Le Baal Chem Tov voulait élever les Juifs et les lier à D.ieu, à la Torah et les uns aux autres dans un lien étroit.
Il leur a donc parlé, et ses paroles ont illuminé leurs cœurs.
Ses disciples firent de même, comme le firent tous les tsadikim et rabbis des ‘hassidim après lui. Comme le firent tous les grands dirigeants du peuple juif, depuis Abraham. Ils prononcèrent des paroles du cœur qui ont pénétré dans le cœur du peuple. Le peuple est revenu à D.ieu et à Ses mitsvas.
Jusqu’à ce que les Juifs arrivent en Amérique. Et puis il y a eu un tsadik qui a fait les choses différemment. Au lieu de s’efforcer de trouver les mots justes pour pénétrer le cœur des Juifs, afin qu’ils allument les bougies de Chabbat, qu’ils mettent les téfiline ou qu’un Juif, quelque part, fixe une mézouza sur un montant de porte, il a dit à ses disciples : « Just do it. Commencez par la mitsva ; traitez les questions plus tard. »
Dites au Juif : « Vous êtes un Juif. Mettez les téfiline. Ça ne fera pas mal. Qu’est-ce que vous avez à perdre ? »
Idem pour les bougies du Chabbat. Ou une mezouza. Ou mettez une pièce dans une boîte de charité. Choisissez parmi toute une série de mitsvas d’action, il y en a beaucoup. Passez directement à l’action.
Commencez par la mitsva ; traitez les questions plus tardUne fois que le Juif a accompli une mitsva, il sera ouvert à d’autres mitsvas, et même à l’étude de la Torah.
Ou peut-être pas.
Mais une mitsva n’est-elle pas une mitsva ?
D’où vient une stratégie aussi radicalement nouvelle ?
Le marketing des mitsvas
Certains diront que le Rabbi était un brillant psychologue. Réfléchissez-y. Avant qu’un avocat de la Cinquième Avenue ne mette ces boîtes de cuir noir sur son bras et sa tête dans un mitsva-tank de ‘Habad, comment cette mitsva était-elle considérée dans son esprit ?
« Un rituel superstitieux. Une pratique bizarre et archaïque. Une forme de prière insensée datant de l’âge des ténèbres. »
Mais maintenant, il sort de cette expérience en se disant : « Je ne suis pas superstitieux. Je ne suis pas non plus bizarre, archaïque ou insensé. Et j’ai mis les téfiline. De toute évidence, il doit y avoir un sens à cette pratique. »
Ainsi, le modèle « essayez-le d’abord » s’est avéré être un changement de paradigme personnel pour tout un tas de gens – plusieurs décennies avant que le modèle « achat in-app » n’apparaisse.
Mais non, ce ne sont que nos petits esprits qui réduisent la grandeur à des astuces intelligentes. Si c’était vraiment aussi simple, comment se fait-il que personne ne l’ait fait avant ?
Le traité populaire et influent, ‘Hinoukh Mitsva, composé au crépuscule du judaïsme espagnol, est entièrement construit sur la thèse selon laquelle « les attitudes d’une personne sont formées par ses actions ». Il aurait été simple pour tout dirigeant réfléchi de franchir l’étape suivante consistant à « commencer par faire ».
Autre explication : Alors que d’autres se concentraient sur des objectifs à long terme et des projets communautaires de grande envergure, le Rabbi avait la sagesse d’accorder de l’importance à chaque mitsva accomplie par chaque Juif.
Rav Yoel Kahan, le « scribe oral » du Rabbi, a, plus que tout autre, perçu le fil conducteur des paroles du Rabbi. Il a écrit que même si toute l’action dans la rue – tous les téfiline portés, les bougies de Chabbat allumées, les mézouzas apposées sur les portes – même si cela n’avait pas entraîné un flot de retours dans la tribu et un rajeunissement sans précédent de la pratique juive (ce qui a été le cas), même si tout s’était réduit à ces mitsvas isolées, cela aurait quand même été mille pour cent utile. Parce qu’une mitsva est une mitsva.
C’est certainement l’attitude de ceux qui sont engagés dans ces campagnes de mitsva jusqu’à aujourd’hui, les milliers d’agents ‘Habad à travers le monde qui suscitent l’accomplissement des mitsvas, mitsva après mitsva. Si quelqu’un passe à l’étape suivante, c’est fantastique. Sinon, une mitsva n’est-elle pas une mitsva ?
