Adapté du discours du Rabbi
du Chabbat Vayéchev,
23 Kislev 5752 (1991)
Suite aux nombreux discours consacrés ces deniers temps1 au thème de la Délivrance messianique au seuil de laquelle nous nous trouvons, il est nécessaire d’en clarifier un point central : dans la mesure où la Délivrance messianique constitue un évènement de portée mondiale, qui touchera l’ensemble de l’humanité, il est légitime de chercher à distinguer les changements profonds qui ont d’ores et déjà dû intervenir à l’échelle mondiale et qui attestent que nous en sommes plus proches que jamais.
Le but profond de la Diaspora
La ‘Hassidout enseigne que, bien que la dispersion des Enfants d’Israël aux quatre coins du monde apparaisse superficiellement comme un sujet négatif, il s’agit en réalité d’un bienfait de D.ieu. Les Sages ont dit à ce propos : « D.ieu a fait preuve de charité en dispersant les Enfants d’Israël parmi les nations. »2 En effet, en y étant établis de façon stable, les Juifs imprègnent leurs pays de résidence respectifs de la Torah et des Mitsvot, d’une manière qui s’inscrit dans les modalités et les us propres à la nature de chaque endroit.
Le Midrache stipule en effet « Lorsque tu te rends dans une cité, adoptes-en les usages »3 (dans le respect des lois de la Torah). Ce principe se retrouve cela dans la Halakha, la Loi juive : « Un principe fondamental des règles du commerce veut que les affaires soient traitées dans la langue des habitants de l’endroit et d’après la coutume locale. »4 Ainsi la Torah confère-t-elle une importance particulière et une validité juridique à la coutume locale non-juive. Ceci permet d’exploiter ces usages au profit du service divin, selon les injonctions rabbinique « Que tous tes actes soient accomplis au nom du Ciel »5 et biblique : « Dans toutes tes voies, connais-Le ».6
C’est dans cette perspective que la ‘Hassidout explique l’enseignement talmudique selon lequel « D.ieu a exilé le peuple juif parmi les nations dans le seul but que s’y rajoutent des convertis »7 : dans une lecture plus profonde de ce texte, la ‘Hassidout enseigne que le terme « des convertis » représente ici les « étincelles de sainteté » présentes en tous lieux et que le peuple juif a pour mission « d’élever » et de révéler en exploitant les paramètres et les coutumes de l’endroit pour le service divin. Cela s’avère donc bénéfique pour le peuple juif, de par l’élévation consécutive à ce travail de raffinement du monde.
Cela permet de comprendre l’importance du fait que des Juifs se soient établis en de si nombreux endroits : c’est précisément lorsque l’on est implanté dans un certain milieu et que l’on en maîtrise parfaitement les usages que l’on crée pleinement « une demeure pour D.ieu dans les mondes inférieurs ».8 Le fait que le Midrache utilise l’expression plurielle « les mondes inférieurs » pour désigner le monde matériel montre qu’il est important que ce travail soit réalisé en respectant la diversité du monde, c’est-à-dire en se conformant à la coutume locale. En effet, chaque endroit étant caractérisé par une mentalité et une façon de vivre spécifiques, ce n’est qu’en y étant parfaitement intégré que l’on peut l’influencer de l’intérieur.
La transformation du monde
Dans ce travail de raffinement de l’endroit en fonction de ses caractéristiques, il existe deux niveaux : le premier est atteint lorsque la sainteté filtre à l’intérieur même des dimensions de cette réalité locale, mais sans que cette dernière ne s’élève pour autant et devienne sainte à son tour. Dans ce cas, le monde « inférieur » reste indépendant des dimensions « supérieures » dont il se borne à recevoir l’influence.
