Nombre d'entre nous s’interrogent sur ce qu’il convient de ressentir envers des terroristes qui n'ont aucun scrupule à massacrer des innocents en grands nombres. Devrions-nous les prendre en pitié au motif que des chefs religieux démagogiques les ont manipulés et endoctrinés pour perpétrer ces tueries ? Ou bien devons-nous les haïr pour l'horreur, la peur et le chaos qu'ils instillent dans nos vies ?

La haine est une notion très forte et il existe le camp de ceux qui pensent qu'éliminer la haine – à commencer par la nôtre – fera du monde un endroit bien meilleur à vivre. Pourtant, il n'y a pas de raisonnement plus faux que celui-ci. Tous les attributs humains peuvent avoir un bon ou un mauvais visage. Un amour inapproprié, par exemple, est une force terriblement destructrice : imaginez une épouse qui reste fidèle à un mari pédophile et ne le dénonce pas par amour pour lui. Toutefois, quand l'amour est convenablement orienté, il est l’une des plus puissantes forces positives et constructives dont dispose l’humanité.

Il en est de même pour la haine. Le peuple juif est malheureusement familier des conséquences d’une haine insensée. L'été dernier et comme chaque année à la même période, nous avons observé trois semaines de deuil intensif pour commémorer la destruction du Saint Temple à Jérusalem et la déportation d’Israël de sa terre qui s'ensuivit il y a de cela presque deux mille ans. D'après nos Sages, ce fut la haine « gratuite » (sinat ‘hinam) qui engendra la destruction du Temple et marqua le début de notre interminable galouth (exil).1 Il est évident qu’une haine irrationnelle et sans objet est une force essentiellement néfaste. Cela ne signifie toutefois pas que toute haine soit nécessairement mauvaise. Il arrive que la haine soit tout à fait à propos et il existe même certaines choses que nous avons le devoir de haïr. Le roi David avait lui-même déclaré au sujet de mauvaises personnes « Je les hais d’une haine absolue. »2

Dès lors que l’on commence à « comprendre » le mal et ses causes, on devient vulnérable à son influence.La logique derrière cela est profonde. Étant donné qu’il est dans la nature humaine de s’éloigner des gens et des choses que l’on déteste, il s’ensuit que le meilleur moyen de se tenir à distance du mal est de le haïr. D’autant qu’une attitude ambivalente envers le mal peut aisément conduire à éprouver de la sympathie pour ce dernier : dès lors que l’on commence à « comprendre » le mal et ses causes, on devient vulnérable à son influence.

D’un autre côté, il faut savoir que même une « bonne » haine peut également s’avérer dangereuse. Notre haine se doit d’avoir un objectif constructif qui la motive et la contrôle. Si nous devions être consumés par la haine au point d’en être totalement submergés, cela signifierait que, d’une force précieuse et constructive, elle sera devenue une impulsion aveuglément destructrice.

Lorsque la haine devient passionnelle, elle dépasse les limites et devient mauvaise.C’est bien en cela que les terroristes se fourvoient. Il y a, certes, de nombreux aspects négatifs au sein des sociétés occidentales que l’on peut légitimement détester, combattre, et s’efforcer d’en dénoncer la nature destructrice à travers la communication. De tels sentiments d’aversion peuvent engendrer une motivation à combattre résolument ces traits négatifs. Mais si on donne libre cours à cette haine jusqu’à ce qu’elle devienne passionnelle – comme le font les terroristes –, alors celle-ci franchit les limites et devient mauvaise.

Notre réponse au fléau du terrorisme doit être implacable. Pour pouvoir le combattre efficacement, il nous faut le haïr, lui et ceux qui le mettent en œuvre. Le défi qui s’offre à nous, cependant, est de ne pas laisser cette antipathie légitime s’emparer de nous et nous consumer au point de se transformer en force négative.