Cette approche est à la fois profonde et efficace. Mais il reste difficile de comprendre en quoi elle est nouvelle et pourquoi elle n’est apparue au premier plan qu’à notre époque.
Deux mille ans plus tôt, la Michna déclarait : « Un seul moment de retour et de bonnes actions dans ce monde est plus beau que toute la vie du monde à venir. »
Maïmonide a affirmé que chaque personne doit se considérer, ainsi que le monde entier, dans un équilibre si délicat que n’importe quelle mitsva pourrait le faire basculer, lui et le monde entier, du côté du mérite.
Le premier Rabbi de ‘Habad, Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, a écrit que l’unité créée entre votre âme et D.ieu par une seule mitsva est une union éternelle.
Ainsi, une mitsva a toujours été la chose la plus précieuse au monde, aussi petite soit-elle, aussi peu fréquente soit-elle. Qu’est-ce qui a changé maintenant ?
En phase avec l’époque
Une explication simple est que ce n’était tout simplement pas possible avant. Cela aurait été absurde.
Il y a un Juif dans le Berlin de Heinrich Heine ou dans la Vienne de Mahler qui est fasciné par Schopenhauer et Neitzche. Approchez-le dans la rue et demandez-lui de mettre les téfiline.
Il y a un cordonnier juif dans la Varsovie de Perez qui aime le théâtre yiddish et qui a décidé d’ouvrir son magasin le saint jour du Chabbat pour gagner quelques groszen de plus pour nourrir sa famille. Allez-y, demandez-lui s’il a vérifié la mezouza à la porte de son magasin. Même s’il est d’accord, cela changera-t-il sa vie ?
Cindy Goldberg travaille dur à la machine à coudre dans une usine de chemises dans le Manhattan de Lilian Wald. Dites-lui qu’elle devrait essayer le mikvé. Vous pourriez tout aussi bien lui dire de retourner dans son shtetl polonais.
Mais voyagez dans le temps jusqu’en 1967, au milieu d’une révolution culturelle dans les rues de l’Amérique. Attrapez un Juif dans un monde confus et en pleine mutation. Un Juif dont la connaissance de la judéité ne va peut-être pas plus loin que les baguels, le saumon fumé, Israël et l’Holocauste. Dites-lui de relever sa manche et d’enrouler les lanières de ces boîtes en cuir.
Il est ouvert.
Le Rabbi était en phase avec son époqueCe qui veut dire que le Rabbi en phase avec son époque. Comme l’ont fait remarquer certains experts, le Rabbi a compris ce qu’est l’Amérique bien avant les rabbins formés dans les séminaires américains.
Et une fois que cela a fonctionné aux États-Unis, tout comme pour Hollywood, les avions et les super-héros, il était naturel de l’exporter dans le reste du monde.
Une observation fascinante. Mais elle ne fait que déplacer la question vers une ironie flagrante : comment se fait-il qu’un rabbin ukrainien d’une communauté ‘hassidique appelée ‘Habad-Loubavitch soit celui qui introduise la pratique juive dans la rue américaine ?
‘Habad : ces Juifs reconnus comme étant des intellectuels, très savants et érudits, scrupuleux dans leur observation de la halakha, qui se tenaient pendant des heures en méditation et en prière, aspirant à attacher leurs âmes à l’Infini. Le mot ‘Habad n’est-il pas un acronyme de ‘Hokhma, Bina, Daat, c’est-à-dire Sagesse, Compréhension et Connaissance ?
Dans quelle étrange ironie de l’histoire cela se transforme-t-il en une armée d’entrepreneurs de mitsva distribuant des bougies, mettant des boîtes en cuir dans les rues, collectant des dons, donnant des accolades ?
Faire descendre les choses
C’est une question qui a également préoccupé l’ancienne génération de ‘Habadniks. Le rav Kahan (affectueusement connu par ses élèves sous le nom de « Reb Yoel ») avait son explication. Il voyait cela comme le résultat organique d’une longue progression atteignant son accomplissement (presque) ultime et naturel.
‘Habad, expliquait-il, consiste à faire descendre le divin et le transcendant au sein de l’esprit, même dans l’esprit très humain, et de là dans le cœur. Tel était l’objectif de Rabbi Chnéour Zalman : utiliser la métaphore de la psyché humaine pour que l’Infini et l’insaisissable puissent pénétrer dans le monde fini de l’expérience humaine et, à partir de là, éveiller l’amour, la crainte et le désir qui brûleraient alors comme une lumière vive dans chaque mot de Torah que nous apprendrions et chaque mitsva que nous ferions.
