Note de l’auteur: Cet article fut écrit en 2005, après les attentats meurtriers de Londres et de Netanya. Malheureusement, il est plus que jamais d’actualité.

Attentats-suicides. Détournements. Décapitations. Fusillades. Attaques au couteau… Avions. Trains. Métros. Bus. Centres de congrès. Hôtels. Discothèques. Pizzerias...

Al Qaeda. Djihad. Hamas. OLP. Ben Laden. Arafat. GIA. Abou Nidal. Hezbollah. Brigades Al Aksa...

Le terrorisme.

Appelez ça comme vous voulez. Prenez n’importe quel endroit, n’importe où dans le monde. Les détails changent, mais les faits essentiels sont identiques. Tout au long de l’histoire, il y a eu ceux qui ont cherché à détruire l’humanité. Il y a eu ceux qui ont tué pour le plaisir de tuer, dont l’objectif fut d’éradiquer la liberté, la paix et l’harmonie. Ces ennemis peuvent couvrir le spectre religieux. Ils peuvent couvrir le spectre culturel, géographique et ethnique. Mais, finalement, ils sont une seule et même chose.

Quand un attentat terroriste frappe notre pays, notre communauté, notre maison, la peur s’installe. Pourquoi ? Qu’est-ce qui est si traumatisant dans un attentat terroriste ? Qu’est-ce qui distingue le terrorisme de toute autre forme de mort ? Pourquoi les gouvernements occidentaux consacrent-ils des milliards pour traquer et éliminer les cellules terroristes à travers le monde ?

Si on regarde les statistiques, dans les 10 dernières années, environ 8000 personnes ont été assassinées par des terroristes. Pourtant, l’année dernière seulement, les accidents de la route aux États-Unis ont causé la mort de plus de 38 000 personnes.

En toute logique, si le terrorisme nous fait si peur, nous devrions avoir dix fois plus peur de prendre le volant. Conduire sur l’autoroute devrait être une expérience terrifiante à éviter à tout prix. Pourtant, la majorité d’entre nous le fait, jour après jour, sans hésitation. Combien de gens se demandent s’il ne vaut pas mieux prendre les transports en commun pour écarter la possibilité d’être tué dans un accident de voiture ? Combien de personnes veillent à ne pas faire monter toute leur famille dans le même véhicule de peur qu’ils ne meurent ensemble dans un accident ?

Les articles publiés suite à la récente tragédie de Londres parlent de ceux qui craignent de monter à nouveau dans un bus londonien à deux étages. Il y a ceux qui ne prendront plus le métro ou l’avion ou qui ne fréquenteront plus des sites touristiques populaires.

Pourquoi ? Quelle est la source de cette peur que les terroristes ont introduite dans nos cœurs ?

Les terroristes n’ont pas réussi à causer autant de morts qu’ils l’auraient souhaité. Mais ils ont accompli quelque chose d’encore plus destructeur peut-être que de tuer nos corps : ils sont parvenus à éroder notre sentiment de sécurité, notre espérance et notre foi.

Le terrorisme n’est pas nouveau. Et il ne va pas disparaître de lui-même. Mais il y a quelque chose que nous pouvons, et devons, faire à ce sujet. Lorsque nous comprenons la racine et l’essence du terrorisme, nous comprenons également comment, malgré sa puissance terrible, nous pouvons tous et toutes le combattre, jusqu’à ce qu’il soit absolument détruit.

La force négative de la terreur est présente depuis l’aube de l’histoire humaine. Les noms, les visages et les identités nationales des terroristes changent de lieu en lieu et d’époque en époque, mais la force primordiale qui les pousse a un seul nom : Amalek.

La Torah nous enseigne que « D.ieu est en guerre avec Amalek pour toutes les générations » (Exode 17,16). « Dans chaque génération, disent nos Sages, Amalek se lève pour nous détruire et il s’habille à chaque fois dans une nation différente » (Meam Loez, Devarim vol. 3, p. 977).

Amalek ne fait pas que nous tuer – Amalek nous fait douter

Notre première rencontre eut lieu il y a longtemps. Depuis ce temps, il y en a eu beaucoup d’autres. Pourtant, notre mission et notre commandement restent les mêmes :

« Souviens-toi de ce que t’a fait Amalek sur le chemin, à votre sortie d’Égypte. Il te rencontra en chemin, démembra tous les gens affaiblis sur tes arrières, quand tu étais las et épuisé ; il ne craignait pas D.ieu. Ainsi... tu effaceras le souvenir d’Amalek de dessous les cieux, n’oublie pas. » (Deutéronome 25, 17-19)

Le danger que pose Amalek ne réside pas en sa capacité à tuer. Les voitures tuent plus que lui. Amalek ne fait pas que nous tuer. Amalek nous fait douter.

Les voitures ne cherchent pas à nous détruire. Amalek vise à nous blesser, nous mutiler et nous assassiner. Et, chaque fois qu’il y parvient, il nous fait douter encore plus.

Il nous fait douter de si nous sommes en sécurité, de si l’on s’occupe de nous. Il essaie de nous paralyser et de nous faire réfléchir à deux fois avant de poursuivre notre vie quotidienne. Il essaie de nous montrer à quel point nous sommes vulnérables et comment rien n’est comme il paraît. Il nous fait douter de notre propre réalité, de celle de nos vies, de celle de notre D.ieu.

