Tout aliment dont on se nourrit, une fois que l’eau l’aura touché, sera susceptible de souillure.
Lévitique 11,34
Dans le 11ème chapitre du Lévitique, la Torah traite de certaines des lois relatives à l’impureté rituelle (toumah) : une nourriture entrée en contact avec une source d’impureté (comme un cadavre, un rongeur, un objet d’idolâtrie, etc) est rendue rituellement impure et disqualifiée de l’utilisation dans le Saint Temple et de son service.
Le verset cité ci-dessus touche à deux des conditions nécessaires pour qu’une denrée alimentaire soit sujette à l’impureté : 1. L’aliment en question doit être propre à la consommation humaine. 2. Il doit d’abord entrer en contact avec de l’eau (ou l’un des autres « sept liquides ») ; par exemple, du grain qui a été maintenu au sec depuis le moment où il a été récolté n’est pas sujet à la toumah.
Sécurité animale
L’homme est une synthèse du corps et de l’âme et la Torah qui régit et inspire sa vie possède elle aussi à la fois un élément « physique » et un côté conceptuel et spirituel. Le « corps » de la Torah est son code législatif qui est un guide pragmatique de la vie quotidienne, son « âme » est la dimension profonde de ces lois, qui porte sur le monde intérieur de l’esprit et du cœur humains, sur la relation de l’homme avec son Créateur et son but dans la vie.
Cela vaut aussi pour les lois relatives à l’impureté rituelle des aliments. Ces lois ont, elles aussi, une application morale et spirituelle dans notre vie.
La première loi évoquée ci-dessus – que seuls des aliments propres à la consommation humaine sont sujets à l’impureté – exprime l’idée que plus une chose est noble, plus elle est vulnérable à la corruption. Le fourrage pour les animaux n’a qu’un potentiel limité et, de fait, ses utilisations négatives sont également limitées. En revanche, la nourriture qui sustente l’esprit et le cœur humain peut être l’instrument de réalisations remarquables, mais peut aussi, à l’inverse, alimenter les efforts les plus destructeurs.
La même chose s’applique à tous les domaines de la vie. Une personne peut choisir de « jouer la sécurité » et éviter tout ce qui est touché par la controverse, le risque ou la possibilité d’un échec, tout ce qui peut remettre en question sa pureté spirituelle. Mais ce faisant, elle désavoue aussi ses potentiels les plus élevés : la si vulnérable, mais si précieuse, « nourriture humaine » des ressources de sa vie.
Trois caractéristiques de l’eau
La seconde loi précise que les aliments peuvent être atteints par l’impureté rituelle uniquement après avoir été en contact avec un liquide. En d’autres termes, le simple fait d’être propre à la consommation humaine ne suffit pas. Tant que l’aliment n’a pas été mouillé, il n’a pas atteint le degré de potentiel élevé manifesté par la possibilité d’impureté.
Dans le sens spirituel, cela signifie qu’une vie « sèche » restera toujours, en toute sécurité, limitée dans sa portée et son étendue. Pour être en mesure de vraiment réaliser son potentiel, elle doit assumer un état « liquide ».
Qu’est-ce qui caractérise l’état liquide ?
Trois choses : a) un liquide est adhésif, b) un liquide est un véhicule, c) un liquide cherche toujours le point le plus bas d’un relief.
En y ajoutant du liquide, la poudre devient une pâte, l’argile, un pot, la farine, un pain. Un liquide est donc un unificateur, qui lie ensemble les détails secs en un tout cohérent.
S’il est vrai que la nourriture sustente notre corps, elle serait tout à fait inutile sans les fluides qui l’amènent à tous les membres et à toutes les cellules de l’organisme (dans les mots du Talmud : « Celui qui mange sans boire, sa nourriture devient un poison »). En d’autres termes, lorsqu’il y a une nécessité de transport et d’intégration, que ce soit dans le corps humain ou dans une vallée, c’est l’eau qui remplit ce rôle.
Enfin, le solide est snob. Il s’accroche à sa position, ne descendant à des niveaux inférieurs que lorsqu’il y est tiré de force. Le liquide, en revanche, s’écoule naturellement vers le bas, s’infiltrant par les plus petites ouvertures pour se transporter des plus hautes altitudes aux plaines les plus basses.
Une vie fluide
L’individu « sec » est égocentrique, stagnant et jaloux de sa position. Sa vie est une série d’actes « localisés » : des actes et des réalisations qui n’ont aucun effet au-delà de l’immédiat, et qui ne laissent aucune empreinte durable sur celui qui les accomplit. Il se tient seul, évitant toute connexion et toute liaison avec ses semblables, en particulier avec ceux qui lui sont inférieurs.
À l’inverse, l’individu fluide est conscient que « Celui qui mange sans boire, sa nourriture devient un poison ». Pour lui, une pensée apprise, un objectif atteint, ne doivent jamais rester confinés à leur place et à leurs paramètres spécifiques, mais doivent affecter toute sa personne et imprégner chacune de ses pensées et des ses expériences.
Cet individu étend également la fluidité de sa vie à ses relations avec ses semblables. Il s’unit avec eux de sorte que leurs efforts à tous fusionnent en un tout cohérent, conscient que « Si je ne suis que pour moi, alors que suis-je ? »
Et, tout comme l’eau, il « s’écoule d’un endroit élevé jusqu’au lieu le plus bas » : il applique ses expériences les plus sublimes aux détails les plus ordinaires de sa vie quotidienne ; et il considère tout homme comme son égal, quel que soit son niveau moral et spirituel.
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