Dans chacune des sept générations, les sept Rabbis de ‘Habad et leurs ‘hassidim ont œuvré à étendre et développer le riche stock de métaphores et de hasbara dont ils avaient hérité. Leurs méditations, leur travail et leur lutte avec leur propre être intérieur, leurs discours et leurs leçons à leurs disciples, tout cela était centré sur la tâche de faire descendre les choses, de plus en plus bas, afin que même un Juif de capacité intellectuelle moyenne puisse être sincèrement inspiré par ces vérités divines.
C’est ainsi qu’est venu le moment où la sagesse infinie et divine a dû descendre jusqu’à la rue. Le mitsva-tank est vraiment l’expression la plus exquise de la vision originale de Rabbi Chnéour Zalman.
Le revirement
Il doit y avoir quelque chose de plus dans l’explication de Reb Yoel que ce que l’on y voit à première vue. Parce que si c’était là toute l’explication, nous serions en train de révéler des secrets mystiques à l’avocat d’entreprise alors qu’il est enveloppé dans ce cuir noir. Et, oui, il y a ceux qui le font. Mais cela n’a jamais été l’objectif, et cela n’a jamais été présenté comme tel dans les centaines de discours publics dans lesquelles le Rabbi nous a demandé de sortir dans la rue.
L’objectif était : Aimez votre prochain. Aidez-le à faire une mitsva. Chaque Juif veut faire une mitsva. Trouvez laquelle. En voici dix. Choisissez-en une. Faites-la.
Et, de toute évidence, c’est le choc du « Qu’est-ce que je viens de faire ? » plus que toute explication lucide ou révélation de secrets kabbalistiques qui a fait basculer les esprits et les cœurs. Quelque chose s’est réveillé à l’intérieur, quelque chose qu’aucun mot n’aurait pu toucher. Autrement, pourquoi cet avocat froidement rationnel se livrerait-il à un ancien rituel tribal au coin d’une rue ?
L’objectif était : Aimez votre prochainCe n’était pas le point suivant dans un continuum. C’était un saut quantique. Une toute nouvelle expérience. Et c’était un revirement. Tout le système avait été retourné sur sa tête.
Revenons aux rabbins de la Michna, ceux qui ont remis le peuple juif sur pied après la destruction de Jérusalem et une série de massacres génocidaires de la part des Romains. Rabbi Akiva, Rabbi Tarfone et d’autres grands sages d’Israël se sont assis dans la maison d’un homme nommé Nitsah à Lod.
L’objet de la discussion était crucial pour établir qui nous sommes en tant que nation. Les rabbins ont demandé : « Qu’est-ce qui est le plus grand : l’étude de la Torah, ou sa mise en pratique ? »
Rabbi Akiva, l’activiste, le repentant qui avait passé les quarante premières années de sa vie dans l’ignorance, a répondu : « L’étude est plus importante ».
Rabbi Tarfone, le descendant d’une ancienne lignée de prêtres érudits, a dit : « La pratique est plus importante. »
Tous les autres ont répondu par un consensus retentissant : « L’étude est plus importante ! Parce que l’étude mène à la pratique. »
Et telle fut la vie juive pendant les deux millénaires suivants. Comme le démontrent les historiens Maristella Botticini et Zvi Ekstein dans leurs recherches minutieuses consignées dans The Chosen Few, ceux qui envoyaient leurs enfants à l’école chaque matin, qui passaient leurs propres matinées et soirées dans la salle d’étude à étudier les textes et les commentaires, leurs petits-enfants restaient dans la tribu. Ceux qui ne pouvaient tout simplement pas faire l’investissement nécessaire se fondaient, dans la plupart des cas, dans les cultures dominantes des nations qui nous avaient avalés vivants.
Voilà donc ce que nous sommes devenus, voilà comment nos sages et la main de D.ieu dans l’histoire nous ont forgés : un peuple soutenu par l’étude d’une Torah qui nous a appris à vivre, à agir, à faire. Apprenez, et alors vous ferez.
