Le chant fait partie intégrante du mode de vie ‘hassidique. « La langue est la plume du cœur, » a noté le premier Rabbi de ‘Habad, Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, « mais la mélodie est la plume de l’âme. »

Il existe une grande abondance de nigounim – mélodies ‘hassidiques – dans la tradition ‘Habad-Loubavitch. Celles qui furent composées ou adoptées par l’un des sept Rabbis de ‘Habad sont particulièrement appréciées et sont régulièrement chantées lors des rassemblements ‘hassidiques et en d’autres occasions.

Le Rabbi, Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson de mémoire bénie, a enseigné treize mélodies au cours de la décennie 1954-1963. En plus de la mélodie elle-même, le Rabbi en enseignait souvent la signification. Nous présentons ci-après chacune des mélodies que le Rabi a enseignées, accompagnées des quelques explications du Rabbi sous forme abrégée.

« La langue est la plume du cœur, » a noté le premier Rabbi de ‘Habad, Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, « mais la mélodie est la plume de l’âme. »Le précédent Rabbi de Loubavitch, Rabbi Yossef Its’hak Schneerson, de mémoire bénie, a déclaré : « Il convient de chanter un nigoun avec le même soin que l’on a lorsque l’on répète un commentaire de la Torah que l’on a appris de son maître ou de son rabbin. » Pour cette raison, nous avons choisi de présenter les enregistrements de ces chants réalisés par la maison de disques Ni’hoa’h. Bien que ceux-ci soient assez anciens et que la qualité du son ne soit pas optimale, ils furent enregistrés dans un souci d’exactitude et de fidélité aux mélodies originales.


Mon âme a soif de toi : Tsama Lekha Nafchi (1)

Mon âme a soif de Toi. Ma chair se languit de Toi. Sur un sol aride, altéré, sans eau. Puissé-je donc Te contempler dans le sanctuaire, voir Ta puissance et Ta gloire.

(Psaume 63, 2-3)

Cette puissante mélodie, que le Rabbi enseigna le 1er mai 1954, décrit l’intense soif de spiritualité que l’on éprouve lorsque l’on se sent sans ressources. La soif que chacun, qu’il soit un érudit ou un homme simple, ressent à son propre niveau.

Avant d’enseigner le chant, le Rabbi expliqua ainsi le verset : « Lorsqu’on éprouve une soif de divin, celle-ci assouvit elle-même en partie le désir spirituel de se connecter à sa Source, car, comme l’a dit le fondateur du ‘Hassidisme, Rabbi Israël Baal Chem Tov, “Là où réside la volonté d’une personne, c’est là que celle-ci se trouve”. » Dès lors, celui qui a soif d’être en présence de D.ieu s’y trouve, de fait, déjà.

Cliquez ici pour les notes et la translittération de ce chant.


D.ieu qui nous protège : Vehi Chéamdah

C'est là ce qui protégea nos ancêtres et nous protège encore nous-mêmes. / Car ils furent plus d'un à vouloir nous détruire. / À chaque époque, on cherche à nous faire disparaître, / et le Saint béni soit-Il nous sauve de leur main.

(Haggadah de Pessa'h)

Pendant de nombreuses années, après le second Seder de Pessa’h (repas rituel), le Rabbi tenait un farbrenguen (un rassemblement ‘hassidique). À ces occasions, le Rabbi commentait des parties de la Haggadah, qui est le texte du Seder. Lors de ce farbrenguen en 1955, le Rabbi déclara : « Je ne sais pas pourquoi lors du Seder ce soir la Haggadah a été récitée avec tellement de mélancolie et d’abattement. Chantons donc ensemble la joyeuse mélodie de Véhi Chéamdah. »

Les présents ne connaissaient pas la mélodie à laquelle le Rabbi faisait référence et le Rabbi la chanta donc à plusieurs reprises, jusqu’à ce que l’assemblée s’associe à son chant.


