Upsherin - Tisporet - ‘Halaka
Il existe une coutume pratiquée par de nombreux Juifs dans le monde entier depuis des générations : une cérémonie célébrant la première coupe de cheveux d’un garçon à l’âge de trois ans. La principale finalité de la coupe de cheveux est de laisser et, essentiellement, de révéler les péot/mèches des tempes. Nous allons bientôt explorer la signification et la portée des péot.
Cette cérémonie porte plusieurs noms: en yiddish, c’est Upsherin, dérivé des mots allemands Sheren/couper et Auf/enlever ; en hébreu, « Tisporet » ; et pour de nombreux Juifs arabophones, « ‘Halaka ».
...cette coutume de célébrer une première coupe de cheveux semble exister depuis des centaines d’années.Bien qu’elle ne soit pas fondée sur le Talmud, cette coutume de célébrer une première coupe de cheveux semble exister depuis des centaines d’années. L’élève de Rabbi Its’hak Louria (1534-1572) écrit que son maître emmena sa famille et son jeune fils sur la tombe de Rabbi Chimone à Mérone, le 33e jour du compte du Omer, jour de la disparition du Sage du Ier siècle, Rabbi Chimone Bar Yo’haï. Là-bas, il accomplit la première coupe de cheveux de son fils avec une grande joie et festivité, « selon la tradition bien connue ».
Dans la Torah, nous trouvons qu’Avraham fit un grand festin le jour même où Its’hak/Isaac fut sevré. (Gen. 21,8) Le grand commentateur du XIe siècle, Rabbi Chlomo Its’haki, plus connu sous l’acronyme « Rachi », écrit que ce fut lorsqu’Its’hak eut deux ans, entrant dans sa troisième année. Cela indiquerait peut-être un moment de réjouissance marquant une transition dans la maturation de l’enfant.
Il est manifeste qu’un enfant de trois ans traverse une étape de transition majeure, le passage du bas âge à l’enfance. C’est le moment où l’enfant cesse d’être entièrement dépendant de sa mère pour fonctionner comme un être indépendant, comme nous l’expliquerons bientôt.
Cette période de transition est en quelque sorte liée à la première coupe de cheveux du garçon. Dans des sources traditionnelles plus anciennes, on discute de l’âge auquel les parents devraient couper les cheveux de leur fils pour la première fois. Une source parle de treize semaines, une autre de deux ans, tandis que d’autres évoquent le « grand âge » de cinq ans. Aujourd’hui, la première coupe de cheveux a le plus souvent lieu à l’âge de trois ans. Certains groupes ‘hassidiques pratiquent l’Upsherin lorsque l’enfant entre dans sa troisième année, c’est-à-dire à son deuxième anniversaire, tandis que la plupart des traditions le fêtent à son troisième anniversaire. [En Israël, il existe une forte tradition de le faire sur le lieu de sépulture de Rabbi Chimone Bar Yo’haï à Mérone, en particulier à Lag BaOmer.]
En traçant un parallèle entre les êtres humains et leur environnement, une corrélation entre les arbres et les humains apparaît. Selon la loi de la Torah (Lév. 19,23), il est interdit de consommer le fruit des arbres plantés depuis moins de trois ans ; cette interdiction est appelée la loi de Orla, littéralement « recouvrement ». Ce sont les fruits des trois premières années qui sont interdits à la consommation humaine ; de la même manière, les cheveux de l’enfant doivent être laissés intacts durant les premières années de vie, et ne peuvent être coupés qu’ensuite.
Orla – Énergie bloquée
Le parallèle entre l’homme et l’arbre est fréquemment utilisé dans la Torah. Par exemple : « L’homme est comme l’arbre des champs » (Deut. 20,19), ou encore : « Comme les jours d’un arbre seront les jours de Mon peuple » (Is. 65,22), ou encore : « Il sera comme un arbre planté près des eaux ». (Jér. 17,8)
...notre lien avec les arbres est profond.En effet, notre lien avec les arbres est profond. À l’origine, la subsistance de l’humanité provenait uniquement des fruits des arbres. Comme D.ieu dit : « Tu pourras manger de tout arbre du jardin » (Gen. 2,16), ce qui implique que seuls les fruits des arbres étaient permis à la consommation, et non d’autres formes de végétation.
Ce parallèle entre l’homme et l’arbre était voué à être établi, tant l’homme ressemble à l’arbre à bien des égards. L’arbre croît dans deux directions opposées : sa partie visible, le tronc, s’élève contre la gravité vers le soleil, tandis que ses racines cachées s’enfoncent dans le sens de la gravité. Nous aussi croissons et nous développons vers l’extérieur et vers le haut, alors que notre véritable mouvement est intérieur. Nous produisons des fruits, comme les arbres ; et moins une personne est « sèche », plus elle est souple et douce.
Si ce parallèle est si profond, il convient d’explorer le lien entre les trois premières années de vie de l’être humain et les trois premières années de vie d’un arbre. Mais comprenons d’abord la signification de la Orla.