Et pourtant, si le Rabbi avait été présent à cette réunion, je peux entendre sa voix, faisant tranquillement et calmement remarquer : « Dans ma génération, l’action est plus importante, parce que l’action mène à l’étude. »
Et il décrirait comment l’avocat de la Cinquième Avenue, alors qu’on lui retirait de son bras les lanières de cuir des téfiline, a demandé à l’étudiant rabbinique : « Y a-t-il des cours de Talmud dans le coin auxquels je pourrais assister pendant l’heure du déjeuner ? »
Brusquement, dans la seconde moitié du 20e siècle, le paradigme juif a été renversé, la tête au sol et les pieds régnant en maître, et particulièrement par ce groupe ‘hassidique qui, idéologiquement, valorisait par-dessus tout la quête intellectuelle. De brillants lauréats de yeshiva sont devenus des traiteurs de repas casher, des érudits du Talmud et de la philosophie sont devenus des animateurs de jeunesse.
Oui, exprimer le génie en action, c’est une chose. Mais ici, l’accent est mis sur l’action, l’action, l’action.
Réinitialisation du paradigme
En réalité, il n’y a pas eu de changement de paradigme du tout, juste une concentration plus étroite sur l’objectif initial.
‘Habad a toujours cherché à atteindre l’essence des choses : l’essence de la Torah, l’essence d’un Juif, l’essence de D.ieu. Lorsque vous atteignez l’essence, les choses les plus élevées peuvent atteindre les endroits les plus bas et les choses les plus basses s’élèvent aux niveaux les plus élevés. Parce qu’au niveau de l’essence, il n’y a ni supérieur ni inférieur.
C’est ce que le Rabbi a compris : maintenant, dans la modernité de l’après-Shoah, alors que les cœurs s’étaient flétris et rétrécis, que les esprits s’étaient asséchés et que les âmes s’agitaient comme de l’armoise sans racines, il était devenu possible d’accéder au cœur de l’âme d’un Juif.
Chez le Juif de la rue, dépourvu du contexte culturel de l’Ancien Monde, libre du bagage intellectuel de l’Europe, l’essence était devenue éminemment accessible. Pas à travers une idée. Pas à travers un appel émotionnel. À travers l’acte d’une simple mitsva.
Parce que lorsqu’il s’agit de l’essence de l’âme, du judaïsme et de D.ieu, l’action est le point d’accès. Et c’est dans l’action que tout commence.
Lumière ou essence
Le Baal Chem Tov s’appelait Israël, fils d’Eliézer et de Sarah. Rabbi Pin’has de Koritz, l’un de ses plus proches disciples, avait l’habitude de dire que la vie du Baal Chem Tov, c’était D.ieu qui murmurait le nom du peuple juif à son oreille.
C’est une pratique juive : lorsqu’une personne est tombée dans un coma profond et qu’elle ne répond à aucun stimulus, on lui chuchote son nom hébreu à l’oreille. Même si l’esprit et le cœur sont endormis, l’essence est toujours en éveil, et entendre votre propre nom doucement prononcé à votre oreille peut réveiller cette essence.
L’action est le point de départ de toutUne fois que l’essence est éveillée, tout s’éveille. Parce que votre essence est l’essence de l’intégralité de vous.
Rabbi Chnéour Zalman ne se contentait de rien de moins que l’essence. Son petit-fils a raconté les fois où il a vu son grand-père, dans le ravissement de sa prière, s’adresser à D.ieu en s’écriant : « Je ne veux pas de Ton paradis ! Je ne veux pas de Ton jardin d’Éden ! Je ne veux pas de Ta Lumière Infinie... Je ne veux que Toi, Toi seul ! »
Qu’est-ce que l’essence ? Tout d’abord, c’est au-delà de la lumière.
La lumière est belle, mais vous pouvez être pris dans la lumière. L’esprit aime la lumière, car elle apporte la connaissance de choses encore inconnues. Les émotions s’harmonisent quand il y a de la lumière. Vos pensées ont un sens lorsque la lumière les traverse et vos mots sont bien reçus lorsqu’ils sont conçus comme des paquets serrés de lumière.
Pas la lumière qui brille par la fenêtre, pas la lumière qui émane d’une ampoule. Plutôt la lumière qui fait jaillir dans votre esprit une idée, une ingéniosité, une folle innovation. De même que les arbres s’élèvent vers le soleil, tous les êtres humains sains tendent vers la lumière.
Les kabbalistes ont donc appelé D.ieu, « La Lumière Infinie ». Car qu’est-ce qui pourrait être plus élevé que la lumière infinie ? La Kabbale parle de fusionner avec la lumière, d’attirer la lumière vers le bas, de briller avec cette lumière. Tout commence par la lumière.
