C’était l’époque où il ne s’était pas encore publiquement révélé comme étant le chef du mouvement hassidique. Il voyageait dans l’anonymat, allant de ville en village dans les Carpates. C’était l’une de ses saintes habitudes que de demander à chaque Juif qu’il rencontrait – homme ou femme, jeune ou vieux – comment il allait, s’il gagnait sa vie suffisamment, etc. L’un de ses plus grands plaisirs était d’entendre leurs réponses, des réponses qui venaient du cœur, car ils lui répondaient avec des paroles de louanges à D.ieu. Chaque réponse contenait un « D.ieu merci » ou un « D.ieu soit loué ».

Il arriva un jour dans une petite bourgade et se mit à s’enquérir de la situation des Juifs qu’il rencontrait, comme il en avait l’habitude, pour les amener à prononcer des paroles de gratitude envers l’Éternel et ainsi manifester leur foi et leur mérite.

Dans cette ville vivait un très vieil homme, un grand érudit, qui vivait à l’écart des choses du monde. Pendant plus d’un demi-siècle, il s’était livré à l’étude de la Torah jour et nuit, dans le détachement et la sainteté. Chaque jour, il étudiait, enveloppé de son Talith et revêtu de ses Téfiline, jusqu’à l’office de l’après-midi, et ne mangeait rien de toute la journée, jusqu’à ce qu’il eut fait la prière du soir. C’est seulement alors qu’il prenait un peu de pain et d’eau.

Quand le Baal Chem Tov pénétra dans la petite pièce au fond de la Synagogue où il étudiait, il demanda au vieillard des nouvelles de sa santé et de sa situation matérielle, mais l’homme ne leva pas les yeux vers le Baal Chem Tov qui était vêtu comme un paysan. Celui-ci réitéra sa question plusieurs fois, jusqu’à ce que le sage s’irrite et lui fasse signe de quitter la pièce.

Le Baal Chem Tov lui dit alors : « Rabbi, pourquoi ne donnez-vous pas à D.ieu sa subsistance ? »

Entendant cela, le vieil homme fut décontenancé : un paysan se tenait devant lui, parlant de D.ieu et de la nécessité de subvenir à Ses besoins !

Lisant dans ses pensées, le Baal Chem Tov dit :

« Les Juifs vivent grâce à la subsistance que D.ieu leur octroie. Mais qu’est-ce sustente D.ieu pour qu’Il puisse, pour ainsi dire, continuer “d’habiter” le monde ?

« C’est ce que voulait dire le roi David, quand il écrivit dans le Psaume 22 : “Tu es Saint, Toi qui habites les louanges d’Israël.”

« “Tu”, Toi, le Maître de l’Univers, “es Saint”, c’est-à-dire au-delà du monde. Quelle est donc Ta subsistance, qui Te permet de “l’habiter” ? Ce sont “les louanges d’Israël”. Il est sustenté par les louanges et la gratitude qu’expriment les Juifs pour la santé et la subsistance qu’Il leur dispense. Et du fait de ces louanges, Il leur accorde des enfants, la santé et de la nourriture, en abondance. »