« Ses ennemis la rejoignirent entre les limites. »
Cette phrase tirée du texte biblique a donné son nom et sa coloration à la période qui commence à présent : Bein Hamétsarim, « entre les limites ». Le début de la semaine nous y a fait entrer avec le jeûne du 17 Tamouz et nous n’en sortirons que trois semaines plus tard, avec celui du 9 Av. Nous aurons alors revécu notre tragédie historique, depuis la première brèche dans la muraille de Jérusalem jusqu’à la destruction du Temple – le premier par les hordes venues de Babylone, le second par celles de Rome. Temps de fureur et de détresse. Temps d’exil. La ritualisation des commémorations souligne encore l’ampleur du drame comme son actualité : la loi juive y interdit les fêtes et y multiplie les marques de deuil. Il est vrai que ces événements ne sont pas qu’une défaite militaire ou politique, même d’une gravité sans pareille. L’exil dont il s’agit n’est pas que celui d’un peuple de sa terre ancestrale, même si c’est là un drame au souvenir ineffaçable. A ce moment, l’univers lui-même entre en un exil qu’il n’a pas encore pu ou su quitter. Il est un univers d’où la Présence Divine peut paraître absente, ce lieu paradoxal où la création et la créature peuvent oublier leur Créateur.
Et pourtant, voici que le judaïsme fait, une fois de plus, la preuve de sa capacité d’espérance. Alors que la période nous invite à nous souvenir de temps effroyables, ce n’est pas seulement la conscience de la destruction et de la perte qui doit emplir notre cœur et notre esprit. Nous le savons : de tels sentiments ne sont que des chemins sans issue. Repliés sur eux-mêmes, ils n’ont d’autre aboutissement qu’un désespoir auto-entretenu, comme un renoncement à l’avenir. C’est pourquoi, ce temps d’« entre les limites » doit être d’abord celui de la construction. Construire le Temple : le sien, intérieur, et celui de tous. Tout cela est possible aujourd’hui. Car cette construction est celle, éternelle, de l’étude. En une phrase fameuse, le Talmud enseigne que « celui qui étudie les règles relatives à la structure du Temple, D.ieu le considère comme s’il l’avait construit ». Ce n’est pas là un simple encouragement au disciple assidu. Ces mots décrivent une réalité spirituelle, aussi ferme et concrète – et peut-être plus encore – que la réalité matérielle. Étudier, c’est construire. Ancienne morale pour un peuple éternel.
Sachons-le : les textes existent, y compris en français. Les étudier à présent, c’est suivre le chemin des cimes, celui qui nous conduit au sommet du monde, en ce lieu où le Temple se dresse, prêt à réapparaître, avec les temps messianiques, sur sa montagne, à Jérusalem, la Ville Sainte.
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