L’émissaire

La paracha de Hayé Sarah fait le récit du premier mariage juif, celui d’Isaac et de Rébecca. Les Maîtres de la ‘Hassidout nous enseignent que ce mariage possède une portée cosmique et intemporelle : il représente le mariage entre D.ieu et le monde, entre l’âme et le corps, entre l’Infini et le fini. Dans la paracha, il est surtout question de ce qui a permis la rencontre entre Isaac et Rébecca, c’est-à-dire de la mission dont s’acquitta Éliézer à la demande d’Abraham pour aller chercher Rébecca en Syrie et la ramener, une fois son consentement obtenu, en Terre de Canaan pour qu’elle y épouse Isaac. Cette union apportera à ce dernier la consolation suite au décès de sa mère, Sarah, et d’elle naîtra notre père Jacob et la nation juive.

Nos Rabbis enseignent que chaque mariage juif, mais également chaque mitsva, chaque bonne action participent de cette dynamique, de cette rencontre entre la Divinité transcendante et la Divinité immanente. Mais, comme dans le récit de la paracha, tout ceci n’est que l’étape de la rencontre. Le mariage, l’union absolue qui apportera la consolation au monde, se fera avec la Délivrance messianique, qui nous a été promise pour notre génération.

Le Rabbi de Loubavitch relève qu’un élément fondamental de ce processus est le rôle de l’émissaire – le chalia’h – dans cette rencontre et cette union. Éliézer était totalement soumis à son maître Abraham, se présentant seulement comme rien de plus que « le serviteur d’Abraham ». Malgré cela, il avait toute la confiance d’Abraham pour agir selon son propre jugement. D’un côté, il n’était pas un esclave dont l’identité se fond dans celle de son maître et, d’un autre côté, il n’était pas non plus un entremetteur qui agit pour son propre compte. Il était un chalia’h, c’est-à-dire un individu à part entière qui investit ses propres facultés dans la réalisation de la volonté de son mandataire, mais avec un dévouement tel que ce qu’il accomplit est considéré avoir été fait par son mandataire. Il est lui-même et il est le mandataire. Il est le paradoxe. Il est le Juif par excellence.

C’est pourquoi, précise le Rabbi dans le dernier discours en date qu’il adressa à ses chlou’him, c’est précisément par la chli’hout, le travail en tant qu’émissaire, que le monde parviendra à sa réalisation et que se fera l’avènement messianique. Moïse fut l’émissaire de D.ieu pour délivrer les Juifs et le Machia’h sera l’émissaire de D.ieu pour faire de même. C’est pourquoi, dit-il, tous les Juifs ont cette qualité de chlou’him pour imprégner le monde de sainteté, et pour ce faire ils bénéficient de l’exemple de ceux que le Rabbi a choisit pour être des chlou’him à temps complet.


Il y a quelques jours, nous avons souffert la cruelle perte de celui qui était pour les quelque 4500 émissaires du Rabbi dans le monde un modèle, l’archétype même du chalia’h, déployant des trésors d’humanité de sa propre personnalité tout en engageant des efforts surhumains en étant totalement transparent à l’ordre de mission du Rabbi.

Il s’agit du Rav Chmouel, dit affectueusement « Moulé », Azimov, de mémoire bénie, émissaire du Rabbi de Loubavitch à Paris et artisan majeur de la Révolution spirituelle que la France connaît depuis 50 ans. Lorsque le Rabbi annonça qu’il fallait changer le monde et faire en France « la Révolution contre le mauvais penchant, le plus rapidement possible, avec joie et enthousiasme », le Rav Azimov prit cela au pied de la lettre et ne cessa jamais d’œuvrer en ce sens. Ceux qu’il toucha devinrent à leur tour des émissaires et ce qui n’était au départ qu’un petit groupe devint une immense communauté dont chaque membre poursuit cette action à son image, propageant autour de soi la lumière et la chaleur de la Torah et surtout l’impulsion de les diffuser à « encore un Juif et encore un Juif ».

La semaine prochaine, les émissaires du Rabbi afflueront du monde entier vers le quartier général du mouvement ‘Habad-Loubavitch à Brooklyn pour leur Congrès mondial annuel. Ils évoqueront le souvenir et l’action du Rav Azimov et se souhaiteront d’imiter son œuvre et son dévouement au Rabbi et ils prendront ensemble des décisions et des résolutions pour décupler, centupler, multiplier à l’infini leur action. Et ils prieront – ils sont déjà en train de prier – pour que D.ieu prenne leur intention au pied de la lettre et envoie le Machia’h sans attendre.

Au nom de l’équipe éditoriale de Chabad.org
Emmanuel Mergui