Le deuxième niveau est lorsque l’on révèle D.ieu Lui-même tel qu’Il est présent dans cette réalité « inférieure ». Dès lors, celle-ci ne faisant plus qu’un avec les dimensions « supérieures » ne nécessite plus d’apport de la source de la sainteté puisqu’elle est devenue elle-même à l’image de la source. Ceci est réalisé par l’édification en cet endroit d’institutions dédiées à l’enseignement de la Torah.
Ce qui précède nous permet de comprendre la qualité particulière de notre génération. La dispersion du peuple juif à travers le monde n’a jamais été aussi importante. Les Juifs se sont disséminés au fil des générations au point où il s’en trouve aujourd’hui dans tous les coins du monde, qui accomplissent la Torah et les Mitsvot et même qui dirigent des institutions de Torah. Il suffit d’une brève réflexion pour constater l’élévation de notre génération par rapport à celles qui l’ont précédée.
Les effets négatifs de la Révolution française
Cette réalité s’exprime dans toute sa puissance dans le cadre du raffinement spirituel de la France. Nous voyons en effet que la France est singularisée dans la prophétie d’Ovadia qui traite de l’exil et de la Délivrance : « Et les exilés de cette légion d’Enfants d’Israël (le début de l’exil),… jusqu’à Tsarfat (la France)… possèderont les villes du Sud. Et des libérateurs monteront sur la montagne de Sion pour se faire les justiciers de la montagne d’Esaü et la royauté appartiendra à l’Éternel. »9 Il ressort de cela qu’il existe un lien profond entre ce pays et la Délivrance messianique. La raison en est que la plénitude du raffinement du monde est atteinte par le raffinement et l’élévation de la France.
L’explication à cela nous est fournie par le fait que, lors de la guerre qui opposa la Russie à la France, l’Admour Hazakène (le premier Rabbi de ‘Habad-Loubavitch) fut d’avis qu’il était préférable pour le peuple juif que le tsar Alexandre de Russie l’emportât sur Napoléon. Il expliqua cela par le fait que, si Napoléon gagnait, la situation matérielle des Juifs serait certes allégée, mais un désastre aurait lieu sur le plan spirituel, car la France (sous le règne de Napoléon) s’était posée comme celle qui apportait l’esprit de « liberté » vis-à-vis de tout ce qui concernait la religion et la foi en D.ieu.
Et cette « klippa », cette force négative de la royauté française (Napoléon) qui était « la vigueur même du mal » du fait de « l’orgueil et la vanité d’attribuer son succès à sa propre force en balayant la notion de Providence Divine, de foi et de confiance en D.ieu » (à l’instar de Sénachérib), telle que l’a décrite l’Admour Haemtsayi,10 ne constitua pas un phénomène provisoire, mais se propagea au cours des générations qui suivirent.
C’est en effet une réalité historique bien connue que la Révolution française de 5549-1789 (suite à laquelle, quelques années plus tard, Napoléon devint le maître de la France) fut également une révolution idéologique dont la portée fut telle qu’elle entraîna un changement radical dans le monde entier. Elle fut l’un des évènements majeurs qui ont constitué les fondements de la conduite du « monde moderne » et de la « culture », jusqu’à nos jours :
Jusqu’à la Révolution, le gouvernement de la France (et de la plupart des pays) était l’affaire d’un roi et d’une reine qui dirigeaient le pays comme bon leur semblait. La Révolution, basée sur l’idée que les gens sont libres de se comporter comme ils le souhaitent, chassa le roi et la reine du pouvoir pour soustraire le pays à leur dictature, le gouvernement passant entre les mains des représentants du peuple.
L’aspect positif de cela est qu’il en découla plus de liberté sur le plan matériel, plus de justice, etc, et que cela apporta la liberté et la prospérité aux Juifs. Mais, dans la mesure où cette Révolution n’était pas basée sur la foi et la confiance en D.ieu, elle ouvrit la porte (en particulier sous Napoléon) à l’affranchissement vis-à-vis de la spiritualité et de la religion, au rejet de l’autorité divine et à un comportement dévoyé, etc, ce qui exerça une influence sur plusieurs pays à cette époque et dans les périodes qui suivirent.