L’habitude de D.ieu : Darkeikha Elokeinou

Ton habitude, Eternel, est de retarder Ta colère, pour les mauvais comme pour les bons, et ceci constitue Ta gloire. [Accorde notre requête], Eternel, pour Toi-même et non pour nous. Vois comment nous nous tenons, humbles et dénués [de vertu].

(Liturgie du soir de Yom Kippour)

Le Rabbi enseigna ce nigoun en 1955, à Sim’hat Torah, l’une des fêtes les plus joyeuses du calendrier juif. C’était dans les petites heures du matin, après des heures de danses avec la Torah. Le Rabbi saisit l’occasion pour engager tous les présents à accroître leur étude de la ‘Hassidout.

Il expliqua alors que, tout comme D.ieu considère nos fautes avec clémence, dépassant la rigueur qui était naturellement attendue de Sa part, de même devons-nous également dépasser les limites que nous nous sommes créées, y compris dans le domaine du bien, et décider d’être encore meilleurs demain.


Le repas de Chabbat : Assader LiSoudassa

Je rendrai grâce durant le repas, au matin du Chabbat et j'y inviterai maintenant le saint Ancien… (Pour l’ensemble des paroles, Cliquez ici)

Le Rabbi enseigna ce chant le Chabbat 6 juillet 1957.

Bien que ce ne soit pas la coutume dans la communauté ‘Habad-Loubavitch de chanter des zemirot (hymnes du Chabbat) au cours des repas de Chabbat, trois hymnes furent inclus dans le livre de prières que compila le premier Rabbi de ‘Habad, un pour chaque repas du Chabbat.

Le Rabbi fit remarquer que pour les chants du repas du soir et de l’après-midi, il existait des airs ‘Habad bien connus, mais pour le repas du midi, il n’y avait pas d’air. Il dit qu’il enseignera donc un air d’origine ukrainienne/lituanienne.

Cliquez ici pour la translittération de ce chant.


Car nous sommes Ton peuple : Ki Anou Amekha (1)

Car nous sommes Ton peuple et Tu es notre D.ieu, nous sommes Tes enfants et Tu es notre Père.

(Liturgie de Yom Kippour)

Le Rabbi enseigna ce nigoun, chanté avec des mots issus de la liturgie de Yom Kippour, à Sim’hat Torah 1956.

Le Rabbi expliqua que ce chant exprime le lien qui nous devons tous ressentir les uns vis-à-vis des autres, car nous sommes tous les enfants de D.ieu. Nous devons traiter notre prochain en frère, et le degré ultime de l’amour entre frères est lorsqu’il est totalement inconditionnel.


L’histoire du paysan insensé : Tsama Lekha Nafchi (2)

Mon âme a soif de Toi, ma chair se languit de Toi. Eh toi, Marco l'insensé, que fais-tu au marché ? Tu ne vends pas. Tu n'achètes pas. Tu ne fais que « remuer la soupe » [semer la discorde] !

Dans la vie, nous sommes confrontés à des obstacles créés par notre mauvais penchant, appelé « l’insensé ». Les paroles de ce chant nous disent que « l’insensé » vient au marché – notre monde – uniquement pour semer la discorde entre nous et D.ieu. Toutefois, du fait même des obstacles qu’il met sur notre chemin, nous développons une soif de divin.

Le Rabbi enseigna ce chant à Sim’hat Torah 1957.


L’histoire du chef caucasien : Shamil

Shamil était le chef d'un groupe de tribus qui vivaient dans les montagnes du Caucase en Russie il y a un siècle. Les Russes attaquaient fréquemment ces tribus, mais tant que leur chef, Shamil, était dans les montagnes, les Russes étaient incapables de les vaincre. Alors les Russes proposèrent trompeusement un traité de paix afin que les guerriers tribaux déposent les armes. Ils attirèrent ensuite Shamil hors de son fief et le capturèrent.

Regardant par la fenêtre de sa cellule étroite, Shamil pensait aux à ses jours de liberté dans les montagnes. Impuissant, exilé, il se lamentait sur sa détresse et se languissait de son ancienne position fortunée. Il se consolait cependant en sachant qu'il finirait par être libéré et retournerait à son ancienne position avec encore plus de gloire.