Mais non, D.ieu n’est pas lumière. La lumière concerne quelque chose : la chose, quelle qu’elle soit, que la lumière révèle. Mais D.ieu ? D.ieu « est » simplement.
Oui, D.ieu a choisi qu’il y ait de la lumière. Et que la lumière parle d’une existence qui la dépasse, de son luminaire, de la source de la lumière. « Et Il vit la lumière, qui était bonne. »
Mais ce serait une erreur d’appeler D.ieu même une source de lumière. Il n’est pas un luminaire comme le soleil ou les étoiles. Il n’a pas besoin de produire de la lumière, et dans toute la lumière qui pourrait jamais briller, Il ne peut pas être connu.
« Pour Toi », chante David dans ses Psaumes, « les ténèbres sont la lumière et la lumière est les ténèbres ».
En effet, écrit Maïmonide, toutes les choses que nous connaissons, toutes les créations, sont des êtres non indispensables. Il n’y a aucune raison obligeant la lumière à être, ou obligeant la matière à être, ou obligeant la physique ou les mathématiques ou la logique ou toute forme d’être à être. Mais D.ieu, Lui, est l’être absolu.
C’est ce que Rabbi Chnéour Zalman voulait toucher. Et le Baal Chem Tov lui a appris que c’était possible. Où ? Dans une simple mitsva d’un simple Juif, faite sans autre motif que « C’est ce que D.ieu veut que je fasse ».
Ainsi, les ‘hassidim du Rabbi ont découvert que l’on pouvait trouver ce combo « Juif simple/simple mitsva » sur la Cinquième Avenue.
Atsmout et larmes
Dans le langage ‘Habad, on appelle ça atsmout. C’est juste un terme pratique pour « D.ieu à l’état brut ». Pas Sa lumière, pas Ses pensées, pas Ses désirs. Juste Lui.
On ne peut pas décrire la atsmout de D.ieu. On ne peut même pas en parler en termes négatifs, pour dire « Dans Son essence, Il n’est pas ceci ou pas cela ». Même l’« existence absolue » de Maïmonide est un compromis.
Pourtant, nous étions là, lors des farbrenguens du Rabbi au 770, et nous avons vu le Rabbi sangloter à la mention de l’atsmout de D.ieu. « Aucune pensée ne peut Le saisir, disait le Rabbi, citant le Zohar, et pourtant Il est saisi dans le désir du cœur de se lier à Lui ».
« Mais non, ce n’est pas encore Lui, pas Lui dans Son atsmout, car il y a un cœur, et il y a un désir. S’il y a quelque chose d’autre que juste Lui, cela ne peut pas être atsmout. Parce que, essentiellement, il n’y a rien d’autre que Lui. »
« On Le saisit donc dans une dévotion totale et une absence de tout sentiment de soi, juste pour faire Sa volonté. Surtout quand Sa volonté n’est pas la vôtre, quand vous n’avez pas envie de l’accomplir, quand vous ne comprenez pas pourquoi vous devriez le faire, quand vous n’avez aucun désir, aucun plaisir, et qu’il devrait vous être totalement impossible de le faire – et pourtant quelque chose de beaucoup plus profond à l’intérieur, de beaucoup plus essentiel, de plus fondamental pour vous-même que votre propre volonté, quelque chose émerge et vous faites néanmoins Sa volonté, juste parce que c’est Sa volonté. »
« Et pourtant, ce n’est même pas en cela que se trouve Son atsmout. Parce que même là, il y a Lui et il y a vous qui faites Sa volonté. »
« Mais dans l’acte physique brut d’une mitsva, juste le fait qu’elle ait été faite, en cela il n’y a rien d’autre que Lui. »
Voilà, encore une fois, un renversement complet. Pour les philosophes, les éthiciens, les kabbalistes, tous ceux qui ont expliqué la signification et le but des mitsvas à travers les âges, l’élément crucial et central de toute mitsva était sa kavanah – la concentration mentale et émotionnelle que vous avez investie dans cette mitsva. Rabbi ‘Haïm ibn Attar, plusieurs élèves du Baal Chem Tov et Rabbi Chnéour Zalman lui-même citent « les sages » (l’origine semble avoir été perdue) qui disent : « Une mitsva sans kavanah est comme un corps sans âme. »
Mais tout cela parle de lumière. Ici, nous parlons d’essence. Atsmout. D.ieu Lui-même. Si vous pouvez l’approcher avec votre esprit, le toucher avec votre cœur, ce n’est pas l’essence.
