On appelait cela du pain, mais c’était de la matsa. Il demeurait à l’air libre pendant une semaine mais ne devenait pas rassis. Et sa préparation nécessitait une expertise particulière.
C’était le Pain de Proposition, le pain du Tabernacle (le Temple portatif) et, plus tard, du Saint Temple.
Du pain pour le Créateur
Quand D.ieu commanda aux enfants d’Israël de faire un Tabernacle, Il donna une longue liste détaillée de tous les ustensiles qui devraient y être utilisés. Parmi eux se trouvait une table en or. Le Pain de Proposition devait être placé sur la Table : « Et tu placeras sur la Table des Pains de Proposition, en permanence devant Moi. »1
La Torah nous donne plus de détails sur cette mitsva – le nombre de pains devant se trouver sur la Table, leur poids et le jour de la semaine où ils doivent être offerts au Créateur :
Tu prendras de la fleur de farine, et tu en cuiras 12 pains. Chaque pain sera fait de deux dixièmes d’une eifah (2,7 litres). Tu disposeras ces pains en deux piles, six par pile, sur la table pure, devant l’Éternel. Tu mettras de l’encens pur à côté de ces piles. Ce sera la partie commémorative, une offrande de feu à D.ieu. Chaque Chabbat, ces pains devront être placés devant D.ieu – c’est une alliance éternelle que cela doit venir des enfants d’Israël. Le [pain] sera donné à Aaron et à ses descendants pour qu’il soit mangé dans un lieu saint, car c’est une offrande de feu à D.ieu éminemment sainte. C’est une loi éternelle.2
De ce passage, nous apprenons que le Pain de Proposition était placé sur la Table en deux piles, chaque pile contenant six pains. De l’encens (une résine extraite de l’arbre Boswellia sacra) était placé sur la Table avec le Pain de Proposition. Des pains frais remplaçaient les anciens sur la Table chaque Chabbat, et les Kohanim (les prêtres) mangeaient les pains qui avaient été retirés de la Table.
Les artisans du pain
À quoi ressemblaient les miches de Pain de Proposition ? Le Talmud cite différentes opinions.
Selon Rabbi ‘Hanina, les pains étaient confectionnés « comme une arche ouverte », mais selon Rabbi Yo’hanane, ils ressemblaient « à un bateau dansant ».3
Que signifient ces images ?
Rachi4 estime qu’une « arche ouverte » est comme un « ‘het » renversé (ח, la huitième lettre de l’alphabet hébraïque). En d’autres termes, chaque pain ressemblait à une boîte à deux côtés sans couvercle. Le Rambam (Maïmonide),5 dit quant à lui que les bords supérieurs des pains étaient rabattus vers l’intérieur, de sorte que les pains ressemblaient à une boîte à deux côtés dont les rabats supérieurs étaient légèrement repliés au dedans.
Et à quoi ressemble « un bateau qui danse » ? Selon Rachi, il s’agit de la forme d’un navire dont la coque est étroite là où elle touche l’eau, mais plus large vers le haut. Comme le navire repose sur une base étroite, il n’est pas très stable et il « danse ». Dans son commentaire sur le Talmud, Rachi fait un dessin qui ressemble à la lettre V. Cependant, les Baalei HaTossefot (un autre commentaire du Talmud) disent qu’en-haut de la forme en V, les côtés des pains se dressaient droit.
Quelle que soit sa forme, la cuisson du Pain de Proposition était un véritable art.
Rappelez-vous que :
- Les pains avaient une forme unique et devaient rester entiers et intacts pendant la cuisson et après.
- Les pains étaient exposés à l’air pendant une semaine entière, et ils devaient avoir été faits selon une recette spéciale, car ils n’ont jamais moisi et ne se sont jamais desséchés.
- Les pains devaient être cuits rapidement pour ne pas devenir ‘hamets (c’est-à-dire pour ne pas lever).
- Les pains étaient assez gros, pesant chacun près de cinq kilogrammes.
Le Talmud6 nous dit qu’il y avait une famille nommée Garmou qui était experte dans la préparation du Pain de Proposition. Les sages leur ont demandé d’enseigner aux autres les secrets de cette préparation, mais ils refusèrent et furent renvoyés. Des spécialistes venus d’Alexandrie en Égypte savaient comment mener à bien la cuisson, mais ils ne savaient pas comment retirer les pains du four aussi bien que les Garmou, et malgré leurs nombreuses tentatives, leurs pains devenaient moisis. Les Garmou furent rappelés et réintégrés dans leur fonction et le Pain de Proposition fut de nouveau offert. Lorsqu’on leur demanda pourquoi ils ne voulaient enseigner à personne leur secret de fabrication, ils répondirent : « Nous savons que le Temple sera détruit et nous craignons qu’un homme indigne apprenne à cuire le Pain de Proposition et l’utilise pour servir une idole. »
En outre, la famille Garmou était connue pour son honnêteté. Le Pain de Proposition était fabriqué à partir de farine propre tamisée à plusieurs reprises. La famille ne consommait jamais de pain à base de farine fine, mais uniquement du pain simple et rustique, afin que personne ne les soupçonne d’utiliser la farine du Le’hem Hapanim pour ses propres repas.
Que faisait-on avec le Pain de Proposition ?
Les miches de Pain de Proposition étaient placées sur la Table dans le Tabernacle et, plus tard, dans le Temple. Elles étaient disposées en deux piles de six pains chacune, des roseaux séparant les pains.
Chaque Chabbat, après le sacrifice de Min’ha (l’après-midi), les anciens pains étaient remplacés par de nouveaux pains. Les anciens pains étaient donnés aux Kohanim pour qu’ils les mangent.
Le sens de ce nom
En hébreu, le Pain de Proposition est appelé Le’hem Hapanim, ce qui se traduit littéralement par « pain de visage ». Le Talmud dit qu’il s’appelait ainsi parce qu’il avait plusieurs « visages », c’est-à-dire plusieurs côtés.7 La traduction araméenne du verset par Yonatan ben Ouziel dit que le Pain de Proposition tire son nom du fait qu’il se trouvait à l’intérieur (« pnim ») de la salle du Tabernacle et du Temple.
Pourquoi le Pain de Proposition ?
Maïmonide8 dit qu’il n’a pas été en mesure de trouver des explications à cette mitsva. Cependant, différentes explications ont été données au fil des années et l’on retrouve un message central qui est commun à toutes les explications : le Pain de Proposition symbolise l’abondance matérielle que D.ieu accorde aux Juifs. C’est un rappel permanent que nos moyens de subsistance et notre nourriture ne proviennent que de D.ieu.
Trois fois par an, lorsque les enfants d’Israël se rendaient au pèlerinage au Saint Temple – lors de Pessa’h, de Chavouot et de Soukkot – on leur montrait la Table et le Pain de Proposition. « Regardez comme vous êtes aimés de D.ieu ! », leur disaient les Kohanim en leur montrant le Pain de Proposition qui restait chaud et frais bien qu’il soit demeuré à l’extérieur toute la semaine.9
Le Talmud10 nous dit : « Si une personne veut devenir riche, elle doit pointer ses pieds vers le nord quand elle prie. » La Table était située au nord du Temple et le Pain de Proposition servait de rappel permanent de la générosité de D.ieu, et de canal pour l’abondance et la prospérité.
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