Attention particulière
Quiconque médite à l’enseignement du Rabbi de Loubavitch et, s’emplissant de crainte, s’efforce de pénétrer dans son sanctuaire, sera, à proprement parler, émerveillé par ce qu’il découvrira. Pas un domaine de la Torah qui ne soit abordé, pas un palier d’interprétation, qui ne soit envisagé. Sous la plume du Rabbi, toutes ces explications se rassemblent, comme les pièces d’un puzzle, jusqu’à rendre l’image de la révélation de D.ieu à Son peuple, avec une netteté qu’elle n’avait jamais eue au préalable. Et, l’on ne peut s’empêcher de penser à l’enseignement de nos Sages, commentant le verset : “J’ai coupé, mais Je guérirai”,1 par lequel ceux-ci soulignent que, sur le mont Sinaï, le Tout Puissant révéla aux enfants d’Israël uniquement la partie législative de Sa Torah, régissant l’existence quotidienne, son aspect connu de tous. À l’inverse, la dimension ésotérique de cette Torah resta occulte, réservée à une élite, en chaque génération. Mais, simultanément, le Saint béni soit-Il fit alors la promesse qu’un jour, l’unité de la Torah apparaîtrait à l’évidence. Et, l’on ne peut s’empêcher de penser que la mission de mettre en évidence cette unité, en cette ère prémessianique, incombait au Rabbi de Loubavitch, qui la mena à bien de la manière la plus éclatante.
La synthèse exceptionnelle que le Rabbi introduisit a un premier effet fondamental : elle permet de mettre en évidence la foi au sein du Talmud.Face à l’immensité d’un tel accomplissement, celui qui aborde l’enseignement du Rabbi aura aussitôt conscience des limites de sa propre perception et il s’emplira d’humilité, devant la profondeur de cette grande lumière, scintillant devant lui. A fortiori celui qui considère les éléments nouveaux que le Rabbi introduisit dans son message aura-t-il cette même réaction. De fait, le Rabbi a su faire la synthèse des commentaires qu’avaient développés ses prédécesseurs et en donner une présentation permettant de les considérer sous un jour nouveau.
D’une part, le Rabbi s’inscrivit dans la continuité, par rapport aux explications développées, avant lui, par les précédents maîtres de la ‘Hassidout. Mais, d’autre part, il sut également formuler un enseignement qui lui est propre. En réalisant cette synthèse, le Rabbi trouva la formulation qui convient à notre monde obscur et il la mit à la disposition de tous les Juifs appartenant à la présente génération, permettant à chacun de puiser, dans la Torah, la force d’un Judaïsme conscient, faisant face aux problèmes de notre époque et leur apportant une réponse conforme à la Tradition.
Certes, qui peut se permettre de formuler un jugement de valeur sur l’enseignement du Rabbi et sur son apport spécifique, par comparaison à celui de ses prédécesseurs ? Néanmoins, force est de constater que chaque maître de la ‘Hassidout a su satisfaire les besoins spirituels de sa génération. Et le Rabbi lui-même pose, à propos de son beau-père, Rabbi Yossef Its’hak, la question traditionnelle de nos Sages : “À quelle pratique ton père apportait-il une attention particulière ?”2 Chacun reçoit, en effet, une mission spécifique et lui seul est capable de la mener à bien. Bien entendu, la mission du Juste, dirigeant une génération, consiste à guérir les maux dont elle souffre et c’est précisément en percevant la grandeur du Rabbi que l’on prend la mesure des maux, au-delà de toute mesure, qui caractérisent cette génération du talon du Machia’h, alors que la pénombre recouvre la terre comme jamais au préalable.
Il est différents moyens d’acquérir la Torah, comme l’enseignent les Pirkei Avot et, bien évidemment, le Rabbi les possédait tous à la fois. Pour autant, la notion qui est à l’origine de tout son enseignement, la clé ouvrant l’accès à son sanctuaire et le caractérisant de la manière la plus évidente apparaît clairement à quiconque consulte ses discours et ses écrits. C’est, comme on l’a dit, la synthèse exceptionnelle qu’il a réalisée entre la partie révélée de la Torah et sa dimension profonde.
Une conception nouvelle du Talmud
La synthèse exceptionnelle que le Rabbi introduisit a un premier effet fondamental : elle permet de mettre en évidence la foi au sein du Talmud et c’est précisément à travers cette valeur que le Rabbi ouvre les portes de la connaissance. Le caractère nouveau de cette approche est bien plus important qu’il n’y paraît, car quiconque aborde les folios du Talmud n’y trouvera, à première lecture, qu’une analyse rationnelle. Le Rabbi souligne donc que toute démarche logique qui n’est pas totalement basée sur la foi et la confiance totale en D.ieu est vouée à l’échec. Elle ne permettra pas de comprendre les propos des Sages de la Michna et de la Guémara, dans toute leur profondeur.