Dans la Torah, le terme Orla désigne plusieurs choses : les fruits des trois premières années (Lév. 19,23), le prépuce retiré lors de la circoncision (Gen. 17,11) et le fait que D.ieu ôtera l’Orla du cœur lors de la rédemption future. (Deut. 10,16)
Dans ces trois cas, la notion d’orla suggère une couverture, un voile qui cache quelque chose de plus profond. Dans le cas de l’arbre, le fruit reste fermé à notre participation. Pendant trois ans, le fruit demeure hors de notre domaine ; l’énergie qu’il contient, qui devrait nous nourrir, reste cachée et nous est inaccessible. De même, le retrait de l’orla, le prépuce, est un acte de révélation ; et, de manière allégorique, l’ôter du cœur symbolise le retrait des impuretés spirituelles recouvrant notre cœur pour en dévoiler les niveaux profonds.
Révéler les péot
À un niveau simple, un petit garçon aux cheveux longs a les péot/mèches des tempes dissimulées. Par la coupe de cheveux, les péot de l’enfant sont révélées.
La différence entre l’état antérieur qui précède et celui qui suit la première coupe de cheveux est que dans le premier, les péot se mêlent aux cheveux de la tête ; il n’y a pas de distinction entre les cheveux de la tête et ceux qui descendent le long des tempes. La coupe de cheveux, qui est un acte de Havdala/séparation, établit une distinction. Les péot servent alors à la fois de marqueur, de frontière, et en même temps permettent une connexion plus profonde entre les cheveux de la tête et les futurs poils du visage, ainsi qu’entre l’enfant et son entourage.
Les péot sont indiscernables chez celui qui porte de longs cheveux en bataille. Les cheveux longs, comme nous allons bientôt l’explorer, représentent une énergie indomptée, débridée et sans limite. Une énergie qui est Mitpashet/se répand librement dans toutes les directions, sans contrainte. Un petit garçon courant partout avant son Upsherin, les cheveux longs flottant derrière lui, incarne un tourbillon d’énergie, plein de vie et d’exubérance. Une chose magnifique pour un jeune enfant en plein développement, en train de construire son ego de manière débridée ; et pourtant, c’est une période de vie sans frontières ni compréhension d’autrui. Durant ces premières années, le refrain de l’enfant est : « C’est à moi », ou « Je veux ça ».
À l’image du processus cosmique de la création, où l’on trouve d’abord le Tohou/chaos, puis le Tikoun/réparation, l’enfant fonctionne durant ses premières années dans une réalité de Tohou, à tous les niveaux de l’existence, tant dans un état de chaos que comme source de chaos pour autrui.
La force cosmique du Tohou se caractérise par l’ego, le manque de connexion réciproque et de responsabilité...La force cosmique du Tohou se caractérise par l’ego, le manque de connexion réciproque et de responsabilité ; c’est une réalité où chaque Séfira fonctionne de façon isolée, sans place pour l’autre ni interaction. En conséquence, le monde du Tohou s’effondre, et un univers de Tikoun émerge. Jusqu’à trois ans, les enfants vivent dans un monde égocentrique de Tohou. Ils ne partagent pas leurs jouets, ne comprennent pas les autres. De leur point de vue, ils doivent être Mitpashet/s’épandre sur tout ce qu’ils voient et revendiquer tout comme étant à eux. Si ce comportement perdurait, si l’ego n’était jamais canalisé, il y aurait tôt ou tard un effondrement intérieur.
Issu du monde du Tohou, ce jeune enfant court dans tous les sens, avec ses cheveux longs non coupés ; il est chevelu, à l’image du personnage biblique Ésaü, le frère aîné de Yaakov, que la Torah décrit d’abord par sa pilosité. (Gen. 25,25)
Maintenant que l’enfant a atteint le « grand » âge de trois ans, il est temps de lui couper les cheveux, pour qu’il entre dans le monde du Tikoun. Nous naissons sauvages, mais il ne peut y avoir de véritable spiritualité sans éthique, c’est-à-dire sans une domestication du sauvage, selon le principe du Tikoun.
Couper les cheveux et laisser les péot représente symboliquement cette transition vers le Tikoun, un niveau de maturité, posant une limite à la Hitpachtout/l’expansion de l’enfant. Transformer la réalité sauvage, indisciplinée, chaotique de la petite enfance, en coupant les cheveux longs et en établissant une frontière. Les péot, comme mentionné plus haut, établissent une délinéation, limitent le degré d’expansion de la personne. À ce stade, l’enfant a suffisamment de compréhension et de conscience d’autrui pour être éduqué et introduit à un cadre de vie structuré, à une existence de Tikoun plus définie et plus altruiste.
Cette frontière symbolisée par les péot permet en réalité une intégration plus profonde : l’enfant se sent en sécurité dans ce qu’il est et peut alors reconnaître l’autre. En hébreu, une coupe de cheveux se dit Tisporet, de la racine Safar, qui signifie coupe de cheveux, mais aussi limite. Le mot Safar est lié au mot Sapir, qui signifie « saphir ». De la frontière que constituent la coupe de cheveux et les péot, émerge une nouvelle lumière, et l’enfant brille alors de l’éclat du saphir.
Il s’agit d’un passage global du Tohou au Tikoun, de l’immaturité à la maturité. Mais le but est toujours l’intégration : apprendre à accéder à la maturité du Tikoun sans jamais renoncer à l’énergie passionnée du Tohou. Il faut apprendre à canaliser la lumière infinie du Tohou dans les réceptacles du Tikoun.
[Traduction d’un extrait de l’ouvrage de l’auteur, Upsherin : Exploring the Laws, Customs & Meanings of a Boy’s First Haircut (disponible à l’achat sur iyyun.com).]
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