C’est l’histoire d’un rouleau de la Torah très spécial, acheté peu après la Seconde Guerre mondiale par le rabbin Pin’has Sudak, alors que lui et sa famille fuyaient la Russie stalinienne.
S’échapper de la Russie sous le régime communiste était très dangereux. La première étape du voyage était de passer de Russie en Pologne.

Mais c’était seulement le début. Ils devaient encore se rendre de Pologne à Prague en Tchécoslovaquie.
Les Sudak étaient avec un groupe de quarante-six autres ‘hassidim Loubavitch qui espéraient également s’échapper. Anxieusement, ils attendaient l’occasion de sortir de Russie.
Alors qu’ils étaient encore à Cracovie, en Pologne, Rav Pin’has rencontra un juif qui avait un rouleau de la Torah à vendre. Cela lui sembla extraordinaire, il était clair pour lui que cela avait été arrangé par D.ieu. Immédiatement, il décida d’acheter la Torah avec de l’argent qu’il avait réussi à faire sortir clandestinement de Russie.
« Un si grand groupe de Juifs ne peut pas voyager sans un Sefer Torah », dit-il. Il acheta la Torah, et fit rapidement fabriquer une boîte en bois pour la protéger.
Finalement, le moment arriva de se remettre en voyage. Il était tard dans la nuit quand ils partirent. Personne ne fut autorisé à emporter plus que le strict nécessaire, tout le reste dut être abandonné. Dans l’obscurité de la nuit, le voyage commença. Rav Pin’has, sa femme et ses trois enfants tenaient fermement une corde rugueuse pour rester groupés. Silencieusement, ils marchèrent avec difficulté à travers la forêt dense, Rav Pin’has serrant son cher Sefer Torah, sa femme Batya portant leur plus jeune enfant.
Le chemin était difficile. Au fil des heures, la femme de Rav Pin’has se sentit de plus en plus fatiguée. Finalement, elle ne pouvait plus porter l’enfant. Elle fit signe à son mari de prendre le bébé.
Rav Pin’has comprit tout de suite que s’il prenait le bébé, il devrait abandonner la Torah.
Les larmes aux yeux, il dit : « Pardonne-moi, ma chère Torah. Mais c’est toi ou mon enfant. Je dois te laisser maintenant, pour que mes enfants et les enfants de mes enfants puissent t’avoir dans leur vie. »
En pleurant, il embrassa une dernière fois le précieux parchemin, le déposa doucement dans sa boîte et le plaça sous un arbre. Puis il prit son enfant dans ses bras et repris le chemin.
Ils réussirent à atteindre leur destination. Ils franchirent le Rideau de Fer vers la liberté et s’installèrent en Terre d’Israël.
Le temps passa. Les enfants de Rav Pin’has grandirent, ils se marièrent et établirent des foyers dans des communautés où ils devinrent des rabbins et des enseignants, partageant avec d’autres la foi en la Torah et le judaïsme qu’ils avaient reçue de leurs parents.

Cinquante ans passèrent. La fille du Rav Pin’has, la Rabbanit Batsheva Schochet, elle-même déjà grand-mère, rendait visite à des amis en Californie.
Pendant son séjour, elle rendit visite à une amie de la famille, Mme Faigy Estulin. Ils évoquèrent le passé et Faigy raconta comment sa famille s’était également échappée de Russie après la guerre.
« C’est une histoire extraordinaire, dit-elle. Alors que mes parents se frayaient un chemin à travers les bois, ma sœur aînée, qui n’avait alors que cinq ans, s’est éloignée. La forêt était d’un noir absolu. Personne ne pouvait rien voir. Personne ne savait où elle était allée. Tout le monde était paniqué.
« Frénétiquement, ils ont cherché l’enfant, rampant sur les mains et les genoux, tâtonnant parmi les buissons et les branches sur le sol.
« Puis, soudain, la main de mon père toucha quelque chose de dur et de lisse, pas une branche ou une racine d’arbre. C’était une boîte en bois. Il ouvrit le couvercle et à son étonnement, il trouva un Sefer Torah à l’intérieur. Et là, assise juste à côté de la boîte, se trouvait sa petite fille, ma sœur !
« Il ne pouvait pas y croire. Il embrassa la Torah. Et il embrassa sa petite fille. Et il embrassa de nouveau la Torah, et il embrassa sa fille encore et encore, encore et encore.
« Puis il prit la Torah de sa boîte et l’enroula autour de son corps, l’attachant autour de sa taille avec son gartel, la ceinture qu’il mettait pour prier. C’est ainsi qu’il emporta la Torah avec lui, tout au long de leur voyage.
« En fin de compte, ils arrivèrent à la liberté. Ils apportèrent le Sefer Torah avec eux en Amérique, et à ce jour, il est utilisé dans une shoul à New York.
« Mon père a la chance d’avoir une bonne santé et une longue vie. Personne dans notre famille n’a le moindre doute que cette bénédiction est due au fait qu’il a sauvé le Sefer Torah », conclut-elle.
En entendant ces mots, le visage de la fille de Rav Pin’has, Batsheva Schochet, pâlit. Des larmes se mirent à couler de ses yeux.
L’histoire du Sefer Torah de Rav Pin’has avait bouclé la boucle.
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