situation aussi intenable que celle-ci, mais, en tant que rabbin et Juif croyant, je crois vraiment que c’est dans leur intérêt de faire ce que D.ieu veut, plutôt que de se soumettre à leurs passions.
Lorsque D.ieu nous a donné la Torah et a détaillé les relations interdites et permises, Il l’a fait pour notre propre bien. Si D.ieu nous dit qu’une certaine relation est inappropriée, alors entrer ou demeurer dans une telle union s’avèrera finalement dommageable pour les deux parties. J’ai entendu dire au nom du Rabbi que si l’un des deux partenaires aimait l’autre véritablement, il romprait pour le bien de l’autre. Je sais que c’est facile à dire pour moi qui ai été béni dans mon mariage et n’ai jamais été confronté à une épreuve comparable, mais je dois admettre que c’est réellement une épreuve, et que D.ieu attend de lui qu’il la surmonte.
Il sait que ce qu’il fait est mal, mais il ne peut pas imaginer la vie sans elle.Bien que mon ami ne soit pas aujourd’hui assez fort pour rompre catégoriquement, il n’est pas prêt non plus à rejeter complètement ses principes religieux. Tel un papillon virevoltant autour d’une flamme, incapable d’échapper à son attrait mais consumé de culpabilité chaque fois qu’il s’approche trop de l’objet de son désir, son tourment ne connaît pas de répit.
Chaque fois que nous parlons, je me sens envahi de compassion envers lui. Il est quelqu’un d’honnête et refuse de s’inventer des excuses. Il ne peste pas contre le judaïsme, et il ne blâme pas D.ieu ou les rabbins pour son sort. Il sait ce que la Torah dit, il sait ce qu’il devrait faire, mais il ne peut pas s’y résoudre.
Mon rôle est de l’écouter et de le soutenir dans son combat. Je suis là pour lui quand il sent le besoin de parler, et je me plais à penser qu’il a bénéficié de mes conseils. Mais s’il existe la moindre chance qu’il gagne cette bataille, ce devra être une décision à laquelle il sera parvenu par ses propres efforts. Il serait contre-productif et sans doute arrogant que je lui dise directement ce qu’il faut faire.
Mais contrairement à un psychologue ou un conseiller, qui pourraient considérer que son rôle est de valider toute décision de son client et l’aider à surmonter sa culpabilité, je dois faire attention à ne pas donner l’impression que j’accepte ou que je suis d’accord avec sa manière actuelle de vivre sa vie.
C’est dur. Chaque os de votre corps vous exhorte à faire preuve de compassion et d’acceptation totale. Quand vous voyez un homme à ce point déchiré par ses choix de vie, vous voulez simplement le prendre par l’épaule et le rassurer en lui disant que, quel que soit ce qu’il décide, tout se passera bien. Mais je ne peux pas faire ça. Je ne peux pas l’encourager à transgresser la halakha, et je ne peux même pas avoir l’air d’acquiescer à une décision que la Torah dit être mauvaise. En tant qu’ami, je pourrais souhaiter qu’il trouve le bonheur et la paix ; mais il serait mal de l’aider à trouver le contentement dans une décision si contraire aux besoins de son âme.
Il sait ce que la Torah dit, il sait ce qu’il devrait faire, mais il ne peut pas s’y résoudre.Quand Moïse informa les tribus de Ruben et de Gad de leur obligation d’aider les autres tribus à conquérir la terre d’Israël avant de s’installer sur leurs propres terres, à l’est du Jourdain, il leur conseilla : « Vous devez être purs devant D.ieu et devant Israël » (Nombres 32, 22), avec l’objectif principal de s’assurer que vous êtes en train de faire ce que D.ieu veut d’abord.
Il est si tentant de faire l’inverse : d’abord s’assurer que les personnes avec qui on a affaire soient satisfaites, et ensuite se soucier de ce que D.ieu veut ou attend de soi. Mais cette approche est basée sur une logique défaillante.
Il y a une tentation de croire que les lois de la Torah sont arbitrairement sévères et parfois injustes. Il est parfois très difficile de se soumettre aux exigences du judaïsme à l’encontre d’un puissant désir ; mais, en y réfléchissant, nous savons qu’en obéissant à la halakha nous nous rendons un fier service.
Il se peut que nous ne voyions pas cela. Il se peut que nous pensions honnêtement que notre bonheur actuel et à venir nécessite que nous fassions ce que nous voulons. Mais le même D.ieu qui nous a créés, nous sustente et pourvoit à tous nos besoins nous dit aussi que suivre Ses voies sera toujours à notre avantage.
Si vous vous efforcez d’être pur devant D.ieu, alors vous, en tant que Juif/Juive, trouverez finalement le bonheur. C’est dur. C’est vraiment dur. Nous pouvons souvent nous demander pourquoi D.ieu met ces difficultés sur notre chemin, et nous comprendrons le fin mot de l’histoire sans doute seulement après avoir quitté ce monde. Mais nous croyons de toute notre foi et avec tout notre courage que lorsque nous sacrifions nos désirs pour l’amour de D.ieu, alors D.ieu nous répond uniquement avec acceptation, bénédiction et amour.
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