L’Éternel parla à Moïse dans le désert de Sinaï, la seconde année de leur sortie du pays d’Égypte, le premier mois, en disant : « Que les enfants d’Israël fassent le [sacrifice de] Pessa’h au temps fixé. Le quatorzième jour de ce mois, vers le soir... conformément à tous ses statuts et ses règles... »

Il y eut, cependant, certaines personnes qui étaient devenues rituellement impures... et ne purent faire le sacrifice de Pessa’h ce jour-là. Ils se présentèrent devant Moïse et Aaron... et ils dirent : « ...Pourquoi serions-nous privés d’offrir le sacrifice de D.ieu en son temps, parmi les enfants d’Israël ? » – Nombres 9, 17

La Torah poursuit en décrivant la façon dont D.ieu répondit à leur demande en établissant un « Second Pessa’h » le 14 Iyar (exactement un mois après le Pessa’h original), pour servir de seconde chance pour tous ceux qui étaient « rituellement impurs ou sur une route éloignée » et se trouvaient ainsi dans l’incapacité d’offrir le sacrifice pascal « au temps fixé ».

Le Talmud fait remarquer que les versets ci-dessus apparaissent dans la Torah hors du contexte chronologique. Les événements qui ont mené à l’établissement du Second Pessa’h eurent lieu au cours du mois de Nissan de l’année 2449 de la création (1312 avant l’ère commune) ; l’ordre chronologique aurait voulu qu’ils se situent dans le premier chapitre du Livre des Nombres. Au lieu de cela, les Nombres commencent par un récit du recensement du peuple juif effectué un mois plus tard, au mois d’Iyar de cette année. C’est d’ici que le Talmud déduit la règle selon laquelle « Il n’y a pas de [récit] antérieur et postérieur dans la Torah. »1

Pourquoi le peuple juif accepta-t-il le décret divin ?

Pourquoi, en vérité, ces événements ne sont-ils pas retranscrits dans l’ordre dans lequel ils se produisirent ? Nos Sages expliquent que la Torah ne souhaite pas commencer le livre des Nombres par quelque chose qui constitue « une honte pour Israël. Car, dans les quarante ans que le peuple d’Israël était dans le désert, ce fut le seul sacrifice pascal qu’ils offrirent. »2

Mais pourquoi cela devrait-il être considéré comme « une honte » ? La raison pour laquelle nos ancêtres n’offrirent pas d’autre sacrifice pascal jusqu’à ce qu’ils fussent entrés dans la Terre d’Israël était que D.ieu Lui-même ne le leur avait pas permis. D.ieu leur avait commandé que le sacrifice pascal annuel ne devrait être offert que « Lorsque vous viendrez dans la terre que D.ieu vous donnera »3 ; les deux premiers Pessa’h – celui observé en Égypte et celui tenu dans le désert l’année suivante – furent des exceptions à cette règle, spécifiquement commandées par D.ieu. Dès lors, de quelle défaillance dans le comportement d’Israël nos sages parlent-ils ?

La réponse réside dans l’histoire du « Second Pessa’h » elle-même : un groupe de Juifs s’était retrouvé dans un état qui, par décret divin, les dispensait du devoir d’apporter le sacrifice pascal. Pourtant, ils ne se résignèrent pas à cela. Ils n’acceptèrent pas que cette voie de relation avec D.ieu leur soit refusée. Et lorsqu’ils plaidèrent avec passion « Pourquoi serions-nous privés ? », cela amena D.ieu à instituer une nouvelle mitsva, le « Second Pessa’h », afin de leur permettre, ainsi qu’à tous ceux qui se trouveraient dans une situation similaire dans les générations futures, « d’offrir le sacrifice de D.ieu en son temps, parmi les enfants d’Israël ». 

C’est là que réside la « honte » de ces trente-huit années sans Pessa’h dans le désert du Sinaï. Pourquoi le peuple juif accepta-t-il le décret divin ? Pourquoi acceptèrent-ils ce vide dans leur relation avec D.ieu? Pourquoi n’exigèrent-ils pas de pouvoir Le servir de la manière pleine et optimale que les mitsvot de la Torah décrivent ?

La leçon

Cela fait déjà plus de mille neuf cents ans que nos Pessa’h sont incomplets. Nous mangeons la matsa et les herbes amères, nous buvons les quatre coupes de vin, posons et répondons aux quatre questions, mais un élément central de l’observance de la fête est absent de notre table du Séder : le sacrifice pascal. Car D.ieu nous a voilé Sa face, Il nous a enlevé le Saint Temple, le siège de Sa présence manifeste dans le monde physique.

La leçon du « déplacement » du neuvième chapitre des Nombres est claire : D.ieu désire et attend de nous que nous refusions de nous résigner au décret de la galout et à la diminution de Son implication manifeste dans nos vies qui l’accompagne. Il désire et attend de nous que nous assaillions les portes du ciel avec notre demande : « Pourquoi serions-nous privés ?! »4