Tous ces sentiments sont exprimés dans cette mélodie sans paroles.

Le Rabbi enseigna cette mélodie à Sim’hat Torah 1958. Il expliqua alors que l'histoire de l’emprisonnement de Shamil est une métaphore de l'âme qui descend dans ce monde et est revêtue d'un corps humain. Le corps est pour l’âme une « cellule de prison » et l'âme languit sans cesse après sa demeure céleste. Elle s'efforce de se libérer de son exil dans le corps humain et ses désirs terrestres, en commandant au corps du suivre les enseignements et les mitsvot de D.ieu.


Celui qui répond à ceux dont le cœur est brisé : Ra’hamana

Ô Miséricordieux qui exauce les pauvres, réponds-nous. Ô Miséricordieux qui exauce ceux qui ont le cœur brisé, réponds-nous.

Le Rabbi enseigna ce chant à Sim’hat Torah en 1959. La mélodie commence doucement, puis le tempo s’accélère.

Le Rabbi expliqua que l’on implore d’abord D.ieu avec un cœur brisé. À mesure que la mélodie progresse, et que la personne ressent à quel point son cœur est brisé, elle est pénétrée de la foi que D.ieu fera ce qui est bon pour elle, et elle devient joyeuse. « Et lorsque nous avons le cœur brisé, conclut le Rabbi, nous sommes certains d’être agréés par D.ieu. »


Tu nous as choisis : Ata Be’hartanou

Tu nous as choisis d'entre toutes les nations, Tu nous as aimés et nous as désirés. Tu nous as élevés au-dessus de toutes les langues et nous as sanctifiés par Tes Commandements. Notre Roi, Tu nous as rapprochés de Ton service et Tu nous as fait porter Ton grand et saint nom.

(Prière des Jours de Fête)

Ce chant est composé de deux mélodies distinctes, quoique proches. Le texte entier de la prière est d’abord chanté sur le premier air, puis répété sur le second.

Les intonations douces et tranquilles du début expriment le mode de vie paisible des justes, qui vivent une existence entièrement vouée au saint service de D.ieu, régie par un sens moral serein et une satisfaction spirituelle.

Contrastant avec celles-ci, les notes passionnées et tempétueuses de la seconde mélodie expriment les profonds sentiments de remords du repentant, qui, revenant vers D.ieu, jette orageusement à terre le joug de son mode de vie antérieur. Il saisit les barreaux de l'Échelle Céleste de toutes ses forces, ce qui transcende sa détresse en extase infinie.

Chaque phase de la deuxième partie de la chanson est répétée, car le repentant ne se sent pas assuré dans son nouveau mode de vie et s'efforce de consolider son lien avec D.ieu. Le chant n'a pas de dénouement final, tout comme le repentant n'est jamais satisfait de lui-même, et cherche à aller toujours plus haut dans sa perpétuelle quête de perfection spirituelle.

Le Rabbi a enseigné ce nigoun à Sim’hat Torah 1960.


J’entonnerai des chants : Anim Zemiros

Je chante des hymnes et je compose des chants, car mon âme se languit de Toi. Mon âme désire Ton abri, connaître toutes Tes voies.

Il arriva un jour dans un shtetl européen que le lendemain de Yom Kippour la communauté, en arrivant à la synagogue pour la prière du matin, eut la surprise d’y trouver un de ses membres qui dansait autour de l’estrade en chantant Anim Zemiros avec une grande ferveur. Il s’avéra que ce Juif était tellement pénétré de cette mélodie qu’il avait dansé toute la nuit, sans se rendre compte que le jeûne était terminé et qu’il n’avait rien mangé depuis 36 heures !

Le Rabbi raconta cette histoire et enseigné ce nigoun à Sim’hat Torah 1961. Il expliqua que lorsqu’un Juif achève le jeûne de Yom Kippour, il est joyeux, ayant accompli le commandement de D.ieu ; toutefois il éprouve une forte nostalgie pour la sainteté de Yom Kippour.