Pour cette raison, l’Admour Hazakène s’est opposé de toutes ses forces à Napoléon et pria pour qu’il perde la guerre. Cela était si grave à ses yeux qu’il refusa de se trouver sur un territoire sous domination française. Il quitta ainsi sa maison et prit la fuite devant l’avancée de l’armée française. Les errements auxquels il fut alors contraint eurent pour conséquence quelque temps plus tard qu’il décéda sur la route, non sans avoir juré à son fils l’Admour Haemtsayi que la Russie gagnerait la guerre.
Il ressort de cela combien il est remarquable que ce pays qui, au temps de l’Admour Hazakène, était tellement loin de la sainteté soit devenu, au cours de notre génération, le théâtre d’un réveil spirituel si important au point où des institutions de Torah y ont été fondées par les émissaires de mon beau-père, le Rabbi, Nassi de notre génération, en particulier une yéchiva « Tom’hei Tmimim Loubavitch » et bien d’autres institutions dans l’esprit de la Torah. En outre, on y écrit et imprime des livres de Torah, dans le domaine talmudique comme dans celui de la ‘Hassidout, et cela ne fait que se développer.
Les forces de « retourner » la France
Nous avons dit plus haut que la dispersion progressive du peuple juif dans le monde au fil des générations permit d’accentuer le raffinement du monde. Il en est de même en ce qui concerne l’œuvre de nos Rebbeïm dans la diffusion du Judaïsme et des sources de la ‘Hassidout qui s’est amplifié au fil des années jusqu’à procurer la force nécessaire pour pouvoir raffiner l’endroit le plus bas : la France.
Cette transmission de forces se fit par le vécu propre des Rebbeïm : dans les premiers temps, ceux-ci ne quittaient pas la Russie, leur pays de résidence. Puis, par la suite, ils en sortirent de plus en plus fréquemment. En ce qui concerne leurs voyages en France, il est connu que le Rabbi Maharach (Rabbi Chmouel de Loubavitch) voyagea en France à plusieurs reprises et y influença des Juifs à revenir à leur foi. Son fils, le Rabbi Rachab (Rabbi Chalom Dov Ber de Loubavitch) y séjourna de façon prolongée à plusieurs reprises. C’est en France, à Menton, qu’il édifia la structure de son célèbre « Hemchekh 5672 » (Suite de Maamarim - 1912) et qu’il en écrivit une partie. Cependant, la partie la plus importante fut celle du Rabbi (précédent, Ndt) qui, non seulement se trouva en France de nombreuses fois et y prononça même des enseignements de la ‘Hassidout, mais y envoya également des émissaires de sa famille11 qui y restèrent pendant huit ans. Il y fonda la yéchiva Tom’hei Tmimim et d’autres institutions de diffusion de la Torah et des Mitsvot.
Les grandes réussites que l’on voit en France aujourd’hui dans le domaine de la diffusion de la Torah sont la révélation concrète des forces qu’il a investies dans cet endroit dans les années précédentes. (La Rabbanit Haya Mouchka, de mémoire bénie, dit un jour à l’une des émissaires en France : « Nous avons labouré et semé ; à vous de récolter. »)
Les forces de l’Essence
Il est fait allusion à ceci dans le nom hébraïque de la France, « Tsarfat » :
1. « Tsarfat » est lié avec le mot tsirouf, « purification », comme il est écrit au sujet de la Délivrance « Beaucoup seront triés, épurés et passés au creuset (« yitsarfou ») »12, car celle-ci vient à travers le raffinement du monde. En outre, le nom Tsarfat présente une allusion à la Délivrance par le fait qu’il a pour valeur numérique le nombre 770 qui est la plénitude du chiffre sept, tel qu’il se décline en dizaines et tel qu’il se décline en centaines, ce qui exprime qu’à travers le raffinement de ce pays sera effectué le raffinement du monde entier qui fut créé en sept jours.13
2. « 770 » est également le numéro de la maison du Nassi de notre génération, de laquelle la lumière sort pour éclairer le monde entier. Cela fait allusion au deuxième niveau évoqué plus haut, du fait que la France elle-même a été transformée en lieu saint, non un lieu qui ne fait que recevoir la sainteté d’un autre endroit, mais bien comme la source elle-même, le « 770 ». Et cela est accentué par le fait que l’on utilise les coutumes locales (qui dans le passé étaient apparues comme des obstacles à la sainteté) pour le service divin.