Cette essence-là, vous ne pouvez la toucher qu’avec vos mains.
Matière et lumière
Pensez à la matière. Nous avons dit que D.ieu n’est pas la lumière parce qu’Il n’est lié à rien. Il est, tout simplement.
Les mots et les pensées sont liés à quelque chose. Les émotions sont liées à quelque chose. L’intellect est lié à quelque chose. Même le désir est lié à quelque chose.
Que connaissez-vous qui ne soit lié a rien, qui est tout simplement ?
La matière. De la matière toute simple telle que nous la connaissons dans notre univers.
Bien sûr, c’est une illusion. Nous savons tous que la matière est soutenue à chaque instant par une dynamique énergétique perpétuelle.
La matière est une chose qui existe, tout simplement. Il en est de même d’une simple mitsva.Mais dans l’expérience subjective d’un être humain, la matière est une chose qui existe tout simplement.
Et c’est le cas d’une simple mitsva. La boîte en cuir contenant des parchemins était sur la table ; elle est maintenant sur votre tête. Les bougies sur votre table de Chabbat n’étaient pas allumées. Maintenant, elles sont allumées. La matsa qui reposait sur votre table le soir de Pessa’h a maintenant été mangée. Le shofar a été sonné et vous avez entendu. Votre estomac est resté vide à Yom Kippour.
Peut-être aviez-vous la kavanah, peut-être pas. C’est une mitsva, et la mitsva a été faite. Avec toute la kavanah du monde, il n’y aurait pas de mitsva sans l’action de la faire. Mais si l’action a été faite, même sans une once de sentiment ou de sens, une mitsva a été faite.
Avez-vous donné à D.ieu quelque chose qu’il n’avait pas auparavant ?
Oui, parce qu’Il a voulu que vous existiez, en tant qu’incarnation de Son désir et de Son amour, et Il a désiré que vous fassiez cette mitsva, d’un désir qui contient toute Son essence. Et cela a été fait.
Pourquoi désire-t-Il cela ? Il peut désirer ce qu’Il veut. Ou ne pas désirer du tout. Il est, tout simplement. C’est de là que vient une mitsva : de Lui tel qu’il est.
Et c’est pourquoi l’élément le plus crucial d’une mitsva est simplement qu’elle soit faite. Et, le plus souvent, avec du matériel physique qui paraît être une chose qui est simplement. Et la meilleure façon de la faire est qu’elle soit faite par un Juif qui fait la mitsva juste parce que c’est une mitsva.
Dans le monde physique, dans une simple mitsva, l’essence rencontre l’essence.
Lumière de l’essence
Mais ce n’est que le commencement.
Lorsque, dans toutes les générations précédentes, l’accent était entièrement mis sur la lumière, alors l’accomplissement ultime de cette lumière était d’entrer dans la parole et l’action. C’était la « grandeur » de l’étude : l’intensité de la lumière qu’elle atteignait lorsqu’elle débordait de ses limites et descendait dans l’action.
Mais maintenant que nos corps et nos âmes sont saturés par trois mille cinq cents ans de cette lumière, c’est au tour de l’action de briller.
Comment l’action peut-elle briller ? Comment l’action peut-elle informer la kavanah. Comment le corps peut-il informer l’âme ?
Il partage son sens du néant. Son intuition unique qu’il n’est rien d’autre que Lui. Et il révèle cet atsmout dans la Torah.
Il dit : « Chères émotions merveilleuses et profondes, chères précieuses et belles idées ! Vous brillez d’une lumière si intense, vous dites tant de choses d’une telle richesse. »
« Mais sachez qu’il n’y a rien en vous qui soit obligé d’être. Sachez que si D.ieu l’avait voulu, Il aurait pu agencer Ses idées dans la Torah de quelque manière qui lui plairait, les significations de ses mitsvas auraient pu prendre n’importe quelle forme, ou aucune. »
« Vous êtes beaux et précieux uniquement parce qu’Il vous a choisis pour être ainsi. Parce que vous êtes la lumière au sein de laquelle D.ieu, dans toute Son essence, a choisi de nous laisser Le toucher, de nous lier à Lui, de devenir un avec Lui. »
C’est ce qu’on appelle une essence-lumière. En vérité, l’essence ne devrait pas être capable de briller dans notre monde, ni dans aucun monde. Il n’y a aucune expression de l’essence, aucune information à diffuser.
Mais ici, elle brille. Elle brille de la lumière d’un monde à venir.
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