« Sang, grenouilles, poux, animaux sauvages, peste, furoncles, grêle, sauterelles, ténèbres, mort des premiers-nés. »

Cette liste, familière à tous les participants au Séder, est celle des dix makkot que D.ieu infligea au pays d’Égypte avant de libérer les Enfants d’Israël de l’esclavage égyptien.

Qu’est-ce qu’une makkah ? Ce terme hébreu est souvent traduit par « plaie », comme dans l’expression « Les Dix Plaies ». Une traduction plus précise du mot makkah cependant est « coup », comme dans « Bim ! ». Il ne s’agit pas seulement de punir les Égyptiens et de libérer les Juifs, mais aussi de frapper et de briser quelque chose.

Une chose qui semble recevoir de nombreux coups dans cette histoire est le Nil : la plupart des makkot sont soit infligées directement au fleuve (son eau se transforme en sang ou engendre des millions de grenouilles), soit elles sont accomplies sur ses rives.

Pourquoi frapper un fleuve ? Parce que le Nil égyptien n’est pas seulement un fleuve. C’est une idée, une approche de la vie. Et briser cette idée dans nos têtes est l’idée centrale de l’Exode.


Quarante ans après leur sortie d’Égypte, à la veille de leur entrée en Terre Sainte, Moïse dit aux Enfants d’Israël :

Car le pays dans lequel tu te rends pour en hériter ne ressemble pas au pays d’Égypte d’où vous êtes sortis, où tu semais ta graine et que tu arrosais de ton pied comme un jardin potager.

Le pays que vous allez conquérir est un pays de montagnes et de vallées, abreuvé par les pluies du ciel.

Un pays que l’Éternel ton D.ieu scrute, constamment les yeux de l’Éternel ton D.ieu sont dessus, depuis le commencement de l’année jusqu'à la fin de l’année. (Deutéronome 11,10-12)

Les commentaires expliquent que « la terre d’Égypte ne boit pas l’eau de pluie ; c’est le Nil qui l’arrose lors de sa crue ». L’Égyptien qui considère sa source de subsistance voit un puissant fleuve dont le niveau monte, régulier comme une horloge, pour inonder ses rives et remplir les réservoirs qu’il y a préparés. Marchant en cercles avec ses pieds, il actionne une roue pour faire monter l’eau jusqu’aux fossés d’irrigation qui sillonnent ses champs. Pas une fois, dans toute sa carrière d’agriculteur, il n’a levé les yeux vers le haut.

Le fermier israélite, en revanche, boit l’eau de la pluie du ciel. Sa source de subsistance n’est ni régulière ni prévisible. Elle ne s’élève pas d’un canal creusé dans la terre, et elle n’est pas non plus tirée d’un trou dans le sol. Ses yeux sont toujours dressés vers le haut, dans l’espérance et l’attente, et dans la foi que la vie pleuvra effectivement d’En haut.

Il est vrai que la pluie vient aussi d’en bas. Selon Genèse 2,6 : « Une vapeur s’élève de la terre et abreuve la face de la terre ». D.ieu ne nous a pas créés pour être des destinataires passifs d’un flux unilatéral de subsistance venant du ciel. Notre labeur et nos efforts, notre initiative et notre créativité, poussés par le soleil chauffant de la puissance et de l’inspiration divinement conférées à nous, s’élèvent de la terre telles des brumes pour aller flotter comme des nuages dans les cieux, d’où ils nous reviennent comme bénédictions de la vie. Mais la conscience que tout cela est orchestré et dirigé d’en haut demeure omniprésente. Le point de référence n’est pas la terre, mais le ciel.

Frappez le fleuve, commanda D.ieu à Moïse. Nous devons briser le Nil dans les têtes de Mon peuple, afin de pouvoir les amener dans le pays qui boit l’eau de la pluie des cieux.