C’est un service qu’il avait souhaité rendre à son ami qui a amené le Rav Bentzion Kruman au Beth ‘Habad de Bombay pour y assister à l’office de l’après-midi et y prendre un repas cachère. Il s’y trouvait lorsque les terroristes islamistes sont entrés dans le bâtiment.

C’était la première fois de sa vie qu’il était au bon endroit au mauvais moment.

« Il était toujours présent au lieu et au moment opportuns pour aider les autres, » a dit de lui son frère, Acher Zelig Kruman. « Il était toujours là pour aider, comme s’il faisait partie du décor. Il n’a jamais considéré que ce qu’il faisait pour les autres fût une grande chose. »

Bentzion Kruman, dont le métier est la supervision des productions de produits cachères, était en Inde pour aider l’un de ses collègues, le Rav Leibish Teitelbaum, un descendant de la dynastie ‘hassidique de Volova, à superviser une usine d’emballage de champignons pour l’agence de certification cachère Volova.

« Ils auraient dû voyager deux semaines plus tôt, a dit le frère. Mais ils ont été retardés pour des questions de visas. »

Bentzion Kruman, qui avait 28 ans, a grandi à Bat Yam, en Israël, avec ses neuf frères et sœurs au sein de la communauté ‘hassidique Bobov. Ses parents, le Rav ‘Haïm Dov et Mme Elka Kruman, sont des membres respectés de leur communauté, où le père est un des principaux maîtres de la yéchiva (académie talmudique).

Outre ses responsabilités dans la cacherout, Bentzion Kruman était administrateur de l’école de Sadigora à Bnei Brak.

« Dès que l’occasion se présentait, il ouvrait un livre de Torah, » a déclaré son oncle, Akiva Klein, résidant à Tosh au Canada, avant de partir pour Israël pour assister aux funérailles.

« Après une longue journée de travail, il rentrait chez lui pour être avec sa femme et ses enfants, ajoute Klein. Puis il allait à l’office du soir et étudiait jusque tard dans la nuit. »

Il y a un an, un ami résidant à Jérusalem demanda à Bentzion s’il pouvait se rendre en Chine une fois par mois pour y superviser des usines d’emballage de produits agro-alimentaires destinés au marché cacher. Il accepta le poste, y voyant un moyen de progresser vers la réalisation de son rêve : acheter un appartement. Le voyage, cependant, était exténuant.

« C’était pour lui très dur de quitter la maison, ajoute son frère. La famille était très unie, et il avait une relation particulière avec ses trois enfants. En voyage, il téléphonait à sa femme très fréquemment. Il chérissait le temps qu’il passait en leur compagnie, appréciant chaque moment. »

« Bentzion et son épouse étaient unis par une relation très spéciale, ajoute son oncle. Lors d’une de mes visites, j’ai vu avec quelle émotion sa femme lui disait au revoir quand il partait pour l’aéroport. »

Quand il était en Chine, Bentzion fréquentait le Beth ‘Habad de Pékin, pas seulement pour la nourriture cachère qu’il y trouvait et les offices quotidiens, mais parce qu’il s’y sentait chez lui dans une terre étrangère.

D’après son oncle, « il ne tarissait pas d’éloges à l’égard des émissaires Loubavitch. Ne serait-ce que pour lui procurer un lieu où il pouvait étudier la Torah. »

« Entre deux missions dans les usines, il était tout le temps en train d’étudier. Il était très intelligent et très érudit. »

Perte de connexion

La dernière fois que Acher Zelig Kruman a parlé à son frère était samedi soir, 22 novembre.

« Il avait finalement reçu ses visas et devait partir dimanche matin. Il m’a dit qu’il devait dormir tôt, car son vol partait à l’aube. »

À cours de son voyage en Inde, sa femme lui parla plusieurs fois au téléphone, mais les appels étaient coupés.

« Il y avait une mauvaise liaison, dit son frère. Il lui a dit qu’il rentrerait bientôt et qu’ils se parleraient à la maison. »

Au départ, sa famille n’était pas trop inquiète pour lui lorsqu’on apprit que les terroristes avaient investi le Beth ‘Habad et pris ses directeurs, Rav Gavriel and Rivka Holtzberg, en otage. Ils ont immédiatement téléphoné à son hôtel et demandé à un employé d’ouvrir la porte de sa chambre.

« Ils ont dit que toutes ses affaires étaient là et qu’il était certainement alentour, » a dit son frère.

La famille se rappelait d’un des récents voyages de Bentzion en Chine, lorsque le tremblement de terre du 12 mai dans la province du Sichuan avait fait plus de 69000 victimes.

« Nous ne parvenions pas à le joindre, raconte son frère. Lorsque nous y sommes arrivés, il nous a dit “Alors vous avez enfin trouvé une raison de me passer un coup de fil ?” »

Mais la confiance de la famille s’est érodée, quinze heures après avoir appelé l’hôtel. Ils ont appris que lui et le Rav Teitelbaum s’étaient rendus au Beth ‘Habad pour y faire la prière de l’après-midi et y dîner en taxi. Lorsque le chauffeur de taxi qui les attendait dehors pour les ramener à leur hôtel entendit les rafales d’arme automatique, il s’éloigna rapidement.

« Il était très fort et déterminé, raconte le Rav Sender Dasklovitch, un de ses amis. Je l’imagine se tenir devant les terroristes et risquer sa vie pour sauver les autres. »

La confirmation officielle que le pire était arrivé arriva lorsque les équipes médicales retirèrent son corps suite au raid du bâtiment par les commandos indiens, vendredi 28 novembre (Roch ‘Hodech Kislev).

Acher Zelig Kruman voit en l’enchaînement des événements de cette semaine fatidique une preuve que la présence de son frère au Beh ‘Habad avait été voulue par la Providence.

« On dirait le scénario d’un film, dit-il. D.ieu l’a amené à cet endroit précis à ce moment précis. »

Rav Bentzion Kruman laisse derrière lui son épouse, Émounah, et trois enfants, Mordechai, Serrie et Rivkah, ses parents et neuf frères et sœurs.

Un groupe d’amis de Rav Bentzion Kruman a établi un fond, supervisé par des rabbins éminents, au bénéfice de sa veuve et de ses trois orphelins.

Pour contribuer à cette noble cause, rendez-vous sur www.krumanfoundation.org.