J’ai commencé à boire : Stav Ya Pitou

J'ai commencé à boire le vendredi, le vendredi. / J'ai bu, bu, pour la valeur de mon veau. / Il faut, il faut savoir comment être joyeux. / Il faut, il faut savoir comment parler. / Ah, comment établir un juste bilan moral ? / Devant le Maître du monde, le Tout-Puissant, comment se justifier ? / Nous buvons donc, nous buvons et nous nous réjouissons. / Et nous buvons du vin comme de l'eau, et nous disons tous ensemble le'haïm ! / Et Toi, depuis les cieux, s’il Te plaît entends-nous.

Ce chant émouvant, enseigné par le Rabbi à Sim’hat Torah en 1962, est principalement composé de paroles en ukrainien et en russe, et parsemé de phrases en hébreu et en yiddish.

Le Rabbi expliqua que la mélodie de base avait été apprise par les ‘hassidim d’Ukraine auprès de bergers locaux. Dans la tradition du fondateur du ‘Hassidisme, le Baal Chem Tov, les ‘hassidim adaptèrent les paroles et l’air de ce chant de berger au thème du service de D.ieu, résultant en une mélodie ‘hassidique pastorale.

Le Rabbi enseigna que le sens profond de ce chant est que les deux mois d’Eloul et de Tichri – le mois qui précède et celui dans lequel se déroulent les Jours Solennels – ont passé, mais nous n’avons pas rectifié les aspects de notre comportement qui doivent être améliorés. Ainsi devons-nous « noyer » notre corps et notre âme animale dans un bilan moral, de sorte qu’ils ne contrecarrent pas nos efforts pour devenir meilleurs.

En faisant l’inventaire de ses actions, le ‘hassid entreprend de se libérer des limites de sa condition humaine et de dépasser l’indifférence de son corps pour la spiritualité. Il traverse ces obstacles qui entravent le chemin de l’amour et de la crainte de D.ieu et du service de D.ieu dans la joie.


Car nous sommes Ton peuple : Ki Anou Amekha (2)

Car nous sommes Ton peuple, et Tu es notre D.ieu. / Nous sommes Tes enfants, et Tu es notre Père. / Nous sommes tes serviteurs, et Tu es notre maître. / Nous sommes Ton assemblée, et Tu es notre lot.

(Liturgie de Yom Kippour)

Lorsque le Rabbi enseigna ce chant à Sim’hat Torah en 1963, il dit qu’il évoque celui s’efforce de se repentir et de revenir vers D.ieu. Il s’extrait de ses limites et déclare que, bien qu’il ait péché, D.ieu est toujours son Père.

Le Rabbi enseigna que le repentant n’arrête jamais son cheminement ; il est en constante amélioration. Ainsi, expliqua le Rabbi, ce nigoun n’a pas de fin et est chanté de manière répétitive.


Il nous délivrera : Hou Elokeinou

Il est notre D.ieu, Il est notre Père. Il est notre Roi, Il est notre Sauveur. Il nous sauvera et nous libérera de nouveau, prochainement. Et dans Sa miséricorde, Il nous adressera ces termes, face à tous les vivants : Voici que Je vous ai finalement libéré, à la fin des temps comme auparavant, afin d'être votre D.ieu.»

(Prière de Moussaf du Chabbat et des Fêtes)

Le Rabbi enseigna un autre chant à Sim’hat Torah 1963, basé sur des mots récités à l’unisson lors des prières du Chabbat. Ces mots expriment la foi inébranlable des Juifs, tout au long de l’histoire, en la Rédemption finale. Tout comme D.ieu nous a délivrés de l’exil en Égypte, Il nous délivrera avec la venue du Machia’h.

Le lendemain, lorsque le Rabbi demanda à l’un des ‘hassidim d’entonner le chant, celui-ci répondit qu’il n’en maîtrisait pas encore l’air. Le Rabbi répondit : « Dans ce chant, l’essentiel est dans les paroles, pas dans l’air ! »