Que ressent l’homme enfin libre ? C’est, à l’évidence, une question que chacun est aujourd’hui en état de se poser avec la plus grande sincérité et la plus grande émotion. Pessa’h nous a laissés encore bouleversés par cette profonde transformation, le monde entier nous paraît différent : nous étions les esclaves du Pharaon et nous sommes des homme libres. Personne ne pourra plus jamais remettre en cause la réalité de l’événement non plus que ses immenses conséquences. Nous sommes un peuple et la liberté chante à nos oreilles, enchante notre cœur et notre âme. De fait, les siècles ont passé et notre histoire a bien peu souvent été paisible. Mais, malgré ses drames, et peut-être avec eux, nous avons continué de porter haut cette conscience absolue : la liberté peut s’acquérir, elle ne se perd jamais sinon dans l’esprit de ceux qui renoncent.

Car la liberté connaît de bien nombreux degrés. Lorsque nous avançons de l’un à l’autre, le nouveau nous semble tellement plus élevé que le précédent que celui-ci n’est plus, à nos yeux, qu’une sorte d’esclavage. C’est ainsi que nous découvrons une idée merveilleuse : le progrès. Par lui, rien n’est jamais figé. Notre existence n’est pas un désert de pierre, immuable et stérile. Elle est une étendue immensément changeante et nous sommes les acteurs de son changement. Hélas, parfois le quotidien et ses rudesses nous font oublier les couleurs chatoyantes du monde et de tous ses possibles. Tout se passe comme si nous vivions un retour en Egypte. Mais voici que revient la période de l’Omer.

Comptant les jours qui passent, sanctifiant le temps par ce décompte, nous avançons peu à peu vers la fête de Chavouot. Entre la sortie d’Egypte et le Don de la Torah, le voyage est long : du plus bas de l’impureté au plus haut de la sainteté. Cependant, l’espoir éternel nous anime et nous entraîne. Demain sera différent, c’est certain. La liberté est passée par là, nous pouvons changer tout ce que nous touchons et faire de ce monde, un lieu de bien pour tous.

Jour après jour, nous construisons la vie et cela n’est pas qu’une description théorique. Car l’œuvre à accomplir, si elle est rituelle, est aussi et surtout personnelle. Elle est la voie du perfectionnement en un temps qui ne sait plus où est la perfection ni comment la définir. Elle est œuvre de plénitude en une époque où le partiel fait loi. Elle est révélation du meilleur de soi en une période où le Bien n’est plus une référence absolue. C’est aussi pour tout cela que la liberté est précieuse. Les hommes libres savent fonder et maintenir les civilisations. Pour eux-mêmes et pour les autres. En grandissant, ils élèvent ce qui les entoure. Jusqu’au sommet.