En 1492, les Juifs furent expulsés d’Espagne. Certains se tournèrent vers l’Ouest pour découvrir les Amériques, mais la plupart d’entre eux partirent à l’Est, en Turquie, et ce fut au commencement du seizième siècle qu’un certain nombre de Juifs s’installèrent en Terre Sainte dans la ville de Safed.

Pendant une période de quatre-vingts ans, il y eut une renaissance de la vie et de l’activité juives dans cette ville mystique qui allait profondément remodeler le monde juif.

Le rabbin de la ville n’était autre que le célèbre Rabbi Joseph Karo. Après avoir écrit son œuvre monumentale Beth Yosef dans laquelle il retrace la source et l’origine de la loi juive contemporaine, il résuma toutes les lois pratiques dans son Code de la Loi juive (le Choul’hane Aroukh).

Les mystiques de la ville étaient non moins célèbres. Rabbi Moïse Cordevero, connu sous l’acronyme Ramak, écrivit un ouvrage kabbalistique monumental appelé Pardès Rimonim. Cependant, le plus célèbre kabbaliste de l’époque fut Rabbi Isaac Louria (1534-1572), universellement connu comme « le Arizal », acronyme du « divin Rabbi Isaac, de mémoire bénie ».

Bien que le Arizal n’ait vécu que 38 ans, il possédait une âme phénoménale, et tous les secrets de la création lui étaient révélés. Ce ne fut que dans les deux dernières années de sa vie qu’il rencontra son principal disciple, Rabbi ‘Haïm Vital. Le Arizal n’écrivit pas lui-même de livres, mais toutes ses paroles furent fidèlement consignées par Rabbi ‘Haïm Vital dans ce qui est appelé Kitvei Ari, « les écrits du Arizal ».

Le Zohar est difficile à déchiffrer sans une connaissance approfondie et la direction d’un maître. La relation principale entre les Kitvei Ari et le Zohar est que, sans les enseignements du Arizal, le Zohar n’est pas très intelligible. On peut certes étudier le Zohar, qui est un texte très poétique, mais il est difficile d’y déceler un système ou une structure. Une fois que l’on est versé dans les Kitvei Ari, cependant, l’enseignement du Zohar commence à émerger.

Le principal ouvrage au sein des Kitvei Ari est le Ets ‘Haïm (l’Arbre de Vie), qui expose les fondements théoriques de la Kabbale. Pour celui qui a maîtrisé le contenu de cet ouvrage, le reste est essentiellement révélé. Ensuite, le Pri Ets ‘Haïm (le Fruit de l’Arbre de Vie) et le Chaar HaKavanot (Porte des Méditations) montrent une façon d’appliquer les différents enseignements du Ets ‘Haïm à toutes sortes de situations quotidiennes telles que la méditation au moment de mettre les tsitsit ou les téfilines, lorsque l’on prie ou en consommant la matsa à Pessa’h.

C’est à ce stade que furent produites les œuvres connues sous le nom Chemonah Chearim (Huit Portes). La première porte, Chaar HaHakdamot (Porte des Introductions), couvre le même terrain théorique que le Ets ‘Haïm. La seconde est Chaar Maamarei Rachbi, la « Porte des Enseignements du Zohar ». La troisième est Chaar Maamarei ‘Hazal, la « Porte des Enseignements Talmudiques ». La quatrième est Chaar HaPsoukim, la « Porte des Versets Bibliques ». La cinquième est Chaar Hamitsvot, la « Porte des Commandements ». La sixième est Chaar HaKavanot, la « Porte des Méditations ». La septième est Chaar Roua’h HaKodech, la « Porte de l’Inspiration Divine ». La huitième est Chaar HaGuilgoulim, la « Porte des Réincarnations ». À bien des égards, le Chaar Roua’h Hakodech, qui est une récapitulation générale et décrit comment utiliser le système du Arizal comme une discipline méditative, est la clé de tous les Kitvei Ari, parce que toutes les portes précédentes traitent de la théorie tandis que le Chaar Roua’h Hakodech enseigne comment mettre tous ces enseignements en pratique.

Ce fut le Arizal qui synthétisa la Kabbale en un système global. Aujourd’hui, nous faisons référence à ce système comme étant « la Kabbale Lourianique ». Rabbi ‘Haïm Vital écrivit au nom du Arizal qu’« il est une Mitsva de révéler cette sagesse ». Cela signifie que, bien que jusqu’à la période du Arizal, la connaissance de la Kabbale était réservée à un cercle restreint de mystiques, le temps était désormais venu que ses enseignements soient largement diffusés. L’école de la Kabbale Lourianique, qui suit les enseignements du Arizal et de ses disciples, a révolutionné le monde juif et popularisé l’étude de la Kabbale.