Le Rabbi souligne ainsi la nécessité de s’emplir d’une foi immense envers chaque aspect de la Torah, y compris celui qui, en apparence, semble uniquement accessoire. Il montre que l’on doit avoir foi en la succession des versets de la Torah, en les noms de ses Parachas. Il affirme que les lieux de résidence des Sages de la Michna et de la Guémara, qui peuvent paraître sans intérêt ou, a fortiori, les idées qu’ils développent dans le Talmud sont un effet de la divine Providence, qu’un mot qui semble superflu, dans la Guémara ou dans le Midrash, peut permettre de bâtir un raisonnement, duquel découle un enseignement pour le plus grand nombre.
Le Rabbi révèle une conception nouvelle du commentaire de Rachi sur la TorahIl convient de souligner que l’enseignement du Rabbi n’est en aucune façon réservé aux érudits de la Torah, consacrant leur vie à l’étude et s’interdisant tout autre activité. Il s’adresse, tout autant, à ceux qui affrontent l’existence quotidienne, à l’extérieur de la maison d’étude. De fait, le Rabbi rappelle souvent le principe, énoncé par le Chnei Lou’hot HaBerith, selon lequel le nom d’une Paracha en exprime le contenu, d’une manière synthétique. Nombre de ses causeries sont bâties sur cette règle d’interprétation et, grâce à sa foi en les propos du Chnei Lou’hot HaBerith, le Rabbi fut en mesure de développer de multiples explications de la Torah et différentes leçons s’appliquant à l’existence quotidienne de chacun et susceptibles de la modifier profondément.
Quelques exemples permettront d’illustrer ce qui précède :
Le Rabbi s’interroge, notamment, sur la possibilité de lire conjointement les Parachas Vayakhel – “et il rassembla” et Pekoudei – “les comptes”. Il explique3 à ce propos qu’un élément ayant été dénombré de manière spécifique, Pekoudei, reçoit toute sa valeur, quand il est introduit dans le Sanctuaire du service de D.ieu, Vayakhel. En effet, disent nos Sages, “tout ce qui est dénombré ne peut disparaître”. Or, l’existence véritable est bien celle qui est consacrée au service de D.ieu.
Autre explication, le Rabbi pose, dans l’une de ses causeries, la question suivante : comment est-il concevable que le contenu de la Parchat Vaye’hi – “et, il vécut”, soit précisément la description du décès de notre père Yaakov ? Et, il en déduit une leçon merveilleuse : un homme reste en vie tant que sa descendance est elle-même encore en vie. Le Rabbi souligne ainsi que l’existence véritable dépasse totalement celle de l’enveloppe physique qu’est le corps. Elle est, selon les termes du Tanya, “amour et crainte de D.ieu”, faite de toutes les valeurs éternelles que chaque Juif transmet à ses enfants, en chaque génération.
Dans un autre texte, le Rabbi se demande quel fut le message délivré par Rabbi Chimon bar Yo’haï, sa nature et son apport au monde. Pour répondre à cette question, il fait appel, encore une fois, à un principe du Chnei Lou’hot HaBerith selon lequel chaque événement qui se produit doit systématiquement être replacé dans le contexte des passages de la Torah qui sont étudiés quand il survient. Le Rabbi constate, de cette façon,4 que le quatrième chapitre des Pirkei Avot est toujours étudié durant la semaine de Lag BaOmer, Hiloula de Rabbi Chimon bar Yo’haï et que ce texte rapporte précisément les enseignements qu’il développa. Le Rabbi montre ainsi, de la manière la plus claire, que le hasard n’existe pas dans le monde et que le moindre détail de la création est conforme au Dessein divin et à la mission que le Saint béni soit-Il lui assigna.
S’il existe plusieurs formes d’érudition, la foi, en revanche, est la même pour tousDans ses causeries, le Rabbi révèle, en outre, une conception nouvelle du commentaire de Rachi sur la Torah. Il en énonce les règles d’interprétation et il en fait une analyse particulièrement profonde. Mais, là encore, son idée fondamentale, sur laquelle est basé l’ensemble de son raisonnement, est la foi qu’il convient d’avoir en chaque mot de Rachi, qui ne saurait en aucune façon être superflu. C’est de cette façon qu’il justifiera la citation par Rachi du nom de l’auteur des propos qu’il rapporte, établissant clairement que cette précision n’est jamais fortuite. Inversement, chaque fois que ce nom n’est pas indiqué, ou bien qu’une formulation est modifiée par rapport à sa source, même très légèrement, le Rabbi est en mesure de développer une profonde explication pour le justifier. Jamais, au préalable, le commentaire de Rachi sur la Torah n’avait été compris d’une manière aussi méthodique et profonde.
Or, l’ensemble de ces explications du Rabbi, dans toute leur diversité, découle de sa foi en la Torah et en ses commentateurs. C’est grâce à elle que le Rabbi élève le commentaire de Rachi vers des hauteurs nouvelles, permettant à chacun de découvrir la motivation profonde des interprétations qu’il énonce.
Érudition et foi
Dans l’acceptation courante, parfois empreinte de dédain et de condescendance, le terme de foi est, bien souvent, mis en relation avec les hommes du commun et les ignorants, alors que les sages et ceux qui sont instruits se distingueraient, avant tout, par leur érudition et par leurs connaissances. Or, le Rabbi condamna résolument cette définition de la foi comme un ersatz de connaissance destiné au pauvre. De fait, la grandeur du Rabbi ne peut en aucune façon être limitée à son érudition, car l’un des principes fondamentaux de son enseignement est l’affirmation selon laquelle la phase préalable du service de D.ieu est la soumission.