Comme les commentaires de la Torah le soulignent, la valeur numérique du mot hébreu Amalek est égale à celle du mot safek, « doute ».

Comment pouvons-nous vaincre Amalek ? Nous avons beaucoup d’armes pour le combattre. Ainsi qu’une ligne de défense essentielle contre le doute débilitant qu’il sème dans nos âmes.

La Torah nous donne trois commandements en ce qui concerne Amalek. Premièrement, nous devons mener une guerre contre la descendance d’Amalek. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour la détruire. Deuxièmement, nous ne devons pas oublier ce qu’Amalek nous a fait. Et troisièmement, il nous est commandé de nous souvenir.

Il semblerait que le deuxième et le troisième commandements reviennent pratiquement au même. Pourquoi la Torah nous demande-t-elle de nous souvenir et de ne pas oublier ?

La Torah nous dit que, d’une part, nous ne devons jamais oublier les souffrances que nous avons endurées, ne jamais oublier ce qu’Amalek nous a fait et peut encore nous faire. C’est important afin que nous ne relâchions jamais nos efforts pour faire tout ce qui est en notre pouvoir pour le combattre.

Mais ce n’est pas suffisant. Nous devons aussi nous souvenir, c’est-à-dire concentrer activement nos esprits sur la source de notre capacité à vaincre Amalek. Nous devons nous souvenir que nous avons survécu. Nous devons nous souvenir que nous n’avons pas été détruits. Que nous avons vécu et que nous avons continué et prospéré.

Amalek est ce qui instille le doute dans notre esprit. C’est ce qui cherche à nous priver de notre confiance en nous-mêmes, en notre prochain et, finalement, en notre Créateur. Quand nous perdons notre foi, nous perdons tout. C’est alors qu’Amalek est en mesure de nous attaquer.

Pourtant, nous avons quelque chose d’infiniment plus fort que le doute : la puissance de la mémoire. Nous avons le pouvoir de nous souvenir, de révéler la foi indestructible qui réside au cœur de nos âmes : notre foi en notre D.ieu, le D.ieu de bonté et de vie.

C’est une triste ironie qu’il faille souvent une tragédie pour nous rassembler. Le 11 Septembre a entraîné un sursaut de sentiment patriotique aux États-Unis. Après les attentats de Londres, les posters disaient « Aujourd’hui, nous sommes tous Britanniques ». Et nous l’étions. Nous ressentions et partagions la douleur de l’autre.

Il nous est commandé de nous souvenir

Mais cela ne suffit pas. Il n’est pas suffisant de souffrir une telle tragédie, de la dépasser et de continuer avec la vie de tous les jours. Parce que, après avoir été frappés, nous ne continuons pas de la même manière. Le doute s’installe et nous mine, lentement mais sûrement. Nous continuons, mais avec un peu moins de courage, un peu moins de sécurité, un peu moins de foi.

C’est pourquoi nous devons nous souvenir. Nous devons prendre la force, l’amour et l’unité qui ont émergé dans ces circonstances terribles et s’appuyer dessus pour construire notre foi, notre confiance et notre capacité à reconstruire. Nous devons nous souvenir comment nous étions unis et soucieux l’un de l’autre. Nous devons nous souvenir de la fontaine de foi qui a jailli du sein de la tragédie. Nous devons nous souvenir que, aussi difficiles que furent les événements, Amalek n’a pas gagné. Ils n’ont pas réussi. Car nous avons survécu.

Nous avons la capacité et le pouvoir de détruire Amalek. Il y a l’Amalek en chacun de nous qui cherche à nous affaiblir individuellement, et il y a l’Amalek qui cherche à nous abattre universellement. Les deux doivent être éradiqués. Et quand ils le seront, c’est alors que notre délivrance se fera. Car il nous est enseigné que la venue de Machia’h s’accompagnera de la disparition d’Amalek, du mal qui cherche à nous détruire.

Il y a une histoire célèbre qui illustre magnifiquement la puissance de la foi. Le précédent Rabbi de Loubavitch, Rabbi Yossef Its’hak Schneerson, fut emprisonné en Russie soviétique pour son leadership religieux. Lors d’un interrogatoire, ceux qui l’interrogeaient furent  dérangés par son absence totale de peur. Ils étaient habitués à voir leurs victimes terrifiées trembler, pleurer et demander grâce. Mais ce rabbin était assis tranquillement en répondant calmement à leurs questions. C’est alors que, dans le but de lui inspirer de la soumission, l’interrogateur lui agita un pistolet au visage. Le Rabbi sourit simplement et dit : « Ce jouet peut faire peur à quelqu’un qui a beaucoup de dieux et un seul monde. Moi j’ai un seul D.ieu et deux mondes, alors votre jouet ne me fait pas peur. »

Aujourd’hui, les blessures sont encore à vif. La douleur est encore réelle. Nous ne pouvons pas changer ce qui est arrivé. Mais nous pouvons aider à changer ce qui va arriver. Craindre Amalek n’aidera pas. Fuir Amalek n’aidera pas. Au contraire, nous ne devons pas oublier qu’il est notre ennemi. Nous devons l’affronter et le détruire. Et nous le pouvons. Nous en avons la force.

Mais seulement si nous nous souvenons de nous souvenir.