Matérialité vs. Spiritualité ?
Le judaïsme, y compris la philosophie ‘hassidique, a toujours évoqué la lutte entre la spiritualité et la matérialité. La spiritualité vise à sublimer la matière, alors que la matière a une tendance à « tomber » vers sa source, ce qui signifie pour l’homme qu’elle induit en lui une tendance innée au matérialisme.
Le Tanya évoque la guerre intérieure entre les deux « rois » – le bon et le mauvais penchant – qui se disputent la « petite cité » qu’est la personnalité humaine, avec pour enjeu le fait d’être aux commandes des facultés corporelles, émotionnelles et cognitives dans le but, pour l’un, de donner un sens divin à sa vie, et pour l’autre, d’assouvir ses désirs égoïstes.
Dans notre génération, tout en étant l’héritier de cette tradition, le Rabbi de Loubavitch a révélé une approche profondément novatrice de cette dichotomie : préfigurant l’harmonie universelle qui caractérisera l’ère messianique, il a enseigné que la matérialité n’est pas, en soi, l’ennemie de la spiritualité. C’est seulement le fait de vivre une vie fragmentée et désunie qui en fait des rivales. Non seulement la matérialité peut-elle être ralliée à la cause de la spiritualité, mais elle est essentiellement une avec elle. Plus encore : elle est la condition de son aboutissement.
Un exemple de cela apparaît dans la lecture de la Torah de cette semaine, Vayetsé : à la naissance de Zebulon, son sixième fils, Léa s’écrie que désormais Jacob fixera sa résidence principale auprès d’elle (Genèse 30,20).
Il est étonnant que Zebulon soit si étroitement associé à Jacob, car ils semblent représenter tous deux des chemins opposés. Jacob est défini comme « un homme intègre, assis dans les tentes de l’étude de la Torah » (Genèse 25,27), alors que Zebulon est celui qui « occupera le littoral des mers » (Deutéronome 49,13), en allant commercer avec les peuples de la Méditerranée.
Pourtant, c’est précisément Zebulon qui apportera la preuve que l’engagement des Enfants d’Israël envers la Torah est fixe, pérenne et indéfectible. C’est en restant fidèle à la Torah et aux mitsvot malgré les préoccupations inhérentes à ses activités, malgré la difficulté des voyages et l’interaction avec des sociétés idolâtres que la tribu de Zebulon a démontré que la sainteté est ancrée dans l’âme juive, démonstration que ne pouvaient faire ceux qui demeuraient en Terre Sainte.
La leçon pour nous est claire : alors que, comme le Rabbi l’a annoncé, nous vivons les derniers instants de l’exil, sachons, comme Zevouloun, être investis dans le monde du travail tout en fixant des temps pour l’étude de la Torah, et révéler ainsi que la Torah est fixée en nous de manière éternelle.
Chabbat Chalom !
Emmanuel Mergui
au nom de l’équipe éditoriale de Chabad.org