L’explication à cela est la suivante :
La raison pour laquelle « l’être créé » a le sentiment d’exister « de par lui-même » est que sa source est l’Essence divine qui « existe par Soi-même et n’est pas engendrée par une quelconque cause qui l’aurait précédée »14. Ainsi, notre monde matériel est à première vue extrêmement éloigné du divin, car Celui-ci n’y est pas perceptible comme dans les mondes supérieurs. En effet, le monde matériel en soi n’est qu’un voile qui empêche de percevoir la lumière divine qui s’y trouve, au point où les créatures ressentent qu’elles existent par elles-mêmes et ne ressentent pas la force divine qui les porte à l’existence.
Cependant, la ‘Hassidout révèle que la raison profonde à cela est que c’est précisément l’Essence Divine qui crée ce monde matériel et qui est l’essence de la créature. Celle-ci ressent donc ce qui correspond à sa source véritable.
Ainsi en est-il des lieux : lorsque l’on révèle la qualité qui existe en chaque endroit en en faisant un lieu de diffusion de la Torah, on dévoile que son essence, sa nature profonde, est le divin.
Ceci permet d’ajouter à la compréhension du fait que le raffinement du monde dépend de celui de la France : en plus du fait qu’elle cristallise les forces les plus négatives et que son raffinement propre marque la plénitude du raffinement du monde, le raffinement de la France (« 770 ») fait allusion à la force par laquelle on peut provoquer le dévoilement de l’Essence divine dans le monde.
« La Marseillaise »
Et pour rendre la tâche encore plus facile au Juif, on lui montre du Ciel un phénomène prodigieux qui exprime la grande révolution qui a eu lieu ces derniers temps en France :
L’hymne national français représente le pays. On sait, d’autre part, que chaque pays possède un ange patron, un « sar », qui est lié avec l’hymne national. Or, il y a quelques années, les ‘Hassidim ont commencé à chanter cet air avec les mots de la prière du Chabbat « Haadéret véhaémouna le’haï olamim » et, peu de temps après, le gouvernement introduisit un changement dans la façon de le chanter. La raison en est que lorsque l’ange de la France vit en haut que ce chant était passé dans le camp de la sainteté, cela a occasionné ici-bas un changement dans le chant.
Diffuser les miracles
La nécessité d’évoquer ces sujets, par delà l’expression de reconnaissance envers D.ieu, est de faire Pirsoumei Nissa, faire connaître les miracles de D.ieu, car l’avènement messianique dépend de cela.
Puisse D.ieu vouloir que le raffinement et la transformation de la France – avec la perfection du raffinement du monde entier – amène immédiatement la réalisation de la prophétie « Et les exilés de cette légion d’Enfants d’Israël,… jusqu’à Tsarfat … possèderont les villes du Sud. Et des libérateurs monteront sur la montagne de Sion pour se faire les justiciers de la montagne de Essav et la royauté appartiendra à l’Éternel » lors de la véritable et complète Délivrance, au sujet de laquelle il est écrit : « Tu as percé (« paratsta » qui s’écrit avec les mêmes lettres que « Tsarfat ») une sortie » (Genèse 38, 29), « il s’agit de Machia’h, comme il est dit ‘Devant eux marche celui qui perce’ » (Michée 2, 13).
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