L’érudition basée sur la foi confère une hauteur de vue que ne peut apporter aucune autre forme de connaissanceEn effet, l’érudition est limitée par les capacités intellectuelles de celui qui se consacre à l’étude. Bien plus, un grand érudit se sépare naturellement de ses disciples et il s’isole. Plus son érudition est profonde, moins sont nombreux ceux qui peuvent se comparer à lui et donc recevoir directement son enseignement. À l’inverse, les ‘Hassidim entendent s’attacher pleinement au Rabbi, au-delà de toute limite. Or, si l’érudition est réservée à une élite, la foi, quant à elle, s’adresse à tous, sans la moindre distinction. S’il existe plusieurs formes d’érudition, la foi, en revanche, est la même pour tous. Si l’érudition se nourrit des spécificités de chacun, la soumission, à l’inverse, reçoit nécessairement une forme qui reste identique chez chacun.
Mais, avant tout, l’érudition basée sur la foi confère une hauteur de vue que ne peut apporter aucune autre forme de connaissance. Elle affirme, sans la moindre ambiguïté, que la Torah est l’instrument permettant à chaque Juif de se lier à l’Essence de D.ieu, au-delà de toute révélation. En pareille situation, chaque détail est significatif et il reçoit un contenu large et profond, justifiant une étude attentive, à nulle autre pareille.
C’est cette foi qui conduit l’érudit à s’interroger sur les conceptions des Sages de la Michna et de la Guémara, telles qu’elles sont énoncées dans le Talmud et elle lui permet de trouver un dénominateur commun à toutes leurs discussions. Elle lui donne le moyen de vivre profondément son étude et elle lui apporte la conviction que chaque Halakha, chaque événement, chaque récit rapportés par la partie révélée de la Torah possèdent, en outre, une dimension plus profonde. Le Rabbi développe, selon ce principe, des explications lumineuses sur le Talmud et les Décisionnaires, la Loi écrite et la Haggada. Celles-ci sont toujours pénétrées d’une foi profonde en notre Torah, Torah de vie.
Le Rabbi tire également de merveilleux enseignements d’événements survenus à ses prédécesseurs, en chaque génération. Parfois, il peut sembler qu’il se contente uniquement de transmettre leurs explications, mais un examen plus attentif de ses propos met en évidence l’immense foi en eux qui l’animait. Et, il avait foi également en ce qui leur arrivait et en les leçons qui en découlaient pour la présente génération.
La foi du Rabbi, s’adressant à tous, permet à chaque Juif, érudit ou homme du commun, de trouver sa place au sein du mouvement ‘Habad. En effet, tous les Juifs sont animés par la foi en D.ieu et le Juste de la génération sait la rendre vivace. L’érudition, quand elle est basée sur cette foi, leur confère à tous la plus haute élévation. Elle est, à proprement parler, la voie du service de D.ieu que chaque Juif peut emprunter.
Mission confiée à toute une génération
De nos jours, en la présente génération du talon du Machia’h, quelques instants avant la révélation messianique, c’est précisément sur cette foi pure et profonde que s’appuient ceux qui s’en remettent pleinement au Rabbi. Actuellement, force est de constater que l’érudition n’est plus le fait de tous et que nos capacités intellectuelles sont réduites par rapport à celles de nos ancêtres. La mission qui fut confiée par le Rabbi à toute une génération consiste donc, avant tout, à avoir foi, foi en la venue de notre juste Machia’h, malgré la faillite de dirigeants qui auraient dû donner un bon exemple, en ce domaine et la remise en cause de l’intégrité de la Terre sainte, malgré les vicissitudes de l’existence quotidienne et la crise du système éducatif.
Les livres du Rabbi, ses causeries et ses discours, inspirés par sa foi profonde, sont la réponse, la nourriture spirituelle que chacun doit apporter à sa propre personne, à ses enfants, à tous les membres de sa famille. Le Rabbi a toujours proclamé que la Halakha, la loi de la Torah, fixe ce que doit être la réalité, que le monde est conçu pour se mettre en accord avec ce principe halakhique. Mais, pour autant, le Rabbi n’a pas convaincu le peuple grâce à son érudition, même si ses explications émanent effectivement de ses connaissances multiples et profondes. Il est parvenu à établir la vérité en se servant uniquement de la foi intense qui l’anime.
De la sorte, l’érudition basée sur la foi permet non seulement d’acquérir la connaissance, mais aussi de la mettre systématiquement en pratique et de modifier son comportement en conséquence. Depuis le 3 Tamouz 5754 (1994), date à laquelle, il s’est voilé à nos yeux de chair, le Rabbi a placé dans la main de quiconque le désire la torche de la foi, grâce à laquelle il éclaire la voie pour toute une génération. Et, c’est uniquement en la saisissant de toutes ses forces que l’on peut en recevoir toute la clarté.
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